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Des intermittents prêts à agir comme en 2003

Face à la proposition du Medef de supprimer leur régime spécifique d'assurance-chômage, ils se sont réunis en assemblée générale au Théâtre du Rond-Point, lundi 17 février.

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Publié le 18 février 2014 à 10h59, modifié le 27 février 2014 à 08h53

Temps de Lecture 4 min.

Une banderole lors d'une manifestation des intermittents du spectacle à Paris en octobre 2003.

Il flottait un petit parfum de 2003 au Théâtre du Rond-Point, à Paris, ce lundi 17 février. De nombreux comédiens, danseurs, techniciens du spectacle, etc., ont répondu présents à l'assemblée générale initiée, entre autres, par la CGT-Spectacle, guettant les dernières nouvelles, échafaudant des ripostes, comme lorsque, il y a onze ans, le Medef voulait en finir avec le régime spécifique d'assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle – les annexes 8 et 10 de l'Unedic. D'AG en occupations, le mouvement avait fini par aboutir à l'annulation du Festival d'Avignon…

On n'en est pas encore là, mais des feuilles circulaient, lundi soir, dans la grande salle, afin que chacun puisse donner ses coordonnées, en vue « des prochaines actions à mener ». « On est 900 ! Etre 900 au bout d'une semaine, c'est simplement hallucinant ! », a constaté Samuel Churin, comédien et membre de la Coordination des intermittents et précaires (CIP) d'Ile-de-France, qui était déjà en première ligne en 2003-2004.

Mercredi 12 février, dans le cadre des négociations entre partenaires sociaux, le Medef a ouvert les hostilités en proposant de supprimer les annexes 8 et 10, à charge pour l'Etat d'assumer leur indemnisation. Les intermittents sont employés sur des missions de durée plus ou moins longue, auprès de différents employeurs. C'est pour compenser cette discontinuité de l'emploi, qui induit une certaine précarité, qu'un régime spécifique a été mis en place, à côté du régime général.

UN RETOUR AUX 507 HEURES EN DOUZE MOIS ?

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Depuis la réforme de 2003, très critiquée, les techniciens doivent réaliser 507 heures en dix mois pour être éligible à l'assurance-chômage (annexe 8) ; quant aux artistes, jugés plus fragile et rattachés à l'annexe 10, ils ont dix mois et demi pour effectuer ces 507 heures. Les annexes 8 et 10 ouvrent droit à une période d'indemnisation de 243 jours, soit huit mois.

Depuis plusieurs années, la Coordination des intermittents, la CGT-Spectacle, etc., mais aussi le Syndeac, le plus puissant syndicat des « patrons » du spectacle, ont élaboré un socle commun de revendications : le retour aux 507 heures réalisées sur douze mois, avec ouverture des droits à date fixe, et l'instauration d'un plafond du cumul salaires/indemnités.

Sur le site du Syndeac, deux chercheurs indépendants, Mathieu Grégoire et Olivier Pilmis, ont rendu public un rapport, dans lequel ils testent différents modèles d'indemnisation : l'une de leurs conclusions est que la proposition alternative des 507 heures en douze mois ne serait pas plus coûteuse que le dispositif actuel.

LE SOUTIEN DE LA GAUCHE

Jean-Michel Ribes, le directeur du Rond-Point, et l'un des rares metteurs en scène qui s'affichait avec le candidat François Hollande, en 2011, pendant le Festival d'Avignon, a réaffirmé sa solidarité avec le mouvement.

Le quinquennat de la gauche sera-t-il marqué par la disparition des annexes 8 et 10 ? La ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, et le ministre du travail, Michel Sapin, qui ont multiplié les déclarations de soutien à ces annexes, depuis l'arrivée de la gauche en 2012, ont été mis devant leurs responsabilités.

Dans un entretien au Parisien, lundi 17 février, Aurélie Filippetti a défendu avec vigueur le régime des artistes et techniciens, rappelant que ceux-ci contribuent à la richesse nationale, et ne doivent être considérés en aucun cas comme des « parasites ». « Ne boudons pas notre plaisir », s'est réjoui Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT-Spectacle, lundi soir. Mais ne baissons pas la garde, a-t-il aussitôt ajouté, en appelant à une manifestation parisienne, jeudi 27 février, à 14 heures, qui ira « du Palais-Royal à l'avenue Bosquet, dans le septième arrondissement », soit du ministère de la culture au siège du Medef.

UNE RÉPLIQUE AVEC DES CHIFFRES

Un appel à la grève est par ailleurs lancé, pour le 12 mars, sachant que les négociations pourraient s'achever le 31 mars. Le compte-à-rebours commence. Il faut répliquer avec des chiffres, et « arrêter de courber l'échine », a déclaré Samuel Churin.

Dans des vidéos intitulées Ripostes n°1 et Ripostes n°2, visibles sur Internet, Samuel Churin fait de la pédagogie et démontre « l'ineptie » du raisonnement selon lequel les annexes 8 et 10 accuseraient un déficit d'un milliard d'euros (le rapport cotisations perçues et prestations versées).

Michel Sapin lui-même, le ministre du travail, n'a pas dit autre chose lors de son audition devant l'Assemblée nationale, à l'automne 2013. Jamais un ministre du travail ne s'était montré aussi explicite depuis des années ! Il est logique que la « balance » soit négative, dans le cas des intermittents, puisque ce régime s'adresse justement à des personnes en situation de précarité.

Selon Samuel Churin, « même la CFDT ne signera pas la suppression des annexes 8 et 10, et Michel Sapin ne validerait pas un tel accord » des partenaires sociaux ». Mais voici le scénario que l'on peut redouter, a-t-il résumé : le Medef pourrait, au final, concéder le maintien de l'annexe 10 seulement (celle des artistes), tout en restreignant les conditions d'éligibilité, tandis que les techniciens (annexe 8) perdraient leur régime spécifique.

Des chiffres, encore : Marc Slyper, musicien et membre de la CGT-Spectacle, a rappelé que « le régime des intérimaires (annexe 4) a un solde négatif de 3,4 milliard d'euros. Les CDD du régime général (- 8 milliards d'euros) ou les ruptures conventionnelles de contrat (- 4 milliards d'euros) ».

Assis au premier rang, fidèle au poste, l'ancien ministre communiste Jack Ralite, 85 ans, a exprimé son « plaisir » de voir tout le monde parler d'union, et de regroupement. Une jeune danseuse, âgée de 24 ans, a pris la parole à son tour : remerciant ses aînés de s'être battus jusqu'à présent, elle espère « pouvoir continuer d'exercer son art en France, sans devoir partir à l'étranger ».

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