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Un exemple d’évaluation des étudiants non-spécialistes en langues à l’aide du CECRL

Evaluation des étudiants non-spécialistes en langues à l’aide du CECRL

 

PAR PIERRE FRATH Université de Reims Champagne-Ardenne

 

Certaines études ont montré que le niveau en langue des étudiants en première année de Licence (L1) se situe majoritairement dans la fourchette A2-B1 du Cadre européen de référence pour les langues (CECRL)1, c’est-à-dire entre le niveau minimal requis théoriquement en fin de 3e (A2) et un niveau inférieur à celui qui est attendu au Baccalauréat (B2). Cette situation ne s’arrange guère au cours des études universitaires, puisqu’en Master les étudiants de niveau B2-C1 sont loin de constituer la majorité, ce qui semble être le signe d’un certain échec des universités dans le domaine de l’enseignement des langues aux non-spécialistes2.

 

L’enseignement des langues aux non-spécialistes à l’université

Cet échec est à mettre essentiellement sur le compte de l’institution, qui ne se donne pas les moyens nécessaires, et au-delà de l’institution, sur celui des attitudes sociales vis-à-vis des langues, qui n’en favorisent pas l’apprentissage. Nous examinerons rapidement ces deux causes avant d’étudier en détail l’organisation institutionnelle de l’évaluation, le sujet principal de cet article.

 

Les étudiants non-spécialistes ont souvent une longue histoire d’échec dans leur apprentissage des langues dans le secondaire. Cela ne favorise pas leur motivation dans le supérieur, d’autant plus que la pédagogie dominante y est souvent très proche de celle du lycée. « More of the same thing » comme disent les Britanniques, sauf que les horaires sont ramenés à la portion congrue. Une enquête faite en 2008 à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) a montré que les étudiants ne bénéficiaient en moyenne que d’une heure de langue par semaine, d’anglais le plus souvent. Le message institutionnel subliminal est, qu’au fond, les langues, ce n’est pas si important que cela. La remotivation personnelle, au cas où elle serait défaillante, n’en sort pas renforcée, d’autant plus que l’horizon des étudiants se limite bien souvent à la note de fin de semestre. Cela les empêche de voir à temps les échéances qui les attendent au niveau du master, et de s’y préparer suffisamment à l’avance.

 

Quant aux représentations sociales des langues, celles qui dominent en France sont caractéristiques d’un peuple situé au centre d’un empire, habitué à voir les autres apprendre sa langue. On semble cependant avoir pris acte du fait que le monde n’a plus les yeux tournés vers notre pays. L’importance des langues est reconnue, et  l’apprentissage de la lingua franca du monde moderne, l’anglais, se développe cahin-caha, souvent au détriment des autres langues. On pourrait faire bien mieux, mais l’indispensable investissement en temps et en moyens n’est pas au rendez-vous. Dans le secondaire, les horaires sont en diminution constante depuis les années 70, et les politiques mises en place ont eu pour résultat de limiter à deux, ou peu s’en faut, le nombre de langues proposées aux jeunes Français, l’anglais et l’espagnol3.

 

Il s’agit d’une attitude assez schizophrénique, partagée tout naturellement par les étudiants, qui reconnaissent l’importance des langues, mais qui ne s’y investissent pas beaucoup. Par surcroît, ils ne se font  pas toujours une idée très juste de ce qu’implique l’apprentissage d’une langue. Peu ont intégré, semble-t-il, le fait que c’est la durée et la régularité qui en sont les facteurs principaux. Certains étudiants en master, soudainement conscients des échéances linguistiques, demandent parfois à la Maison des Langues de l’URCA comment parvenir en quelques semaines au niveau requis pour un emploi, une certification ou une mobilité étudiante dans un autre pays. Il semble que le modèle d’apprentissage des langues le plus répandu soit celui des sciences, c’est-à-dire par mémorisation intensive, alors qu’il est plus proche de celui du sport, par un lent apprentissage des gestes par le corps4.

 

Réussite et échec : un couple indissoluble

Venons-en maintenant aux difficultés générées par l’organisation pédagogique des universités, essentiellement liées au modèle d’évaluation. Les étudiants non-spécialistes sont regroupés dans des groupes-classes selon des critères largement non-linguistiques, l’ordre alphabétique par exemple, ou bien des groupes de TD constitués pour d’autres matières. Il en résulte une très grande hétérogénéité, les classes pouvant comprendre des étudiants presque bilingues et des débutants complets, notamment les étudiants étrangers qui ont appris le français dans leurs pays.

