Le chef d'orchestre Georges Prêtre dirige l'orchestre Philarmonique de Vienne lors du concert de Nouvel An, le 1er janvier 2010 à Vienne

Le chef d'orchestre Georges Prêtre dirige l'orchestre Philarmonique de Vienne lors du concert de Nouvel An, le 1er janvier 2010 à Vienne

afp.com/DIETER NAGL

"70 ans de carrière d'interprète et toujours en activité", dit-il fièrement à des journalistes de l'AFP qu'il reçoit dans son petit château de Vaudricourt, dans le sud du Tarn.

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"J'ai fait tout le répertoire classique", dit-il, regrettant de ne pas avoir dirigé suffisamment d'opéras.

A sept ans et demi, ce chti, né en 1924 à Waziers (Nord) d'un père bottier, a le "déclic" en entendant une ouverture symphonique: "Ca m'a donné un choc. J'ai su que je voulais être musicien".

"Mais j'aime toutes les musiques", corrige celui qui a d'abord appris le piano à Douai (Nord) puis la trompette. Il entre à 15 ans au Conservatoire de Paris et se frotte après guerre au jazz joué dans la capitale par les Américains.

A 19 ans, l'étudiant va à l'opéra. "J'ai un autre déclic. Pourquoi ne fait-il pas ceci, pourquoi pas cela'", se demande-t-il à propos de la direction du chef d'orchestre. Il choisit cette voie.

Georges Prêtre rencontre le grand chef André Cluytens, va jusqu'à lui demander "un conseil" sur l'étoffe du métier.

Il est convoqué en audition le lendemain et choisit Debussy. "Je n'avais pas besoin de partition, je connaissais par coeur". Au bout de dix mesures, Cluytens lui demande: "Pourquoi vous permettez-vous ces fantaisies, tous ces laisser-aller' - Parce que je sens, Maître". "Bravo", lui répond le chef.

Outre Cluytens, il a pour "guide" Olivier Messian dont il chérit la musique et interprétera les oeuvres.

"La direction d'orchestre ne s'apprend pas", affirme-t-il.

Ce passionné passe des concours et se fait embaucher à Marseille par Jean Marny, dont il épousera la fille, Gina, soprano.

- Marseille, période charnière de sa vie -

Le directeur de l'opéra de Marseille, ténor, lui permet d'apprendre toutes les grandes oeuvres "qu'on ne joue plus", précise Georges Prêtre.

Il a aussi dirigé à Lille, Toulouse - qu'il retrouve ce vendredi pour un concert avec l'Unicef - et puis Paris. Mais c'est à l'étranger qu'il mène l'essentiel de sa carrière, dont 50 ans à la tête de l'Orchestre Symphonique de Vienne, qui le considère comme "Viennois". En 2008 et 2010, il dirige le concert du Nouvel An de la capitale autrichienne.

Il a dirigé des dizaines d'orchestres comme invité et retrouvera Vienne et la Scala en début d'année.

"C'est bizarre, le destin. Je crois au destin", dit cet homme exigeant au langage direct et imagé, qui admet un "fichu caractère".

Il s'est d'ailleurs disputé un temps avec le "maestro" Herbert Von Karajan. "Un grand musicien, un homme d'affaires. Je me suis fâché avec lui, c'est de ma faute parce que je n'ai jamais été diplomate", avoue Georges Prêtre.

Parmi ceux qu'il a admirés, Maria Callas, qui le considérait comme son chef préféré. Il a un portrait grandeur nature de la cantatrice grecque, debout, en carton, près de son piano, sur lequel il se met aussitôt à jouer.

"Maria était très malheureuse", dit-il, évoquant sa rupture avec l'armateur Onassis.

"J'ai été gâté", raconte ce chef, énumérant nombre de compositeurs et interprètes avec lesquels il a travaillé.

Mais dans sa vie personnelle, Georges Prêtre a vécu une "grande cassure" avec la mort de son fils il y a trois ans. "Notre fils Jean-Reynald est parti. C'était mon manager, toujours avec moi, trop avec moi".

"J'ai réussi grâce à ma femme", toujours à ses côtés, poursuit-il ému. Le virtuose est aussi le père d'Isabelle, auteur de sa biographie, et grand-père d'un jeune homme devenu son manager.

Aujourd'hui, Prêtre pense qu'il reste "peu de vrais musiciens": certes "des techniciens merveilleux, mais ce n'est pas Rubinstein. Ce qui manque souvent, c'est la poésie de la musique".

"Il faut avoir une vision de la partition, en pensant que vous n'êtes qu'un interprète", juge-t-il. "Vous devez servir l'oeuvre, pas vous servir".

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