Évidemment, au début, ça tâtonne. Selon lui, le déclic a lieu en 2013, avec sa collection "La piscine", présentée dans une authentique piscine publique du quartier Oberkampf. La pièce maîtresse est un top transparent sur lequel est inscrit "Le pull marine" – Adjani forever. Les lecteurs fidèles pourront se reporter à la page 123 du Vogue Paris de juin-juillet de cette année-là : Simon y explique à Loïc Prigent qu’il est surexcité d’avoir vendu soixante exemplaires dudit pull (et accessoirement, qu’il espère que les filles le porteront sur la peau nue, téton apparent, parce qu’il "aime trop les seins des femmes", fin de citation). Marquant aussi, le défilé "Les santons de Provence", à l’été 2017, et son interprétation habile d’un thème hautement casse-gueule. "Jacquemus est devenu une marque pour femme à part entière, avec une vraie conscience du corps. Je suis sorti des carrés et des ronds pour aller vers quelque chose de plus construit, de plus souple, de plus léger. De plus seyant pour la silhouette, aussi. J’avais grandi. Et j’ai eu le sentiment d’être pris au sérieux." Noter que parmi ceux qui le prennent vraiment au sérieux et depuis plus longtemps que ça, se trouve Adrian Joffe, le partenaire de Rei Kawakubo chez Comme des Garçons, soutien précieux qui achète systématiquement ses collections pour toutes ses boutiques et répond à la moindre question en cas de besoin. "Mais je suis seul à bord. La marque est indépendante, j’en suis fier. Aujourd’hui, on occupe la totalité d’un immeuble près du canal Saint-Martin, comme une maison de couture traditionnelle ; ça ne fait qu’un an qu’on y est et c’est déjà trop petit." Oui, parce que Simon Porte est bien un designer de sa génération. Comprendre : un businessman. 200 points de vente au compteur et un chiffre d’affaires qui double chaque saison. "Ma première collection a financé la seconde. Et si on peut se payer le luxe d’un immeuble entier, c’est qu’on vend. Je ne vais pas te raconter que je ne pense pas à la dimension commerciale des vêtements. Bien sûr que je l’ai en tête en permanence." Considération qui n’est pas incompatible avec le développement d’un vocabulaire esthétique singulier, ça va de soi. À l’origine de l’inspiration, la garde-robe de sa mère ? "Non. Je n’essaie pas de recréer son dressing. Le souvenir de ma mère n’est pas dans le vêtement, mais dans l’attitude, la personnalité de la “femme Jacquemus” que j’imagine belle, libre, méditerranéenne. “La Bomba” est une collection qu’elle aurait pu porter intégralement, mais c’est bien la seule" Pour le reste, il capte l’air du temps de manière légèrement boulimique. Il observe autant les femmes de la rue que ce que produisent les autres marques, de la couture aux grandes enseignes, en croyant fermement à un dicton de Yohji Yamamoto dont voici une version approximative : "Copie, copie… Le résultat, in fine, te ressemblera." "Il y a quelque chose de vrai, là-dedans. Et c’est très encourageant de penser que si on a du caractère, si on a quelque chose à dire, ça ressortira forcément." Crédit photo : Karim Sadli