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Pourquoi il faut cesser de tirer sur les intermittents

Publié le 24 févr. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Il est un courant de pensée qui estimerait « équitable et juste » de mettre fin au régime des intermittents du spectacle, préconisant soit le soutien de l'Etat aux artistes et techniciens concernés, soit l'application aux intermittents du régime général. Quoique sensible aux arguments d'équilibre financier qui semblent motiver cette position, je ne la partage pas.

Si la vocation de l'Unedic est de gérer le système d'assurance-chômage de tous les salariés du secteur privé, on voit mal en effet au nom de quel critère on exclurait une catégorie de personnes ou d'entreprises. « Parce que les allocations que l'Unedic verse aux intermittents sont cinq fois supérieures aux cotisations qu'elle collecte dans ce secteur », me dira-t-on. A quoi je répondrai que ce critère de la contribution financière au régime relève lui-même d'un raisonnement qui sonne le glas de la solidarité interprofessionnelle.

Où irait-on si l'on se mettait à soupeser au sein de l'Unedic la contribution de chaque secteur d'activité et à évincer ceux qui, sur une certaine durée, afficheraient un solde cotisations-allocations négatif ? Nul doute que des secteurs clefs de l'économie française se trouveraient vite marginalisés, notamment ceux qui sont en pleine restructuration !

Une entaille dans le système qui ne manquerait pas d'en provoquer d'autres et pourrait même affecter jusqu'à la nature du contrat de travail. Depuis le milieu des années 2000, et la Cour des comptes le confirme, le « déficit » des CDD dans le régime d'assurance-chômage oscille entre 4 et 6 milliards par an (celui des intermittents est d'environ 1 milliard). En conclura-t-on que sus aux CDD ?

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Quel objectif poursuivons-nous ? Rééquilibrer le régime général. Or il n'existe pas de corrélation entre le montant des allocations versées aux intermittents et le déficit global de l'Unedic. Ainsi, en 2008 comme en 2010, les intermittents perçoivent le même montant d'indemnisations. Pourtant, en 2008, le budget total de l'Unedic est excédentaire (4,5 milliards d'euros) et en 2010, déficitaire (-2,9 milliards).

En réalité, la question des intermittents du spectacle est loin d'être un simple problème comptable, elle renvoie au statut de la culture dans notre pays. Or c'en est l'un des plus beaux fleurons, au point que Michelle Obama la qualifiait récemment d'exceptionnelle ( « unique » ).

Transférer le dossier des intermittents à l'Etat équivaudrait à alourdir le financement public de la culture, à la transformer en une culture d'Etat et à fonctionnariser les artistes : inacceptable ! Faut-il alors intégrer les intermittents dans le régime général et abolir tout particularisme ? Non. Même la Cour des comptes, dans sa rigueur financière, refuse la « remise en cause de l'existence d'un régime spécifique ».

La figure emblématique de l'intermittent du spectacle, ne l'oublions pas, c'est l'acteur de théâtre. Réalise-t-on à quel point ce métier s'exerce dans une incertitude et une prise de risque extrêmes ? L'artiste « descend aux entrailles des choses », disait Roger Vailland. Parce qu'elle est mystérieuse, imprévisible, fragile et puissante à la fois, l'offre culturelle n'est pas une offre économique comme les autres. Elle a cela de spécifique qu'elle est notre bien commun. Elle parle de nous. Elle nous rend accessible aux étrangers. Dans bien des cas, elle est le premier ambassadeur de la France.

Le rayonnement et l'attractivité de notre pays dépendent certes de sa politique économique et budgétaire, de sa capacité à dérigidifier le marché du travail, de son amour pour l'entreprise (et il progresse) mais aussi de sa production culturelle ! Certes, le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle fait l'objet de nombreux abus. Nous le savons et il faut impérativement lutter contre cela. Des plafonnements, des critères différenciés entre les métiers techniques et ceux du spectacle vivant, des simplifications dans les procédures, pourraient largement y remédier.

Mais cessons d'opposer l'artiste au salarié ou à l'entrepreneur. L'économie et la culture ne sont pas en conflit d'intérêts. Tout au contraire. Sans le savoir - ou sans vouloir le savoir ? - elles ont un potentiel de synergies vertueuses tout à fait exceptionnel. Profitons-en !

Laurence Parisot

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