NUTRITIONAlimentation: Les Français, ces ignares de la nutrition

Alimentation: Les Français, ces ignares de la nutrition

NUTRITIONUne étude montre que les Français ne connaissent pas bien la composition des produits alimentaires...
Une femme fait ses courses dans un supermarché, le 27 juin 2014 dans le nord de la France AFP PHOTO/PHILIPPE HUGUEN
Une femme fait ses courses dans un supermarché, le 27 juin 2014 dans le nord de la France AFP PHOTO/PHILIPPE HUGUEN - Philippe Huguen AFP
Nicolas Beunaiche

Nicolas Beunaiche

Non, on ne peut pas faire avaler n’importe quoi aux Français. Mais leurs choix au supermarché ne sont pas pour autant des plus sains et des plus cohérents. Telle est la conclusion de l’étude Allegnutri, présentée mardi matin par Mohamed Merdji, le directeur du Lesma (Laboratoire d’étude et de recherche en stratégie et marchés des produits agroalimentaires), dans le cadre d'une conférence organisée par le Fonds français alimentation et santé. Pire: en matière de nutrition, les Français semblent être des ignares qui s’ignorent.

Alors qu’aux Etats-Unis, il est commun de parler d’éléments nutritifs lorsque l’on fait ses courses, le Français préfère, lui, évoquer des notions plus qualitatives et subjectives. «Outre-Atlantique, il peut vous arriver d’entendre “j’ai une grande faim de protéines”, explique Mohamed Merdji. En France, c’est impossible; le consommateur prête bien plus attention au goût, à l’origine du produit, aux marques, aux labels…» Logique, dans le pays qui a fait entrer au patrimoine culturel et immatériel de l’humanité le sacro-saint repas gastronomique que l’on partage entre amis.

Une consommation aveugle du bio

Le problème, insiste Mohamed Merdji, c’est que les Français partagent aussi un niveau de connaissance extrêmement faible en matière de nutrition. Au cours des expériences menées par les chercheurs, les personnes interrogées se sont montrées incapables d’associer des nutriments (vitamines, magnésium, anti-oxydants…) aux aliments qui en contiennent. Une partie d’entre eux pouvaient affirmer que la viande rouge contenait des fibres, quand d’autres estimaient que l’huile d’olive était nécessairement moins grasse que l’huile d’arachide.

A défaut de comprendre les étiquettes, les consommateurs made in France se focalisent en fait sur les mentions «terroir», «local», «naturel», «fraîcheur», «qualité», et ont en horreur les ajouts nutritifs. «La corrélation entre valeur santé et valeur naturalité est très forte chez nous, analyse Mohamed Merdji. Dès que le consommateur suspecte une opération industrielle qui transforme le produit, il est méfiant.» Omega 3 ajoutés et produits allégés sont donc boudés a priori, tandis que les aliments dits «fermiers» ou bio sont plébiscités. Une hiérarchie qui ne résiste pourtant pas forcément aux tests de dégustation…

Les céréales et les yaourts, cas à part

Les dépenses des industriels en publicités pour vanter les ajouts nutritifs seraient-elles bonnes pour les ordures? «Ce n’est pas si simple, nuance Mohamed Merdji. Mais les entreprises ont intérêt à vérifier leur plus-value avant de se lancer.» Et le chercheur de citer l’exemple de certains produits «ayant un statut particulier dans le répertoire alimentaire et culinaire des Français», pour lesquels le consommateur accepte plus facilement des modifications. C’est le cas du lait et des yaourts, qui ont toujours eu une image d’«alicaments naturels» et pour lesquels l’ajout de calcium est bien perçu, ou des céréales, que les parents voient comme un «carburant» pour donner de l’énergie aux enfants.

Pour donner aux Français le goût de la science nutritionnelle, Mohamed Merdji compte sur l’éducation alimentaire des enfants. «Il ne faut pas leur proposer un enseignement de la nutrition, qui est perçu par les plus jeunes comme des mathématiques, professe-t-il. Il faut miser sur les ateliers cuisine, l’éveil au goût, les visites d’usines…» Sur le groupe testé par les chercheurs, cette méthode a conduit les enfants à manger davantage de légumes que la moyenne. Il y a par ailleurs de quoi être optimiste, selon Mohamed Merdji: pour la première fois, en octobre, la notion d’«éducation alimentaire» a été inscrite dans la loi.

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