Beyrouth : A la rencontre des sinistrés

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Henriette Steinberg et Ismaïl Hassouneh rencontrent un pompier de la caserne endeuillée de Quarantina

Du 18 au 23 novembre, trois mois après la terrible explosion qui a détruit une partie de la ville de Beyrouth, une mission du SPF s'est rendue dans la capitale libanaise. La délégation a pu faire le point avec les membres de l'association DPNA, son partenaire sur place, sur le travail accompli pour reconstruire les bâtis et les vies. Le travail conduit sur place ainsi que les rencontres avec les sinistrés ont renforcé le SPF dans sa détermination à apporter une solidarité inconditionnelle au peuple libanais. 

Beyrouth. Ce vendredi 20 novembre, un quartet à cordes du Conservatoire national attaque les premières notes d’Une Petite musique de nuit de Mozart. Le bâtiment, meurtri par la double explosion survenue sur le port de la capitale libanaise le 4 août, vibre tout entier sous les impulsions tendres des notes. La sérénade, composée juste après le décès du père de Mozart, rappelle que dans les ténèbres du deuil finit toujours par percer une lumière. En l’occurrence, la lumière qui permit la réhabilitation du Conservatoire a pour nom DPNA (Association pour le Développement de l’Homme et de la Nature). 

Aujourd’hui, les musiciens jouent en l’honneur de la délégation du Secours populaire français qui est venue à Beyrouth pour quatre jours. DPNA, partenaire de longue date du SPF sur des projets de développement au Liban, n’a pas relâché ses efforts depuis les explosions pour venir en aide aux beyrouthins sinistrés, tandis que le Secours populaire n’a, de son côté, jamais faibli dans son soutien à l’organisation libanaise. 

Beyrouth : une mission à la rencontre des sinistrés

Les musiciens du Conservatoire de Beyrouth ont souhaité remercier le SPF en musique. (©Patrick Baz / SPF)

Témoigner de notre solidarité

La délégation du Secours populaire, qui s’est rendue au Liban du 18 au 23 novembre 2020, était constituée de Henriette Steinberg et du docteur Ismaïl Hassouneh, respectivement secrétaire générale et secrétaire national de l’association. « Nous sommes venus à Beyrouth d’abord pour remercier les amis de DPNA et l’ensemble des volontaires qui ont fait un travail absolument remarquable pour réhabiliter les lieux qui pouvaient l’être et permettre aux personnes d’y revivre dans des conditions aussi normales que possibles, après la terrible explosion du port, témoigne Henriette Steinberg, lors d’une conférence de presse tenue aux côtés de DPNA. Nous sommes également venus pour rencontrer les habitants et échanger avec eux sur les situations qu’ils vivent, leur témoigner notre solidarité et voir comment il est possible de continuer à les aider à l’approche de l’hiver. Enfin, nous désirons rendre compte à nos donateurs de ce que nous avons vu sur place, avons pu vérifier comme qualité de réhabilitation et de relations avec les personnes et pour inviter les donateurs à renouveler leur solidarité qui est aujourd’hui encore plus indispensable. »

L’espoir de continuer à vivre ici

Accompagnés de membres de DPNA ainsi que de son président Fadlallah Hassounah, les délégués du SPF ont sillonné les rues de Beyrouth, comme les sillonnent quotidiennement depuis trois mois et demi maintenant une centaine de jeunes volontaires de DPNA, afin d’apporter soutien moral et matériel aux sinistrés. Parmi les témoignages entendus, au sein de ces maisons aux portes et fenêtres réparées par les équipes de DPNA, auprès de ces familles sinistrées à qui DPNA livre des colis de produits alimentaires, d’hygiène ou sanitaires, il y a celui-ci, confié par une famille encore sous le choc aujourd’hui. « Suite à l’explosion du port, notre appartement a été impacté comme ceux de la majorité́ des habitants du quartier. Nous étions déboussolés, perdus, le moral à zéro. Et puis un beau matin, on tape à notre porte. Des volontaires d’une ONG, portant des gilets avec l’emblème du Secours populaire français, étaient là. C’étaient des jeunes de DPNA. Leur visite a été pour nous comme une bouffée d’oxygène, surtout lorsqu’ils nous ont annoncé́ qu’ils allaient nous aider. Grâce à leur aide et votre aide, la maison a commencé́ à reprendre forme. Comment vous remercier, comment remercier les donateurs ? Nous vous sommes extrêmement reconnaissants. Vous nous avez rendu un service inestimable et donné l’espoir de continuer à vivre ici. » 

