​L'essor des plateformes de streaming suscite des tensions avec l'industrie musicale


Par Sophie Estienne
Vendredi 14 Novembre 2014

​L'essor des plateformes de streaming suscite  des tensions avec  l'industrie musicale
La plateforme de vidéo en ligne YouTube vient de lancer, mercredi dernier, un nouveau service payant de musique en ligne avec lequel il s'affirme comme un rival des plateformes de streaming comme Spotify, dont l'essor continue de susciter des tensions avec l'industrie musicale.
"YouTube Music Key" permettra à l'auditeur d'échapper aux publicités et de poursuivre son écoute quand il verrouille l'écran de son smartphone ou utilise une application autre que celle du service de vidéo en ligne, explique la filiale du géant Internet Google sur son blog officiel. 
Le service est proposé dans un premier temps en version test (beta) et sur invitation aux "plus grands fans de musique" de YouTube dans sept pays: Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Finlande, Portugal et Irlande.
Google prévoit toutefois de l'étendre à davantage d'utilisateurs et d'autres pays  "dans les prochains mois". Le tarif annoncé de 9,99 dollars par mois (ramené provisoirement à 7,99 dollars) inclut aussi l'accès à plus de 30 millions de titres de Google Play Music. YouTube, que Google avait racheté en 2006 pour 1,65 milliard de dollars, était initialement consacré au partage gratuit de vidéos d'amateurs, mais  propose de plus en plus de contenus professionnels et a lancé l'an dernier de premières offres de chaînes payantes. L'accès gratuit "nous a permis d'arriver à un milliard d'utilisateurs", soulignait encore fin octobre sa patronne Susan Wojcicki, "mais il va y avoir des cas où les gens vont dire: je ne veux pas voir les publicités". Au-delà de son nouveau service payant, YouTube va améliorer son interface pour tous ses utilisateurs fans de musique, pour leur permettre notamment d'écouter des albums entiers d'artistes et d'accéder plus facilement à des "playlists" préprogrammées.
La filiale de Google se disait déjà "le plus grand service de musique de la planète", mais avec ces nouvelles offres, il s'affirme comme un concurrent direct des services de musique en streaming, qu'il s'agisse de ceux entièrement gratuits comme Pandora Media, ou proposant parallèlement une offre "premium" payante sans publicité comme le leader mondial suédois Spotify ou le français Deezer. Ces plateformes en plein essor se substituent de plus en plus aux ventes de disques physiques, une évolution qui n'est pas sans inquiéter de nombreux artistes et maisons de disques. Spotify justement s'est retrouvé sous les projecteurs quand la chanteuse américaine Taylor Swift a décidé la semaine dernière de retirer l'ensemble de ses chansons du site.
Le groupe suédois avait répliqué que près de 70% de son chiffre d'affaires était reversé dans l'industrie musicale, et fournissait une alternative économique au piratage qui "ne donne pas un centime aux artistes".  Il avait aussi reçu le soutien du chanteur du groupe de rock irlandais U2, Bono, qui avait jugé "évident que le passage au numérique ne se fait pas sans un certain traumatisme", mais souligné que "les services de streaming constituent un formidable moyen de toucher le public". Beaucoup d'artistes estiment néanmoins n'être pas payés à leur juste valeur quand leur musique est écoutée en streaming. En France, l'Adami, principal gestionnaire des droits des artistes et musiciens interprètes, dénonçait encore la semaine dernière un "partage inéquitable" des revenus entre les artistes et les intermédiaires (producteurs et plateformes Internet payantes).
Aux Etats-Unis, la fille du chanteur Johnny Cash, Rosanne, avait pour sa part expliqué en juin lors d'une audition au Congrès que les musiciens se sentaient "marginalisés et dévalués", évoquant des cachets de seulement 114 dollars pour 600.000 écoutes en streaming d'une chanson. Reflet de ces tensions, les négociations menées par YouTube avec les maisons de disques pour lancer son nouveau service n'ont pas été sans heurts. 
Il avait notamment menacé il y a quelques mois de retirer de sa plateforme en accès gratuit des vidéos d'artistes comme Adele ou les Arctic Monkeys,  produits par des labels indépendants, si ceux-ci refusaient les conditions tarifaires proposées pour le service payant. L'agence de gestion de droits Merlin, qui représente 20.000 labels indépendants, avait finalement signé un accord il y a quelques jours, selon le Financial Times, après les trois grandes "majors" du disque Universal, Sony et Warner. 

Youtube tord le bras aux artistes 
pour son service de streaming


Le service de streaming musical, dont le test en interne débutera dans quelques jours, proposera des clips vidéo sans publicité ainsi que des fichiers simplement audio. Il sera possible de sauvegarder des morceaux en cache pour une écoute hors connexion (en ira t-il de même pour les vidéos ?).
D'ores et déjà, le lancement à venir de ce service provoque quelques sueurs froides du côté de certains labels et artistes indépendants. Si YouTube a signé des accords avec la plupart des maisons de disques (soit 95% de l'industrie), le site réclame aux indés récalcitrants de signer, de gré ou de force, le contrat de licence les liant au futur service de streaming. Et s'ils ne plient pas l'échine, leurs vidéos seront bloquées «dans les prochains jours»! Peut-on imaginer ne plus avoir accès aux clips d'Adele ou des White Stripes ?
Robert Kyncl, le responsable des contenus de YouTube, explique que l'abonnement mensuel payant permettra à l'utilisateur de consulter toutes les vidéos et d'écouter toute la musique du catalogue à volonté et sans pub et il n'est pas question qu'une poignée de ces contenus, appartenant à des artistes n'ayant pas signé l'accord de licences, ne puisse être lue qu'avec de la réclame. Kyncl précise que le deal est honnête et «juste», «en phase avec l'industrie». C'est surtout une manière de tordre le bras à des artistes et des labels, dont plusieurs estiment que la proposition, à prendre ou à laisser, n'est pas suffisante.


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