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Rossini s'invite chez Claude Chabrol

Le Comte Ory à l'Opéra de Lyon. Opéra de Lyon

Laurent Pelly transpose astucieusement Le Comte Ory dans une province étriquée.

Créé à Paris en 1828, Le Comte Ory, avant-dernier opéra de Rossini, peut sembler bâtard. Nous ne sommes pas dans l'opéra-comique, ni dans le registre bouffe, malgré un livret grivois. Il fallait d'ailleurs la prodigieuse notoriété du maestro Gioacchino pour que la ­création ait lieu à la fort sérieuse salle Le Pelletier. On y voit tout de même des ­brigands se déguiser en nonne pour filer trousser des jouvencelles, avant que ­l'intrigue ne culmine par une scène de triolisme divinement scabreuse.

Mais la verve de Rossini, sa perma­nente inventivité musicale emportent tout. Et qu'il se soit pour l'occasion auto-piraté importe peu. La première moitié est une refonte assumée de son Voyage à Reims, (génial) opéra de circonstance créé quelques années plus tôt pour le ­sacre de Charles X et que le compositeur avait retiré de l'affiche, n'en assumant plus la cautèle courtisane. Chant du ­cygne d'un Rossini léger (ne suivra que l'énorme et imparfait Guillaume Tell), Le Comte Ory est donc une œuvre très attachante.

Son médiévisme cocasse et ouver­tement troubadour est généralement pris au pied de la lettre. La force de la nouvelle production signée Laurent Pelly est d'avoir transposé l'ensemble dans une province nantie et étriquée. Il y a un côté «Folies Bourgeoises» dans ce tableau d'un hobereau local qui joue les gourous de pacotilles (avec barbe et tatouages de fakir) pour mieux séduire une faune de dadames en Cyrillus, avec serre-tête et souliers plats. Assumant l'érotisme de l'œuvre, Pelly fait du trio final un pur moment de sensualité potache.

Le kitsch assumé des décors

Dans cette scène, on pourrait presque regretter que le rire couvre la musique, une des plus belles jamais composées par Rossini. De même, le kitsch assumé des décors est un brin irritant durant la première partie. Mais ne boudons pas notre plaisir, car il est si rare d'éclater de rire à l'opéra.

Une fois de plus, le «système Pelly» fonctionne à plein: transposition astucieuse et mécanique impeccable. Les chanteurs s'amusent. La comtesse hystérique et doucereuse de Désirée Rancatore est une leçon de chant et de comédie. De même, le comte Ory de Dmitry Korchak est à la fois élégant et hilarant. Saluons l'excellent Isolier d'Antoinette Dennefeld et les autres rôles, au diapason d'un spectacle irrésistible. Dans la fosse, Stefano Montanari dirige avec panache et alacrité. Tout juste rêverait-on çà et là d'un brin de légèreté mozartienne. La soirée aurait été parfaite si elle n'était assombrie par les avanies de Serge Dorny. Futur directeur de l'opéra de Dresde, l'actuel patron de Lyon s'est vu le jour même remercier par le ministère de la Culture allemand, pour des querelles de clocher. Le rire rossinien virait dragée au poivre.

Opéra de Lyon, 25 et 27 février, 1er, 3 et 5 mars. Tél.: 08 26 30 53 25.

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