Martial Solal à Odyssud : «Je suis en forme, je n'ai aucune raison de m'arrêter»

  • Martial Solal ne jure que par «l'excitation de l'instant». Martial Solal ne jure que par «l'excitation de l'instant».
    Martial Solal ne jure que par «l'excitation de l'instant». Photo DR
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Jean-Marc Le Scouarnec

L’immense pianiste, chef d’orchestre et compositeur sera en concert ce soir lundi à Odyssud-Blagnac en compagnie des deux frères Moutin, dans le cadre de Jazz sur son 31. Rencontre avec un jeune homme de 86 ans.

On interrompt Martial Solal en plein travail. Il est 15 heures et le pianiste répète ses gammes, inlassablement. Pour garder la forme, pour chercher encore un infime progrès, pour offrir dans quelques jours un nouveau concert qui restera dans les mémoires. Les notes résonnent dans la maison sise à Chatou, une agréable banlieue parisienne, sans gêner un quelconque voisin. Martial Solal s’amuse : «J’ai même répété ici avec un big band!» La légende vivante du piano a enregistré son premier disque il y a 60 ans, s’est fait connaître dans le monde entier avec la bande originale d’«About de souffle» de Godard (lire en encadré), joué avec Django Reinhardt, Stan Getz et tant d’autres, composé concertos et œuvres symphoniques. Sa tournée 2013-2014 est peut-être la dernière.

Quel programme allez-vous jouer à Odyssud ?

Si vous pouviez me le dire! Avec François et Louis Moutin, on torture et on triture les standards depuis un moment. Le miracle - si miracle il y a - ne viendra pas du choix des morceaux mais de ce qu’il y aura à l’intérieur, de l’excitation de l’instant.

Comment maintenez-vous vôtre technique ?

Comme un sportif : je m’entretiens tous les jours. La base de mon travail est très précise : je pratique des exercices que j’ai inventés ou aménagés dans le grand répertoire. Et je le fais aux mêmes heures. Ensuite, si j’en ai envie, je m’amuse, je joue. Et pour garder la forme, je m’astreins à 5 km de marche quotidiennement. Pas de la balade, de la vraie randonnée!

Que composez-vous en ce moment ?

Je compose beaucoup moins qu’avant. Depuis un an, je me consacre exclusivement à mon travail au piano. Je commençais à n’être pas trop content de moi. J’ai dû m’y remettre à fond.

Comment définiriez-vous les qualités d’un bon standard ?

Pour qu’un morceau devienne un standard, il faut qu’il ait une belle mélodie, une trame harmonique sur laquelle les musiciens peuvent se sentir très libre d’improviser. Un standard est un moyen de communication : quand on joue un morceau que le public reconnaît, il peut mieux voir ce qu’on en fait, comment on le malmène, comment on le met en valeur.

Votre tournée sera-t-elle la dernière ?

Cela fait 5 ans que je dis que j’en ai assez. Je suis harcelé pour jouer un peu partout. Cette année j’ai refusé des engagements aux Etats-Unis et au Canada tout en restant fidèle aux festivals...qui m’ont toujours été fidèles comme Jazz sur son 31. Je voudrais pouvoir me reposer mais en même temps je ne me sens pas fatigué…donc je n’ai pas de raison de m’arrêter.

Vous avez enregistré une centaine de disques. Quels sont vos préférés ?

Je pourrais citer le duo avec le guitariste Jimmy Raney, enregistré au début des années 90 et passé alors complètement inaperçu. Et aussi le dernier avec les Moutin, même si la majorité des morceaux sont des originaux que nous ne jouerons pas à Blagnac. Il faut les découvrir tranquillement chez soi. Une discographie, c’est très intéressant : on voit le cheminement d’un musicien, sa façon de faire, comment il a pu évoluer, s’améliorer.

Vous sentez-vous meilleur qu’hier?

J’espère bien avoir progressé! C’est même capital. En musique, il faut toujours être au top. Si vous restez sur place, tout le monde vous dépasse.


Ciné jackpot

Martial Solal a composé une dizaine de bandes originales de films, principalement dans les années 60, pour Melville, Cocteau, Verneuil, etc. «La musique de film est un travail à part. Il faut s’inspirer de l’image, de l’histoire, intensifier le sentiment du spectateur tout en se mettant en retrait. Si vous choisissez Le Sacre du printemps, c’est tellement fort que vous ne regardez plus le film. En ce qui concerne A bout de souffle (1960), mon compte en banque est reconnaissant de cette commande! Godard n’avait aucune idée sur le plan musical, il m’a laissé une totale liberté…et on ne s’est jamais revus depuis. C’est mon disque qui s’est le plus vendu, pas tellement à la sortie du film, qui a moyennement marché, mais sur la durée. C’est formidable qu’un travail d’un mois vous rapporte de l’argent toute votre vie. A l’inverse, j’ai peut-être passé 6 mois sur chacun des 20 concertos que j’ai composés sans avoir gagné grand-chose. La musique est parfois une loterie.»

Infos Pratiques

Date : 21 oct. au 21 oct.
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?