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Genève féminise dix rues. A qui d'autres pourrait-on penser pour une seconde fournée?

Lise Girardin prêtant serment au Conseil des Etats.

Les dés sont jetés. Et il ne s’agit pas de dés à coudre. Dix artères genevoises porteront bientôt le nom de femmes. Il s’agit d’atténuer la disparité. On reconnaît ici le côté volontariste de nos municipaux. Ces derniers ont toujours aimé faire la leçon à au monde entier. Genève doit faire mieux que le reste des Suisses. C’est le cité «sociale et solidaire». Celle qui ouvre la marche vers le Bien. Avec majuscule, bien sûr. Nous nommes ici au cœur du projet «Objectif zéro sexisme dans ma ville». On aimerait juste que certains de ceux (et celles) qui crient si fort leur vertu ne finissent pas tancés par la Cour des Comptes ou pire encore...

Qui sont les dix femmes en question? Vous en connaissez peut-être la liste. En tête trône Lise Girardin, qui s’occupa longtemps de culture à la Ville. Elle recevra une Place des 22-Cantons qui n’a plus de raison d’être depuis que ces derniers sont vingt-trois. Lise rentre de justesse parmi les personnes élisibles. Elle est décédée en 2010, et il faut une décennie «post mortem» pour avoir doit à sa plaque non plus gravée au cimetière, mais émaillée en blanc sur fond bleu dans une rue. Je rappelle que la dame a fait une carrière pionnière à une époque où le "Deuxième Sexe" n’avait même pas le droit de vote en Suisse. A part cela, elle n’était pas facile à manier pour ses interlocuteurs. Un vrai bulldozer avec sa silhouette opulente et ses yeux froids derrière des lunettes. Mais au moins, avec elle, tout restait clair et rapide. Oui ou non. Nous n’étions pas dans le cotonneux avec cette politicienne dont j’ai eu le mari comme professeur de mathématiques.

Nom de jeune fille

Marguerite Dellenbach prendra à la Jonction la place de Francis Bergalonne, qui était musicien. Soyons justes. Ce monsieur n’était plus qu’un nom. Marguerite reste plus connue pour avoir dirigé le Musée d’ethnographie qui ne s'appelait pas encore le MEG, à une époque où le mot «ethnographie» ne frôlait pas encore l’obscénité. C’était entre 1952 et 1967. Spécialiste du bambou kanak, alors qu’elle n’était jamais allée en Nouvelle-Calédonie, la femme impressionnait son monde. Jacques Hainard, qui n’est pas une petite nature, me confiait l’avoir trouvée terrifiante. Notez que son nom d’épouse Lobsiger a disparu dans la bataille. Une guerre juste, puisqu’il s’agit de celle de l’égalité!

Nancy Mérienne par Firmin Massot. Photo MAH, Genève 2020.

Voilà les deux noms importants. Et les autres? Eh bien il faut chercher longtemps sur le site officiel de la ville, tant le geste l’emporte en importance sur la personnalité des intéressées. Il y a bien sûr les rectificatifs, Alice se voit associée à William Favre. Elisabeth aux autres Baulacre. Julienne remplacera curieusement René-Louis Piachaud. Mais qui est, ou plutôt qui était, Eglantyne Jebb qui aura maintenant droit au parc des Acacias? Mystère. Il m’a fallu Wikipédia pour savoir que cette philanthrope avait fondé avec sa sœur Save The Children. On ne peut pas dire que la Ville ait beaucoup communiqué sur la vie des personnes désormais honorées de manière pérenne.

Je peux juste vous dire a contrario que les habitants de la rue Jean-Violette n’ont pas voulu de Grisélidis Réal, qui devra si j’ose dire changer de trottoir. Mais il faut dire qu’ils avaient déjà dû adopter le poète. Avant lui, la rue s’intitulait tout simplement rue Violette, comme il y a encore une rue Blanche et une rue Verte. Marcelle de Kenzac n’a pas passé non plus la rampe. Il s’agissait pourtant d’une femme de théâtre. Il faut dire que la place du Cirque cela semblait un peu beaucoup pour la metteuse en scène, même si elle est enterrée avec les honneurs au Cimetière des Rois.

Pourquoi pas du concret?

Y a-t-il des oubliées? Bien sûr! Côté peinture, on aurait pu penser à Alice Bailly qui, née à Genève, à fait une belle carrière à Paris puis dans le canton de Vaud entre 1910 et 1940. Il eut aussi été possible de penser pour l’après-guerre à Pola Aïvazian, à Stéphanie Guerzoni ou à Alice Jaquet, même si elles auraient vraiment été présentes pour le quota. Idem pour Nancy Mérienne au XIXe siècle. Du côté des critiques d’art, il aurait en revanche semblé possible de rappeler Lucienne Florentin. Et pour ce qui est des galeristes et des commissaires-priseuses, un geste eut été concevable pour Marguerite Motte. Et aux rayon mécène j'aurais bien imaginé les demoiselles Rath.

Alice Bailly, qui joua un rôle important dans la peinture à Paris, puis Lausanne. Photo DR.

Cela dit, pourquoi ces hommages à des gloires définitivement défuntes? Pour quelle raison tant de barbons et maintenant de «barbonnes»? J’ai toujours préféré les noms qui vous parlent. A Genève, la rue d’Enfer. La Taconnerie. Le Grand-Mézel. La place Longemalle. La Corraterie. Sans parler des lieux donnant l’idée d’un monde agreste disparu. Les Plantaporrêts. La rue des Maraîchers. J’avoue ainsi avoir un faible à Paris pour la rue des Bons-Enfants, et à Rome pour celle des Boutiques-obscures. Boutiques-obscures, c’est tout de même plus clair que le nom de bien des gens morts il y a longtemps, non?