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Cour V

E-3952/2017

 

 

 

 

 

Arrêt du 21 février 2018

Composition

 

François Badoud (président du collège),

Yanick Felley, Muriel Beck Kadima, juges,

Antoine Willa, greffier.

 

 

 

Parties

 

A._______, né le (...),

Afghanistan, 

représenté par Sabine Masson,

Centre Social Protestant (CSP),

(...),

recourant,

 

 

 

contre

 

 

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

 

 

 

Objet

 

Asile ; décision du SEM du 12 juin 2017 / N (...).

 

 

 


 

Faits :

A. 
Le 14 avril 2015, A._______ a déposé une demande d'asile auprès du centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de B._______.

L'intéressé a dit être mineur. Selon une analyse osseuse, effectuée le (...) avril 2015, il était alors âgé de plus de 19 ans.

B. 
Entendu audit centre, le 5 mai 2015, puis de façon approfondie, le 19 avril 2016, le requérant a expliqué être originaire de la province de C._______ et appartenir à la communauté shiite hazara. Son père, engagé politiquement, aurait été tué alors qu'il n'avait que deux ans, et la maison familiale incendiée. Avec sa mère et ses frères et soeurs, il aurait alors gagné l'Iran, tous s'installant à D._______, dans la région de Mashad.

Jamais scolarisé, l'intéressé aurait travaillé dans la construction et l'agriculture, lui-même et sa famille étant logés dans une maison appartenant à leur employeur. Ils n'auraient jamais été enregistrés en Iran et n'auraient pas obtenu de titre de séjour dans ce pays, y vivant dans une complète clandestinité.

En mai 2014, alors qu'il terminait sa journée de travail, le requérant aurait été agressé et violé par quatre hommes, qui l'auraient également blessé avec un couteau ; il aurait reconnu trois d'entre eux, habitant à proximité. Dans les jours suivants, il aurait réalisé que la population du quartier était au courant des faits, ses attaquants paraissant avoir filmé leurs actes ; il aurait été insulté, et également pris à partie par l'imam de la mosquée locale, père d'un des agresseurs. Pour se mettre à l'abri, sur le conseil de sa mère, il aurait décidé de quitter le pays, avec l'aide financière de cette dernière et de son employeur.

L'intéressé aurait gagné la Turquie, escorté par un passeur, et aurait franchi la frontière à pied, avec un grand nombre d'autres personnes. Il aurait ensuite rejoint la Grèce ; selon les données issues du système "Eurodac", il a été enregistré sur le territoire grec, le 19 août 2014. Après plusieurs mois sur l'île de Mytilène, il se serait rendu à Patras, où il aurait été détenu. Il aurait finalement rejoint la Suisse, dissimulé à bord d'un camion.

Selon deux rapports médicaux, des (...) mars 2016 et (...) juin 2017, l'intéressait montrait les signes d'un syndrome de stress post-traumatique (PTSD).

C. 
Par décision du 12 juin 2017, le SEM a rejeté la demande d'asile, au vu du manque de pertinence des motifs invoqués ; il a prononcé l'admission provisoire du requérant, l'exécution du renvoi n'étant pas raisonnablement exigible.

D. 
Interjetant recours contre cette décision, le 13 juillet 2017, A._______ a fait valoir qu'il était homosexuel, élément dont il n'avait pas été en mesure de faire état durant les auditions, en raison de la gêne ressentie et du traumatisme subi. Selon lui, les habitants de son quartier, ainsi que sa proche famille, en étaient informés, et cet élément se trouvait sans doute à l'origine de l'agression sexuelle qui l'avait visé. Il a dit craindre que sa situation, par l'intermédiaire des habitants afghans de son quartier, ne soit également connue en Afghanistan.

L'intéressé a fait valoir qu'il risquait la persécution dans son Etat d'origine, en tant qu'homosexuel, et donc membre d'un groupe social exposé. Il a conclu à l'octroi de l'asile, et a requis l'assistance judiciaire totale.

L'intéressé a déposé un rapport médical, du (...) juillet 2017, dont il ressort qu'il montre toujours les signes d'un PTSD, ainsi que d'un état dépressif. Suivant un traitement par psychothérapie, qui a permis un pronostic favorable, le recourant n'en présente pas moins un état psychique toujours fragile, le risque suicidaire persistant. Il n'a pas été en mesure d'assumer son homosexualité dès son arrivée en Suisse.

E. 
Par ordonnance du 19 juillet 2017, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a donné suite à la requête d'assistance judiciaire totale.

F. 
Invité à se prononcer sur le recours, le SEM en a préconisé le rejet dans sa réponse du 15 janvier 2018, l'intéressé n'ayant jamais parlé de son homosexualité durant l'instruction de son cas.

Faisant usage de son droit de réplique, le 1er février suivant, le recourant a relevé qu'il n'avait pu en faire état plus tôt, en raison du traumatisme subi et de son blocage psychologique, confirmé par le rapport médical.

Droit :

1.   

1.1  Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi (RS 142.31), devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF).

1.2  Le recourant a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et dans le délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 et 52 PA et art. 108 al. 1 LAsi).

2.   

2.1  Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi; cf. également ATAF 2007/31 consid. 5.2 5.6).

