Rumba Odemba : Edo Ganga retrace ses 60 ans de carrière musicale

Jeudi 15 Mai 2014 - 19:00

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L’artiste musicien, figure emblématique de l’orchestre Les Bantous de la capitale, a animé le 14 mai à l’Institut français du Congo à Pointe-Noire, une conférence sur le thème « 60 ans de musique » à l’occasion de la 2e édition de Rumba Odemba, du Congo à Cuba

Edo Ganga est l’un des rares artistes octogénaires encore en vie de la glorieuse épopée des Bantous de la capitale, groupe créé le 15 août 1959 chez Faignond Bar à Brazzaville. À la fois témoin, acteur et mélomane de la musique congolaise, Edo Ganga a, en une heure et demi, fait l’historique de ses 60 ans de musique en défendant le rythme des ancêtres Mkumba devenus par la suite Rumba après son importation à Cuba, la grande île. En dépit des apports musicaux de toutes sortes, la rumba est restée cette danse du nombril telle qu'initiée par les ancêtres. L’orateur a fait la genèse de cette danse et a souhaité que les jeunes perpétuent la flamme allumée au Congo.

Edo Ganga : passion et obsession pour la musique

Comme tout jeune de son âge, Edo Ganga a eu une scolarité normale jusqu’à l’école professionnelle d’Afrique équatoriale française (AEF), actuel lycée technique du 1er mai de Brazzaville, où il décrochera son diplôme de menuisier. L’attrait pour la musique trop pressant l’oblige à opter en 1954 pour une carrière musicale, obnubilé par l’immense talent de Joseph Kabassélé dit Grand Kallé et son African Jazz qui est son idôle dont il veut suivre les traces malgré l’hostilité de ses parents, considérant la musique comme une activité dépravante. En compagnie de ses compères, Nino Malapet, Jean Serge Essous, il traverse le fleuve Congo pour Kinshasa où il enregistre sa première chanson Aimé wa Bolingo en 1956. « Le voyage de Kinshasa s’explique par le simple fait qu’à Brazzaville, nous n’avions pas à l’époque une usine phonographique de disques contrairement à Kinshasa qui en était déjà pourvue, grâce aux expatriés grecs qui avaient créé les Editions Ngoma, Essengo ou Loninguissa. Nous sommes donc allés à Kinshasa pour enregistrer nos chansons. Après les événements politiques entre les deux villes, nous étions obligés de regagner notre pays après mille et une péripéties », a t-il raconté.

Accueillis par Faignond, les Bantous vont évoluer sous son label pendant des années, écrivant les plus belles pages de leur histoire avec cette écurie, en jouant dans les mythiques lieux du pays tels Faignond, Macedo et ailleurs dans le monde.

La Rumba est née dans le Bassin du Congo

L’origine de la rumba remonte entre le XIIIe siècle et le XVIe siècle dans le royaume Kongo. Une danse qui portait le nom de Mkumba ou Mukumba, danse du nombril, une danse rituelle très populaire pratiquée lors de diverses célébrations. « Les noirs sont les initiateurs du rythme de base. Avec la traite des esclaves, cette danse sera exportée par des millions de noirs en Amérique imposant leurs cultures et leurs rites. La rumba ou danse du nombril appelée encore Mkumba ou Mukumba, qui prend sa source en Afrique centrale, plus précisément dans le royaume Kongo, en République centrafricaine chez les Mbaki, une ethnie locale, est une expression folklorique, charnelle permettant à un couple de danseurs de se frotter nombril contre nombril. C’est le colonisateur espagnol qui l’a baptisé Rumba à cause de son incapacité à prononcer le mot Mkumba », a-t-il expliqué.

Ramenée en Afrique dans les années 40 et 50, les Africains intègrent dans cette danse leurs folklores et l’enrichissent de leur patrimoine culturel avec d’autres courants musicaux. « Après Paul Kamba, Jimmy Zacharie, Antoine Mundanda et Wendo Kolossoy, la rumba se modernise vers la fin des années 50 avec l’African Fiesta du Seigneur Rochereau, les Bantous de la capitale de Jean Serge Essous, en introduisant la guitare électrique, la trompette, le saxophone, la clarinette, la batterie, etc.. et lui donnent un nouveau souffle. Plus tard, Franco et le Tout Puissant Ok Jazz, Edo et les Bantous de la capitale redonnent à la rumba congolaise ses lettres de noblesse à travers les textes qui reflètent les réalités quotidiennes africaines. C’est ainsi que la rumba intègre d’autres courants musicaux tels que le jazz, le makossa, le soukouss, le ndombolo, le boucher, le Coupé décalé, la biguine… »

L’artiste est un éducateur et un instructeur

Edo Ganga n’est pas tendre à l’endroit des jeunes musiciens qui ne font pas honneur à notre musique par leur comportement immoral et le contenu polisson de leurs chansons. « L’artiste est un éducateur, un instituteur. Il réunit les gens avec des textes corrects. Mais par rapport à ce qu’on entend à travers certaines chansons, ça nous gène, c’est comme si l'on n'avait rien fait avant eux. Les jeunes doivent peaufiner leurs textes et non propager des insanités », a-t-il renchéri.

Le 17 mai, à l’Institut français du Congo à Pointe-Noire, les Bantous de la capitale vont donner un concert avec, au programme, la rumba et les autres rythmes latino américains voisins tels la salsa, la biguine ou le Cha cha cha. Patrice Banchereau, musicien, chercheur et musicologue français, et les jazzmen de Pointe-Noire réunis, vont également se produire lors d’un concert inédit.

 

Hervé Brice Mampouya

Légendes et crédits photo : 

L'artiste musicien Edo Ganga. Crédit photo"DR"