Une étude majeure prouve qu'on peut vivre plus longtemps en mangeant moins

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 14/04/2014 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité

Nos cousins singes rhésus vivent plus longtemps et en meilleure santé lorsqu'ils sont placés en restriction calorique.

Peut-on vivre mieux et plus longtemps en mangeant frugalement ? Probablement oui, d'après une nouvelle étude américaine qui paraît dans Nature Communications (1) et aura duré près de 25 ans, une durée exceptionnelle pour une étude d'intervention. Des singes rhésus a qui on a diminué les calories de 30 % vivent plus longtemps que ceux qui sont nourris à satiété. Ces résultats majeurs contredisent ceux d’une autre étude américaine récente (2).

La restriction calorique consiste à diminuer les apports énergétiques sans toutefois atteindre un stade de malnutrition. Pour cela, on supplémente les individus en restriction calorique avec des vitamines et des minéraux. Chez des organismes « inférieurs » comme les unicellulaires, mais aussi chez des rats et des souris de laboratoire, il a été montré que la restriction calorique augmente l’espérance de vie et repousse les désordres associés à l’âge. Dans les années 1980, des études ont été mises sur pied chez le singe pour savoir si la restriction calorique pourrait aussi allonger la vie chez les primates.

Lire : des chercheurs conseillent d'en finir avec les sacro-saints 3 repas quotidiens

Dans cette étude de l’université du Wisconsin-Madison qui a démarré en 1989, les chercheurs ont examiné les effets de la restriction calorique sur 76 singes macaques rhésus (Macaca mulatta). Lorsqu’ils avaient 7 à 14 ans, c’est-à-dire au début de la période adulte, les singes ont commencé à suivre un régime restreint de 30 % en calories, par rapport à ce qu’ils mangeaient auparavant. En parallèle, des singes témoins mangeaient à satiété. Il est intéressant de travailler sur le macaque rhésus car il présente des processus de vieillissement proches de ceux des humains.

Résultats : les singes qui mangeaient normalement ont vu leur risque de maladies multiplié par 3 (2,9) par rapport au groupe restreint en calories et leur risque de décès a lui aussi triplé. Pour Rozalyn Anderson, premier auteur de l’étude, les bénéfices de la restriction calorique sont liés au contrôle du métabolisme : « Cela affecte la façon dont le carburant est utilisé. La restriction calorique cause essentiellement une reprogrammation du métabolisme. Dans toutes les espèces où il a été montré qu'elle repousse le vieillissement et les maladies liés à l’âge, la restriction calorique affecte le contrôle de l’énergie et la capacité des cellules et de l’organisme à répondre aux changement de l’environnement lors du vieillissement.»

La restriction calorique affecte le métabolisme de plussieurs manières. "Elle entraîne notamment une réduction du niveau des radicaux libres et des espèces réactives de l'oxygène, donc une baisse du stress oxydant", explique Daniel Sincholle, pharmacologue et auteur du Guide des compléments antioxydants

Ces résultats contredisent ceux d'une étude de l'Institut national du vieillissement

Cette étude contredit des observations précédentes : dans une étude de l’Institut national du vieillissement de baltimore (NIA) sur 120 animaux, les améliorations dans la santé des animaux n’étaient pas significatives et la mortalité ne variait pas entre groupe témoin et groupe restreint en calories.

Lire : La restriction calorique ne permettrait pas de vivre plus longtemps

Comment l’expliquer ? Les chercheurs de l'université du Wisconsin estiment que les singes contrôles de l’étude NIA (qui étaient censés manger à satiété) étaient en réalité eux-mêmes en restriction calorique, d'où le peu de différences entre les groupes. Ricki Colman, un chercheur de l'université du Wisconsin explique : "Nous avons commencé l'expérience avec des adultes. Nous savions parfaitement combien de calories les singes mangeaient spontanément, et nous avons conçu le régime expérimental à partir de ces bases, en réduisant de 30% les calories." Au contraire, dans l'étude du NIA, les singes ont été nourris selon des données standardisées mises au point par la National Academy of Science. "A tous les stades de l'expérience conduite au NIA, leurs singes témoins étaient moins lourds que les nôtres, et dans certains cas beaucoup moins lourds", explique le Dr Colman, ce qui suggère fortement qu'ils étaient eux aussi en restriction calorique.

Richard Weindruch, qui est à l'origine de l'étude conduite dans le Wisconsin pense aussi que les résultats non significatifs rapportés par ses confrères du NIA devraient être réanalysés. En effet, 20 singes ont participé à l'étude du NIA en étant déjà adultes : 10 dans le groupe restreint et 10 dans le groupe contrôle. Or 5 de ces singes, 4 en restriction calorique et 1 contrôle ont vécu plus de 40 ans. Richard Weindruch : "Nous ne connaissons pas de singes ayant vécu plus de 40 ans. Donc la conclusion selon laquelle la restriction calorique n'était pas efficace dans cette étude ne nous paraît pas fondée." Pour Richard Weindruch, même un écart faible de calories (10%) aurait des bénéfices.

La restriction calorique affecte l'utilisation du glucose et la voie insuline, l'une des voies majeures du vieillissement animal. Il n'est pas étonnant de constater qu'elle  un impact majeur sur le diabète. Des études ont montré que chez l'homme, une restriction calorique de quelques mois, tout comme la chirurgie de l'estomac, peuvent guérir les diabétiques. Dans l'étude du Wisconsin, les chercheurs ont constaté des cas de diabète chez les animaux nourris normalement, 6 mois seulement après le début de l'expérience, alors que chez les animaux restreints, il n'y avait aucun cas de diabète il y a encore seulement deux ans.

Ces études ont coûté des millions de dollars et nécessité des décennies de suivi et il y a peu de chances qu'elles soient un jour reproduites. Les chercheurs de l'université du Wisconsin et ceux du NIA vont donc aggréger les données issues des deux études en espérant que d'autres enseignements en émergeront.

Lire l'entretien avec George Roth sur la restriction calorique

En attendant, ces études chez des animaux avec lesquels nous avons 90% de gènes en commun confirment l'intérêt de manger avec modération. Elles suggèrent aussi que les bénéfices constatés avec le jeûne intermittent sont réels.

À lire : Le bilan de stress oxydatif et les marqueurs biologiques du vieillissement (Abonné)

Références
  1. Colman RJ, Beasley TM, Kemnitz JW, Johnson SC, Weindruch R, Anderson RM. Caloric restriction reduces age-related and all-cause mortality in rhesus monkeys. Nat Commun. 2014 Apr 1;5:3557. doi: 10.1038/ncomms4557.
  2. Rafael de Cabo et al. Impact of caloric restriction on health and survival in rhesus monkeys from the NIA study. Nature (2012). Published online 29 August 2012. doi:10.1038/nature11432.

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