 

Cette hétérogénéité ne diminue pas avec le temps ; au contraire, le mode d’évaluation la fossilise. La note semestrielle est le plus souvent une note sur vingt, qui positionne les étudiants les uns par rapport aux autres au sein du groupe-classe. Selon une tradition immémoriale, les notes se répartissent idéalement sur une courbe de Gauss autour de la moyenne. En conséquence, les étudiants se perçoivent comme faisant partie d’un des trois groupes suivants : les « bons », abonnés aux bonnes notes sans beaucoup d’efforts ; les « nuls », qui s’estiment perdus, souvent absentéistes, et qui mettent en œuvre les stratégies de compensation  entre les matières permises par le système; et enfin les « moyens », les seuls que l’organisation pédagogique incite à progresser. Tous les étudiants, quel que soit leur niveau, ont collectivement intérêt à traîner les pieds afin de faire baisser les attentes de leur professeur de langue.

 

Il est à remarquer que cette répartition en trois groupes est indépendante du niveau réel des étudiants. Elle est générale, et concerne toutes les disciplines. Elle est générée mécaniquement par le système de notation et elle est indépendante de la volonté du professeur, qui en est le prisonnier, le plus souvent inconscient. Si dans une classe le taux de notes basses est élevé, l’enseignant est considéré comme exigeant et sévère, peut-être injuste ; et si, à l’inverse, c’est le taux de bonnes notes qui est élevé, il sera considéré comme trop généreux, avec la suspicion que cette sur-notation ne sert qu’à masquer une activité pédagogique insuffisante. Un enseignant qui note « bien » est un enseignant qui respecte les trois groupes et la courbe de Gauss.

 

Jeux de langage

Ce système de notation nous semble si naturel que nous en remarquons à peine les tenants et les aboutissants. On peut tenter de le comprendre à la lumière de ce que le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein appelle les jeux de langage6. En l’occurrence, il s’agit du fonctionnement sémiotique d’un couple de mots aux sens opposés, réussite et échec. Il y a beaucoup de couples de ce type : haut et bas, bien et mal, grand et petit, erreur et vérité, descendre et monter, etc., qui structurent l’appréhension de notre expérience sur un mode binaire. L’un n’a pas de sens sans l’autre, et n’est même pas concevable. C’est ainsi que la dichotomie réussite / échec plane, invisible, au-dessus de notre système éducatif, impose sa loi, et se fige en une réalité anthropologique qui passe inaperçue car constitutive de notre être social.

 

Les fréquentes réformes visant à éradiquer l’échec scolaire sont ainsi vouées à l’échec, non parce que le système éducatif serait incapable de faire réussir tous les élèves, mais parce que la réussite perdrait toute valeur. Lorsque l’école parvient, parfois, à atteindre le Graal de la réussite universelle, celle-ci se délite rapidement sous nos yeux. Qu’on pense au défunt Certificat d’Etudes Primaires et à l’insignifiant Diplôme National du Brevet ; et les jours du Baccalauréat sont sans doute comptés. Cet examen est réussi par plus de 90% des lycéens sur une période de deux ans. Mais au lieu de se réjouir de ce grand succès, on préfère remarquer qu’il n’est peut-être pas utile de dépenser des sommes considérables pour organiser un examen rituel que tout le monde ou presque réussit. Quitte à financer un examen, pense-t-on, qu’au moins il génère un taux d’échec suffisant pour valoriser ceux qui le réussissent. En fait le terme de « penser » ne convient pas ici, car cette idée n’est pas produite consciemment ; elle fait partie de cet ensemble de vérités implicites, fondées dans le langage, qui structurent une société7. Par surcroît, elle va à l’encontre de sentiments plus positifs, conscients ceux-là, comme la générosité et notre désir de bien faire, surtout en ce qui concerne le bien-être des enfants. Il est difficile d’admettre que nous ayons collectivement mis en place un système qui valorise la réussite des uns par l’échec des autres, et que l’échec est donc nécessaire.

