Côte-d'Or - Loisirs Dijon : « Il fallait un grand opéra pour la saison tchèque »

Le directeur de l’Opéra de Dijon, Laurent Joyeux, reprend la mise en scène avec cet opéra, Kátia Kabanová , après Le Ring de Wagner en 2013.
Le Bien Public - 12 janv. 2015 à 05:00 - Temps de lecture :
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Le directeur musical, Stefan Veselka, et Laurent Joyeux. Photo Roxanne Gauthier
Le directeur musical, Stefan Veselka, et Laurent Joyeux. Photo Roxanne Gauthier

Pourquoi avoir choisi ce compositeur ?

« Quand on a décidé de faire cette saison tchèque, il fallait pour moi absolument présenter un grand opéra tchèque, avec un effectif orchestral important, et une œuvre qui puisse être populaire, puisqu’il y a par ailleurs les projets de Kaiser Von Atlantis et Brundibár , qui sont des œuvres de compositeurs tchèques mais du milieu du XXe siècle : ce n’est pas du grand répertoire tchèque traditionnel. Après, il y avait le choix entre Smetana, Dvorák et Janácek. Ce dernier est pour moi le plus tchèque de ces trois compositeurs. Il est connu pour avoir recueilli de nombreux sons et mélodies populaires dans toute la Moravie, il accordait une part extrêmement importante à la langue parlée et aux intonations. La langue tchèque est une langue très chantante, un peu comme l’italien : il notait dans un carnet toutes les intonations des gens autour de lui, et s’en servait beaucoup dans ses opéras. Par ailleurs, Janácek a fait tout un travail de musicologie sur les musiques traditionnelles populaires (tchèques, slovaques, moraves, bohémiennes, etc.) qu’il réutilise aussi dans ses opéras. Ce souci d’authenticité était pour moi important. Janácek correspond vraiment à la naissance même de l’école tchèque, et il est fondateur parce qu’il y a d’une part cet aspect musical, et d’autre part car il introduit un théâtre beaucoup plus contemporain en s’inspirant de pièces du moment. »

Comment décririez-vous cet opéra ?

« L’action va très vite, les répliques s’enchaînent très très vite, théâtralement c’est l’inverse de Wagner où on peut parler pendant deux heures pour se dire je t’aime. Là, c’est tout juste s’ils se le disent, ça se perçoit, ça se sent, ils l’expriment dans un laps de temps très court. »

Et pourquoi avoir choisi Kátia Kabanová ?

« Kátia Kabanová est pour moi le plus facile d’accès des opéras de Janácek, c’est peut-être le plus lyrique, le plus romantique par bien des aspects (en tout cas pour les personnages de Kátia et de Boris). C’était donc pour moi le plus facile à défendre vis-à-vis du public qui ne connaît ni Janácek ni la musique tchèque. De plus, Janácek a vu l’opéra Madame Butterfly , qui a été créé à peine cinq ans avant ; il en avait été très frappé, et par le sort de cette héroïne. Évidemment, Kátia Kabanová n’est pas Madame Butterfly, mais pour autant il y a énormément de choses, quand on connaît bien les deux œuvres, qui rentrent en résonance, que ce soit le destin de Kátia, la lâcheté des hommes qu’on retrouve dans son mari qui s’en va et Boris qui la laisse se suicider. Comme on a présenté Madame Butterfl y il y a quelques années ici, je trouvais intéressant que le public puisse aussi voir cette œuvre-là et faire le lien entre les deux. »

Est-ce aussi parce que cette œuvre n’est pas très longue ?

« Les opéras de Janacek ne sont pas très longs en général, mais celui-là est particulièrement dense. Ça avance tout le temps, il n’y a aucun temps mort, le débit de parole de Varvara est impressionnant. On est vraiment dans la langue parlée. »

Est-ce agréable pour vous de travailler ce genre de livret ?

« Oui, ce que je trouve passionnant, c’est que c’est à l’opposé de Wagner, ça change ! Et puis j’ai vécu à Prague pendant presque deux ans il y a plus de vingt ans, donc je suis très intéressé par la vie de ce pays, sa culture, ses racines, d’où elle vient et se mélange entre le sentiment national bien sûr mais aussi toutes les influences Mittel européennes, allemandes ou plus slaves. J’ai à cœur ce domaine de façon très personnelle. »

Quand vous avez eu l’idée de cet opéra, avez-vous immédiatement visualisé la musique, les chanteurs ?

« Non. J’avais envie d’une chanteuse comme Andrea (Dankova) et comme Kabanicka (Katja Starke), pas une vieille bique comme on voit toujours dans les mises en scène mais une femme qui a sans doute eu elle aussi un destin tragique, qui a du caractère tout en étant séduisante. Ces personnages très noirs, il y a toujours quelque chose qui les sauve, mais elle, non. Il était très intéressant de travailler sur cette noirceur totale tout en restant crédible. »

Et l’eau ?

« L’eau, dans Kátia Kabanová , est un élément très important. Or, de l’eau sur un plateau de théâtre, c’est très complexe. Mais ça apporte énormément, en termes de reflet, d’ambiance, de crédibilité. Quand les éléments naturels sont évoqués dans l’opéra, il ne faut pas s’en passer, d’autant qu’on sait que Janácek était très attaché à la nature. »

Représentations les 20, 22 et 24 janvier à 20 heures. Tarifs de 5,50 à 57 €. Tél. 03.80.48.82.82.

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