«Fierrabras», un drame héroïque et romantiquede Schubert

La Monnaie ressuscite en version de concert un opéra méconnu

de Schubert : « Fierrabras », un roman de chevalerie plein

d’imbroglios amoureux

Temps de lecture: 3 min

Nous sommes en 1823 : Schubert vient de composer Die Verschworenen (Les conjurés ou la Guerre des dames), un singspiel en un acte qui ne sera pas représenté. Et déjà il repense à l’opéra en travaillant sur deux esquisses quand il reçoit la commande d’un opéra pour le Théâtre de la Porte de Carinthie, que dirige l’imprésario italien Barbaja. Son librettiste n’étant autre que Josef Kupelwieser, le secrétaire du théâtre et le frère d’un ami peintre, tous les atouts semblent donc réunis pour que l’opéra soit créé sur scène. Schubert se met donc immédiatement au travail, avant même d’avoir reçu l’approbation de la censure, ce qui, dans l’Autriche de Metternich, est tout simplement aberrant. En fait, il termine la composition entre le 25 mai et le 26 septembre. Une époque où il travaille en parallèle sur son cycle de lieder Die Schöne Müllerin  : deux œuvres totalement opposées dans leur esprit.

Une histoire de chevalerie

Avec ce nouvel opéra qu’il qualifie lui-même de « héroïque et romantique », Schubert se tourne vers la chanson de geste médiévale. La Chanson de Fierrabras date du XIIe siècle et, historiquement, se passe avant les événements de Roncevaux racontés dans la Chanson de Roland. Le librettiste la combine toutefois avec une légende germanique Eginhard und Emma.

L’objectif du compositeur est très clair : il sait que la réussite d’un opéra est un facteur de promotion sociale et recherche ce type de consécration. Hélas, ses espoirs sont une fois de plus déçus : en opposition avec la programmation de trop d’œuvres italiennes, Kupelweiser démissionne de son poste et emporte avec lui l’espoir de faire représenter Fierrabras. Il ne sera finalement créé qu’en 1897 à Karlsruhe par Felix Mottl. Reprise au Theater an der Wien par Abbado dans une mise en scène de Ruth Berghaus (enregistrement disponible chez DG), l’œuvre est essentiellement jouée dans des théâtres allemands.

Qu’est ce qui fait la rareté de cet opéra ?

Pour Adam Fischer qui le dirigera à la Monnaie, cela n’a rien à voir avec sa valeur intrinsèque. C’est une musique magnifique, mais d’une terrible difficulté d’exécution. Schubert a beaucoup d’exigences vis-à-vis de ses chanteurs sans que leurs efforts ne soient récompensés par des airs flatteurs comme dans l’opéra italien. Fierrabras ne comporte d’ailleurs qu’un seul véritable aria. Un comble pour un mélodiste comme Schubert ! En fait, l’allemand n’a pas la même propension cantabile que l’italien : son énoncé est plus déclamatoire. L’opéra est plutôt composé de duos, trios ou quatuors ou de scènes d’ensemble avec les chœurs, présents dans 15 des 23 numéros de la partition. C’est une partition conçue dans une continuité : elle recourt d’ailleurs déjà au « leitmotiv », bien avant Wagner.

Il est certain que la commande avait un peu pour objectif de donner un nouveau succès à l’opéra romantique allemand après celui de Der Freischütz de von Weber. A certains moments, Fierrabras utilise d’ailleurs des tournures qui rappellent Weber. La partie chorale, elle, est très complexe et se souvient parfois des pages pour chœur a capella de Schubert. Elle est, elle aussi, d’une redoutable difficulté technique sans que l’effort soit récompensé par de grands effets qui plaisent au public.

L’investissement des interprètes est immense pour un effet souvent réduit. C’est à nous de soulever des montagnes. Aussi, si ce chef-d’œuvre ne plaît pas au public bruxellois, je n’y vois qu’une raison : c’est que nous aurons failli à lui rendre pleinement justice !

PBA, mercredi 21 et vendredi 24. Réservation : 02 229 12 11 ou www.lamonnaie.be.

 

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