Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/421

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femme d’Hérode ; Josèphe, dont le père avait vécu du temps de Jésus ; Josèphe, qui a le malheur de ne parler d’aucun des faits qui se passèrent alors en Galilée à la vue de tout l’univers. Nous remarquâmes tous deux quelles peines se donne ce Juif, et en combien de manières il se replie pour faire valoir sa nation. Il fouille dans tous les auteurs égyptiens pour trouver quelque preuve que Moïse a été connu en Égypte ; il déterre enfin deux historiens récents, qui ont écrit après la traduction qu’on appelle des Septante : c’est Manéthon et Chérémon. Ils disent un mot de Moïse, mais ils ne parlent d’aucun de ses prodiges.

Que Manéthon et Chérémon eussent dit peu de chose d’un Juif qu’ils regardaient avec mépris, cela était fort naturel, en cas que l’histoire de Moïse eût été fabuleuse ; mais qu’en parlant de Moïse ils n’aient rien dit des dix plaies d’Égypte et du passage miraculeux de la mer Rouge, c’est ce qui est incompréhensible. C’est comme si, en écrivant l’histoire de Genève, que vous avez commencée avec autant d’éloquence que de vérité, vous ne disiez rien de l’escalade[1] ni de la mort de M.  F…, mon parent[2].

L’omission même des miracles de Moïse est quelque chose de bien plus extraordinaire, dans une histoire égyptienne, que l’omission de deux faits très-naturels dans l’histoire d’une ville. L’assaut de miracles que fit Moïse avec les sorciers du roi d’Égypte ne devait pas surtout être passé sous silence par les historiens d’une nation aussi célèbre pour les sortilèges que l’étaient les Égyptiens.

On me dira peut-être que ces Égyptiens étaient si honteux d’avoir été vaincus en fait de diablerie qu’ils aimèrent mieux n’en point parler du tout que d’avouer leur défaite. Mais encore une fois, monsieur, cela n’est pas dans la nature. Les Français avouent qu’ils ont été battus à Crécy, à Poitiers ; les Athéniens avouent que Lacédémone les vainquit. Les Romains ne dissimulent pas la perte des batailles de Cannes et de Trasimène.

De plus, les magiciens de Pharaon ne furent vaincus que sur un seul article. Moïse fit naître des poux, et c’est là le seul miracle que les sorciers de Sa Majesté ne purent faire. Or, il était très--

  1. Elle eut lieu dans la nuit du 22 décembre 1602, et les Genevois, réveillés à propos, repoussèrent vigoureusement le gouverneur de Savoie, d’Albigny, lieutenant de Charles-Emmanuel Ier, qui avait essayé de réunir Genève à ses États. Voyez, plus bas, le commencement de la lettre dix-huitième.
  2. Ni de la médiation, édition de 1765. — Le M.  F…, dont il s’agit ici, mourut sans doute pendant d’autres troubles que ceux de 1765, dans lesquels Voltaire se fit médiateur, comme il le dit dans sa lettre du 27 novembre 1765, à d’Argental.