 

Une école sans échec ne pourrait être qu’une école sans réussite, sans critères de jugement extérieurs à la personne, c’est-à-dire une école où l’on viserait le développement personnel des enfants sans jamais les comparer les uns aux autres. C’est concevable, et des tentatives en ce sens ont été faites, par exemple, par Célestin Freinet, Rudolph Steiner, Jean-Ovide Decroly ou Alexander S. Neill8, dans le cadre de ce qu’on a appelé les « nouvelles pédagogies ». L’accent y est mis sur la liberté de l’enfant, la coopération, la prise en charge autonome, le développement individuel, et pas sur l’autorité, la soumission, le conformisme. Elles ont cependant toujours été minées à la base par la division en classes sociales et la compétition générale, dont l’école ne peut s’affranchir.

 

Cette question de l’échec nécessaire est un des grands non-dits de la didactique, laquelle préfère une vision plus « scientifique » de l’échec, plus « causale ». On admet généralement que l’échec scolaire est produit par des problèmes socio-économiques, que la didactique n’aborde pas, par des déficiences personnelles, qui sont du ressort de la psychologie, ou par des difficultés méthodologiques, pour lesquelles la didactique propose des solutions. La nécessité anthropologique de l’échec est ainsi entièrement occultée : on sait expliquer pourquoi tel ou tel individu échoue, mais rien n’est dit sur l’existence même de l’échec. L’échec individuel est alors une sorte de dysfonctionnement, une anomalie, parfois causée par des facteurs institutionnels.

 

Comment améliorer l’enseignement des langues aux non-spécialistes ?

 

Autoformation

En l’occurrence, ces facteurs institutionnels à l’université consistent en horaires réduits et en un système d’évaluation qui n’encourage pas les étudiants à s’investir. Pour amener un maximum d’étudiants au niveau B2 en L3 dans au moins une langue, plus si possible, il faut lutter sur ces deux fronts. Pour cela, il faut tout d’abord une organisation pédagogique efficace. Celle que la Maison des Langues a choisie consiste en un dispositif d’autoformation classique, bien rodé dans d’autres universités9. Il comprend pour l’instant deux Centres de Ressources et Espace-Langues (CEREL), situés l’un sur le campus du Moulin de la Housse (Sciences et STAPS), l’autre sur le campus Croix-Rouge (Lettres et Sciences Humaines, Sciences économiques et Droit). D’autres seront mis en service très prochainement. A terme, chaque campus de l’URCA disposera du sien. Ils proposent de l’anglais, de l’allemand et de l’espagnol à des groupes-classes dans des créneaux fixes, après accord avec leurs composantes, et un grand choix de langues pour auditeurs libres.

 

Motivation

Dans un monde idéal, la simple existence d’un tel dispositif serait suffisante pour inciter les étudiants à apprendre les langues. Et c’est effectivement le cas pour quelque deux cents auditeurs libres. Mais ce n’est pas celui de la majorité. Les chiffres que nous avons collectés montrent une déperdition importante des auditeurs libres, surtout en anglais, après leur inscription. Les raisons en sont multiples : surcharge de travail, autres priorités, refus de l’autoformation, manque d’intérêt pour l’anglais10, etc. Il fallait donc trouver d’autres incitations.

 

Nous avons choisi de tabler sur l’intérêt personnel des étudiants, qui repose sur trois piliers : la possibilité d’obtenir une bonne note en fin de semestre, quel que soit le niveau de départ, l’espoir de voir ses efforts récompensés par un niveau B2 officialisé en L3, et la possibilité d’inscrire les niveaux en langue atteints dans le Supplément au Diplôme, ce qui permettra aux étudiants de valoriser leurs compétences en langues après la fin de leurs études. Tout repose donc sur l’évaluation.

 

Tests de positionnement

Voici une description du système mis en place pour les étudiants que nous appelons « institutionnels ». Les premières séances sont consacrées à l’initiation à l’autoformation, une phase nécessaire, surtout pour les L1. Vers la mi-semestre, quand la philosophie de l’ensemble commence à être acquise, nous procédons à des tests de positionnement. Ils visent à repérer le niveau B2, et secondairement, les niveaux adjacents, B1 et C1. Les autres niveaux (A1, A2 et C2) ne sont pas visés, ce qui simplifie la conception des tests. Ces derniers sont ensuite complétés par une auto-évaluation à partir des descripteurs du CECRL, qui permet aux étudiants de se faire une image plus précise de leur niveau, et donc du travail qui reste à accomplir pour atteindre B2. S’ils sont loin du compte, ils sont encouragés à travailler au CEREL en-dehors des créneaux fixes, ou bien en ligne, en faisant usage des parcours d’apprentissages disponibles au CEREL ou sur le webcours de l’université. Les étudiants de niveau B2 ou plus bénéficient d’un enseignement présentiel, en petits groupes, qui abordent plus spécifiquement la langue de spécialité et les compétences professionnelles, comme parler en public ou faire une présentation orale. 

