François Grandsir, directeur de la chorale de Poulainville dans la Somme, avait prévu de chanter La Chanson de Craonne, hymne antimilitariste, au cours de la cérémonie commémorant la bataille de la Somme, à Fricourt, le 1er juillet. Le secrétariat d’Etat aux anciens combattants parle d’un problème d’emploi du temps, M. Grandsir de censure, comme le rapporte France 3. Toujours est-il que la chanson fut retirée du programme, comme elle fut interdite en 1917 après que des mutinés du chemin des Dames la chantèrent.
Le commandement militaire français censure alors ce chant, qui dénonce l’absurdité de la guerre et appelle à la grève des soldats. Elle reste bannie jusqu’en 1974. Chargée de colère contre « ceux qu’ont le pognon », ces « embusqués » qui ne montent pas au front, La Chanson de Craonne, du nom d’un village de l’Aisne situé sur le chemin des Dames, rappelle le sacrifice injustifié de centaines de milliers de jeunes gens.
« C’est à Craonne, sur le plateau, qu’on doit laisser sa peau/Car nous sommes tous condamnés, nous sommes les sacrifiés. »
La chanson renvoie à la bataille de la Somme, qui a fait près de 500 000 morts, dont plus de 20 000 Anglais rien que le premier jour. Elle incarne à elle seule la « boucherie » de la Grande Guerre. Un massacre d’autant plus absurde que son impact militaire et stratégique a été faible pour les Alliés.
C’est pour cette raison que François Grandsir en avait proposé une interprétation pour la cérémonie de Fricourt. Sa chorale avait également préparé Roses of Picardy, chant emblématique pour les Britanniques. Il dit avoir reçu, la veille de la cérémonie du 30 juin, un mail des services du secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, lui annonçant que la chanson avait été retirée du programme. Une question de timing, car la cérémonie était déjà trop longue.
Mais le directeur de la chorale assure au micro de France 3 qu’il avait prévu de ne faire chanter que le premier couplet et le refrain pour que les deux chansons ne dépassent pas deux minutes chacune. Visiblement, ce n’était pas assez.
Qu’il s’agisse d’un banal problème d’emploi du temps ou d’une « censure » maladroite et inutile, le retrait de La Chanson de Craonne aura permis à ceux qui ne la connaissaient pas de la découvrir. C’est le fameux effet Streisand, qu’on ne se lasse jamais de retrouver.
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