2.2  Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7 LAsi).

3.   

3.1  En l'occurrence, l'intéressé n'a pas été en mesure de faire apparaître la pertinence de ses motifs.

3.2  En effet, ainsi que le SEM l'a rappelé dans sa décision, les sévices subis par le recourant en Iran ne peuvent permettre l'octroi de l'asile, dans la mesure où ils ne lui ont pas été infligés dans son Etat d'origine. En vertu du principe de la subsidiarité de la protection internationale, consacré à l'art. 1A ch. 2 de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (Conv. Réfugiés, RS 0.142.30), un requérant doit avoir épuisé, dans l'Etat dont il est ressortissant, les possibilités de protection contre d'éventuelles persécutions avant de solliciter celle d'un Etat tiers (ATAF 2013/5 consid. 5.1 ; 2011/51 consid. 6.1 ; 2010/41 consid. 6.5.1).

En l'espèce, l'intéressé ayant quitté l'Afghanistan de longue date et n'y étant jamais retourné, cette condition n'est manifestement pas remplie ; lui-même, dans son acte de recours, ne le soutient d'ailleurs pas.

3.3  Le seul motif d'asile articulé par le recourant est donc sa qualité d'homosexuel, dont il soutient qu'elle serait de nature, en Afghanistan, à l'exposer à un risque de persécution. Cette qualité, qui ressort du rapport médical produit, apparaît en l'occurrence crédible, quand bien même il n'en a pas fait état immédiatement.

A ce sujet, le Tribunal relève qu'il est indifférent qu'il s'agisse là d'un motif d'asile proprement dit, antérieur au départ de l'intéressé (son homosexualité elle-même), ou d'un motif objectif postérieur, à savoir un fait postérieur au départ, mais sans relation avec le comportement du recourant (la prise de conscience de son homosexualité, ou la connaissance qu'en aurait eue des tiers). En effet, l'octroi de l'asile peut être prononcé dans les deux cas.

Sur le fond, il apparaît crédible qu'un homosexuel, en Afghanistan, appartienne à un groupe social exposé à la persécution ; en effet, les pratiques homosexuelles sont non seulement réprimées par la loi, mais également stigmatisées par la population (cf. Country of Origin Information Report : Afghanistan, Individuals targeted under societal and legal norms, décembre 2017, p. 62-67, sous https://coi.easo.europa.eu/administration/easo/PLib/Afghanistan_targeting_society.pdf, consulté le 15 février 2018). Toutefois, la question qui se pose n'est pas celle du danger menaçant l'intéressé de façon théorique, mais celle du risque concret qui peut peser sur lui.

Ce risque dépend de la connaissance que peuvent avoir de sa situation, en Afghanistan, tant les autorités que des tiers. Or rien n'indique que tel soit le cas. Il ressort des dires du recourant que ses proches, ainsi que les gens de son quartier, à D._______, ont appris son orientation sexuelle ; de plus, en Suisse, il aurait été pris à partie pour cette raison par d'autres Afghans logeant avec lui. Il n'est cependant pas crédible que cette information, sans parler de l'identité précise du recourant, soit parvenue à la connaissance de quiconque dans son Etat d'origine, ni qu'elle y ait trouvé un écho ; cette possibilité est d'autant moins probable que l'intéressé a quitté son pays à l'âge de deux ans, et qu'il n'apparaît ne plus y avoir aucun proche.

En conséquence, le danger invoqué par le recourant, purement hypothétique, n'est aucunement étayé et peut être considéré comme illusoire. Dénué de toute probabilité, il ne peut donc être retenu au titre de l'asile.

3.4  Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus de l'asile, doit être rejeté.

4.   

4.1  Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2 Cst.

4.2  Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure. La décision rendue par le SEM quant au renvoi est ainsi confirmée.

Quant à son exécution, le Tribunal constate que le SEM a prononcé l'admission provisoire du recourant. Cette question n'a donc pas à être tranchée.

5.   

Dès lors, la décision attaquée ne viole pas le droit fédéral, a établi de manière exacte et complète l'état de fait pertinent (art. 106 al. 1 LAsi) et, dans la mesure où ce grief peut être examiné (art. 49 PA, cf. ATAF 2014/26 consid. 5), n'est pas inopportune. En conséquence, le recours est rejeté.

6.   

6.1  L'assistance judiciaire ayant été accordée, il n'y a pas lieu de percevoir de frais (art. 65 al. 1 PA)

6.2  Le Tribunal fixe le montant de l'indemnité de la mandataire d'office sur la base de la note de frais jointe au recours (art. 14 al. 2 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]).

Celle-ci fait état de 10,5 heures de travail, au tarif horaire de 150 francs, ainsi que de 9,50 francs de débours ; compte tenu d'une estimation raisonnable des frais survenus depuis (dépôt d'une réplique ayant nécessité une heure de travail), le total de l'indemnité est ainsi arrêté à 1734,50 francs.

 

(dispositif page suivante)


Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Il n'est pas perçu de frais.

3. 
L'indemnité de la mandataire d'office est arrêtée à 1734,50 francs.

4. 
Le présent arrêt est adressé à la mandataire du recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

 

Le président du collège :

Le greffier :

 

 

François Badoud

Antoine Willa

 

 

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