 

Note de fin de semestre

Lors de la phase d’initiation, nous précisons les critères qui seront pris en compte pour la note de fin de semestre, exigée par les composantes. La part est faite belle à la régularité, à l’assiduité, aux progrès accomplis, à la construction d’une cohérence dans l’apprentissage. Du coup, tous les étudiants, même les plus faibles, ont une chance d’avoir une bonne note. Il est alors possible que la note ne reflète pas les niveaux relatifs des étudiants, ce qui peut être ressenti comme une anomalie, voire une injustice. Il fallait donc compléter le système. Nous avons choisi une évaluation par rapport à un référentiel explicite, celui du CECRL, qui remplace avantageusement le groupe-classe comme référence implicite, et dont les résultats pourront être reportés dans le Supplément au Diplôme.

 

Une certification interne : le CELU

Mais une note basée sur la progression ne peut pas se convertir aisément en niveaux du CECRL. L’auto-évaluation à l’aide des descripteurs ne serait pas viable non plus, car il est improbable que les étudiants ne soient pas tentés de surévaluer leurs compétences. Une autre solution serait une certification externe, par exemple le CLES ou le TOEIC. Certaines universités et grandes écoles ont fait ce choix, mais il a des effets secondaires néfastes, tels que le bachotage, qui fait perdre de vue que l’objectif n’est pas de passer un examen mais d’apprendre une langue, et la normalisation des enseignements, qui bride la créativité des enseignants et favorise la routine. En outre, les étudiants n’ont pas tous besoin de la même certification. C’est pourquoi nous avons préféré réserver les certifications externes au niveau des masters. En attendant, il faut que les étudiants acquièrent le niveau requis.

 

Pour cela, nous avons mis en place une certification interne gratuite, le CELU (Certification en Langues de l’URCA), qui teste les quatre domaines de compétences langagières de l’oral et de l’écrit. Il comprend deux volets, le CELU-compréhension, à correction automatique, pour la compréhension orale et écrite, et le CELU-expression pour la production orale et écrite. Ce dernier n’est ouvert qu’à ceux qui auront réussi le premier. La raison en est que la correction de l’expression implique une intervention des enseignants, ce qui est coûteux. Egalement, ne seront autorisés à présenter le CELU-expression que les étudiants qui l’auront préparé selon le format choisi, fondé sur le principe du scénario. Cela afin d’éviter que les étudiants le présentent uniquement « pour voir », sans travail préalable. L’objectif principal du CELU est bien d’inciter les étudiants à travailler en amont.

 

Le CELU existe pour l’instant en anglais, et seulement pour la compréhension. Il sera complété par le volet expression prochainement. L’allemand et l’espagnol seront proposés également. Il sera conçu, réalisé et étalonné en collaboration avec l’Université de Picardie Jules Vernes (Amiens) dans le cadre d’un Pôle de Recherche et d’Enseignement (PRES).

 

Langues modimes11 et Portfolio européen des langues

Les petits effectifs d’étudiants qui apprennent d’autres langues sont évalués par un jury grâce au Portfolio européen des langues, qu’ils sont incités à constituer tout au long de leur apprentissage12. Les étudiants présentent dans le Dossier du Portfolio les preuves de leur excellence dans la langue et dans le niveau visé. Le jury accorde ce niveau ou non au vu du Dossier et d’un examen oral, et, en cas de réussite, le reporte dans le Passeport des Langues et le Supplément au Diplôme.   

 

Résumé du dispositif d’évaluation

  1. Tests de positionnement lors des premières séances d’autoformation, complétés par une auto-évaluation à l’aide des descripteurs du CECRL. Les étudiants savent dès lors quels sont les objectifs à atteindre.
  2. Note de fin de semestre sur vingt, qui prend largement en compte la progression. L’objectif est de remotiver les étudiants et de les encourager à travailler régulièrement.
  3. Evaluation basée sur le CECRL en L3 à l’aide du CELU. L’objectif est de fixer un but atteignable et d’inscrire les niveaux obtenus dans le Supplément au Diplôme.
  4. En master, un choix de certifications externes est proposé aux étudiants, selon leurs besoins.
 