L’ampleur du drame et l’ampleur du travail

C’est quelques heures seulement après la double explosion que les équipes de DPNA s’étaient rendues sur place pour constater l’ampleur du drame et décider d’agir en urgence. Face au désastre – 192 victimes, environ 6500 blessés et plus de 300 000 personnes sans-abris -, il fallait agir. « DPNA a compris que la première chose à faire, à côté d’un soutien moral et matériel, était de nettoyer les maisons, en ôter le verre brisé, remplacer les portes et les fenêtres afin que les personnes traumatisées se sentent à nouveau chez elles », se souvient Henriette Steinberg. « Sur place, nous avons réalisé l’ampleur de ce travail : le recensement maison par maison, étage par étage, appartement par appartement, de ce qui avait été détruit et réparé », poursuit-elle. Aujourd’hui, une centaine de jours après le drame, ce sont plus de 125 logements qui ont été réhabilités et environ 11500 personnes qui ont été aidées par DPNA grâce au soutien du SPF – 300 000 € au total, dont un premier fonds débloqué en urgence, le lendemain de la catastrophe, de 100 000 €. « Un fonds d’urgence de 100 000 €, c’est de mémoire une première pour le Secours populaire. Nous avons immédiatement saisi l’ampleur du drame », éclaire Henriette Steinberg.

Beyrouth : une mission à la rencontre des sinistrés

Les jeunes volontaires de l’association DPNA lors d’une livraison de colis alimentaires aux familles sinistrées de Beyrouth – août 2020. (©Patrick Baz / SPF)

Passion et détermination

Quelques heures avant la visite du Conservatoire national de musique, la délégation du Secours populaire s’était rendue, en présence du gouverneur de Beyrouth, le mohafez Marwan Abboud, à la Caserne des pompiers de Quarentina, elle aussi réhabilitée grâce aux efforts conjoints de DPNA et du SPF. Dix pompiers périrent dans les incendies du 4 août et, ce 20 novembre, Henriette Steinberg dépose une gerbe de fleurs sur le monument édifié en leur mémoire. C’est un moment d’une grande émotion, les soldats du feu entourant les délégués et leur témoignant leur reconnaissance. « En échangeant avec le capitaine de la caserne, je comprends que ces pompiers n’ont pas de tenues de protection. Qu’ils n’en avaient pas lors de l’explosion, ce qui a certainement causé la mort de dix d’entre eux, mais qu’ils n’en ont toujours pas à ce jour… », confie Henriette Steinberg. Cet échange éclaire dramatiquement la situation économique catastrophique du pays, la faillite de son gouvernement et, par conséquent, l’extraordinaire importance des Organisations non gouvernementales, dont DPNA est au Liban un des fleurons les plus actifs. « DPNA offre à sa jeunesse les moyens d’agir, de prendre son destin en main, en s’appuyant sur ses compétences et son énergie. Tous ces jeunes volontaires offrent la conjonction d’une passion pour leur pays et d’une grande détermination », songe Henriette Steinberg. 

Dis-moi quelle est ta souffrance

« A aucun moment, durant notre mission, la question de la confession des personnes ne s’est posée. J’ai pensé, tout au long de notre séjour, à cette phrase de Pasteur qui nous est chère au Secours populaire : « Je ne te demande ni ton nom, ni ta religion, ni ta race mais dis-moi quelle est ta souffrance. » J’ai retrouvé auprès de DPNA la force de la solidarité populaire qui sait rassembler au-delà des différences », poursuit Henriette Steinberg. Dans une ville qui se remet à peine de la catastrophe et qui continue de lutter contre une profonde crise économique, politique, financière et sanitaire, cette solidarité populaire est impérieuse. Les efforts de DPNA doivent se poursuivre, ainsi que la mobilisation du Secours populaire, à l’approche de l’hiver et du froid. « Pour que Noël ne soit pas seulement le Noël de la catastrophe », appelle de ses vœux, au nom de tout un peuple, Henriette Steinberg. 

 

 

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