Difficultés

Les difficultés rencontrées pour la mise en place d’un tel dispositif sont nombreuses, largement parce qu’elles vont à l’encontre des pratiques implicites et de la notion d’échec nécessaire. Il faut un bon bâton de pèlerin et un enthousiasme sans faille pour constamment expliquer et réexpliquer les mêmes choses aux collègues, à l’administration et aux étudiants. Citons quelques problèmes récurrents :

 

En ce qui concerne plus spécifiquement le CELU, il semble acquis pour la plupart des collègues que les certifications externes sont les seules à pouvoir assurer des évaluations crédibles. Mais si les universités ont le droit légitime de décerner des licences de mathématiques ou de droit, pourquoi ne pourraient-elles pas certifier les langues ? D’autant que les certifications externes ne sont pas exemptes de problèmes. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur la qualité des tests, et notamment sur un étalonnage transparent. Une étude psychométrique des résultats sera effectuée dès que nous disposerons de données suffisantes.

 

Conclusion

J’espère avoir convaincu le lecteur qu’il y a derrière notre action un véritable concept pédagogique global. Sera-t-il efficace ? Nous l’espérons. En tous les cas, il ne peut l’être moins que les pratiques existantes.

 

Nous savons collectivement comment enseigner les langues, il n’y a pas de secret, et les enseignants sont généralement bien formés. Si les résultats restent si décevants, c’est qu’il y a d’autres causes que les déficiences méthodologiques. Je suis persuadé que l’action doit dorénavant être institutionnelle. Il faut revoir l’organisation globale de l’enseignement des langues, aussi bien dans le secondaire que dans le supérieur. Il faut également travailler sur nos représentations sociales et culturelles à propos des langues, ainsi que sur les modèles anthropologiques qui nous imposent leurs lois invisibles. Prendre conscience de ces déterminismes, c’est déjà un premier pas vers une amélioration. 

  

 

Références bibliographiques

 

Bucher-Poteaux, Nicole & Frath, Pierre (1997) : « Intégration de l'outil informatique dans un dispositif d'autoformation en langues », in Language Centres: Planning for the New Millenium, Papers from the 4th CERCLES (Confédération Européenne des Centres de Langues dans l'Enseignement Supérieur) conference, Dresden, 26-28 September 1996, David Little & Bernd Voss eds., Plymouth, 1997.

Decroly, Jean-Ovide (1914, 1978) : Initiation à l'activité motrice et intellectuelle par les jeux éducatifs, (réédition Delachaux et Niestlé, 1978).

Frath, Pierre (2011) : « La conscience dans la théorie linguistique ». In Res per Nomen 3 : langue, référence et sujet énonciateur. Coordinateurs : E. Hilgert,  J. Domphy-Blomfield, K. Bréhaux, V. Bourdier, P. Frath, EPURE (Reims)

Frath, Pierre (2010a) : « La référence par le nom : vers une linguistique anthropologique ». In Res per Nomen 2 : langue, référence et anthropologie. Coordinateurs : P. Frath, J. Pauchard & L. Lansari. EPURE (Reims)

Frath, Pierre (2010b) : « Ontologie du peuple ». In Actes du Colloque international Représentation(s) du peuple / Representing the people, Reims les 6 et 7 novembre 2009. François-Xavier Giudicelli, Gilles Sembras & Daniel Thomières, coords. EPURE (Reims).

Frath, Pierre (2008a) : « Pour commencer, il faut arrêter de décoder : plaidoyer pour une linguistique sans métaphysique », Journal of French Language Studies, 2008 (18.2), 147-173, Cambridge University Press

Frath, Pierre (2008b) : "Le Portfolio européen des langues et le Cadre européen commun de référence : entre normalisation institutionnelle et responsabilité individuelle", Le Télémaque, Presses Universitaires de Caen, coord. Maurice Sachot et Odile Schneider-Mizony. Egalement sur le site de l'APLV http://www.aplv-languesmodernes.org/

Freinet, Célestin (1964) : Les techniques Freinet de l'École moderne, Paris, Librairie Armand Colin, collection Bourrelier

Neill, Alexander S. (1962, 1971) : Libres enfants de Summerhill, Hart Publishing, New York 1962. Traduction en 1971 aux Éditions François Maspero

Steiner, Rudolf (2008) : L'éducation de l'enfant, éditions Triades, 2008.

Taillefer, Gail (2004) : « Une analyse critériée des besoins linguistiques dans l'enseignement universitaire des Sciences économiques », ASP 43-44 (2004), 107-124.

Wittgenstein, Ludwig (1961) : Tractatus logico-philosophicus suivi de Investigations philosophiques. Trad.  Pierre Klossowski. Paris : Gallimard.

1 Voir par exemple Gail  Taillefer (2004). La situation ne s’est pas améliorée depuis. En 2010-2011, des tests de positionnement en L1 et L2 ont été organisés pour environ 500 étudiants de Sciences et de STAPS à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA). Seuls une cinquantaine d’entre avaient le niveau B2.

2 A l’URCA, en 2011, 236 étudiants de master (IUFM et STAPS pour l’essentiel) se sont inscrits au CLES 2 (niveau B2) en anglais ; 176 ont présenté toutes les épreuves, et 27 ont réussi, soit 15,34% (11,44% des inscrits).  Nous ne savons pas si ces 176 étudiants sont un échantillon représentatif ; il est probable que non, car il y a toutes les chances que nombre d’étudiants aient renoncé à se présenter, estimant leur niveau insuffisant. D’après le site www.certification-cles.fr, le taux de réussite national a été de 33% en 2010. Les résultats relativement bas à l’URCA sont à mettre sur le compte d’une absence de préparation pour la plupart des étudiants. Le taux de réussite est meilleur en allemand et en espagnol (66 et 47%, respectivement), mais sur des effectifs moins nombreux (7 et 29 étudiants).

3 Plus on fait l’Europe, moins on parle de langues, semble-t-il.

4 Ces représentations sur l’apprentissage des langues semblent partagées par les présidents d’université et les directeurs d’IUFM. Comment expliquer autrement qu’on ait accepté si facilement l’injonction du Ministère d’imposer le niveau B2 pour les carrières éducatives, sans, le plus souvent se préoccuper  du niveau de départ des étudiants (souvent A1 ou A2), ni du temps nécessaire pour passer d’un niveau à un autre (de 100 à 300 heures).

5 Les Unités d’Enseignement dont les langues font partie comprennent également d’autres disciplines, par exemple l’informatique ou le sport. De bons résultats dans ces matières peuvent alors compenser  des faiblesses en langue.

6 Pour Wittgenstein, la philosophie se fourvoie quand elle construit de grands systèmes sur des hypothèses métaphysiques. Il vaut mieux décrire comment la langue et la grammaire nous présentent les objets de notre expérience, dans ce que Wittgenstein appelle des « jeux de langage ». Pour une analyse linguistique de jeux de langage voir par exemple Frath 2008a (pour le verbe commencer) et Frath  2010b (pour le mot peuple) ; voir d’autres exemples dans Frath 2010b et Frath  2011. 

7 « Est vrai et faux ce que les hommes disent l'être ; et ils s'accordent dans le langage qu'ils emploient. Ce n'est pas une conformité d'opinion, c'est une forme de vie » (Wittgenstein 1961, §241).

8 Voir bibliographie à la fin de l’article.

9 Je n’ai pas la place ici pour les décrire. Le lecteur intéressé peut se référer par exemple à Bucher-Poteaux  & Frath  1997.

10 Ce manque d’intérêt ne touche pas les autres langues. Les étudiants qui choisissent l’allemand ou le japonais le font par désir ; ceux qui apprennent l’anglais le font souvent par obligation scolaire ou professionnelle.

11 Acronyme qui permet de désigner les langues moins enseignées dans le système éducatif : langues MOins DIffusées et Moins Enseignées.

12 Pour un exemple de cette méthode d’évaluation, voir Frath 2008b.

13 A l’URCA, cependant, la Maison des Langues a bénéficié dès ses débuts en 2008 d’un soutien sans faille de la part des instances dirigeantes, ce qui a permis de régler la plupart de ces problèmes. Un appui institutionnel fort est une condition sine qua non pour  mettre en place une structure de ce type.

14 La Maison des Langues a été dotée d’une équipe de PRAG / PRCE ayant choisi ou accepté de travailler dans le nouvel environnement mis en place dans les CEREL. Sans elle, rien n’aurait été possible. La Maison des Langues étend son action dans les différents campus de l’URCA, ce que les enseignants de langues aux non-spécialistes en place dans les composantes ne voient pas forcément d’un bon œil.