Editorial du « Monde ». Que d’attentions ! Dans son malheur, l’Italie, le pays européen jusqu’ici le plus durement frappé par la pandémie de Covid-19, exerce un attrait irrésistible sur les puissances étrangères soucieuses de redorer leur blason par l’assistance humanitaire.
La Chine a été la première sur les rangs. Le 14 mars, alors que le bilan s’alourdissait cruellement dans les hôpitaux italiens, un avion affrété par la Croix-Rouge chinoise s’est posé à Rome, avec à son bord le vice-président de l’organisation, accompagné de quelques médecins ayant participé au combat contre l’épidémie en Chine, des respirateurs et 200 000 masques. L’appareil s’est ensuite envolé pour Milan, où le responsable de la Croix-Rouge a été reçu avec tous les honneurs, après avoir fait remarquer qu’il y avait trop de monde dans les rues.
Cette arrivée, abondamment couverte par les médias chinois, en particulier ceux qui ont une diffusion internationale, a été saluée comme une victoire personnelle par le ministre des affaires étrangères italien, Luigi Di Maio, du Mouvement 5 étoiles. L’Italie avait été le premier pays du G7, en 2019, à signer un mémorandum d’accord avec Pékin sur les « nouvelles routes de la soie ».
Des gestes bienvenus mais…
Puis sont venus les Russes. Dimanche 22 mars, la base aérienne militaire Pratica di Mare a accueilli le premier de neuf avions Iliouchine qui doivent amener, « sur ordre personnel de Poutine », selon le communiqué officiel italien, cent médecins militaires et huit équipes mobiles, munis de masques, gants et respirateurs et tout l’équipement possible. Luigi Di Maio était là encore pour remercier, devant les caméras, qui ont diffusé les images à travers le monde, « la Russie, le président Poutine et le gouvernement russe ». Pour faire bonne mesure, Cuba a « prêté » à l’Italie cinquante-deux médecins et infirmiers, arrivés dimanche à Milan.
Ces gestes de solidarité sont évidemment les bienvenus, et l’on préfère voir les avions russes acheminer de l’équipement médical plutôt que bombarder des hôpitaux en Syrie. Mais leur exploitation à des fins de propagande rappelle que, en temps de pandémie, la géopolitique, elle, n’est pas confinée. Sous-jacent dans les effusions de M. Di Maio, le message promeut aussi l’idée que les véritables amis de l’Italie ne sont pas ses alliés naturels de l’Union européenne, dont la solidarité avait déjà fait défaut dans la crise migratoire de 2015. Dans la crise sanitaire actuelle, la fermeture de la frontière autrichienne, puis les restrictions aux exportations de masques décidées par Berlin et Paris ont inévitablement alimenté cette idée.
Lundi, pourtant, l’Allemagne a annoncé que ses hôpitaux commençaient à accueillir des malades italiens. Et, surtout, les institutions européennes ont pris, la semaine dernière, des mesures d’une ampleur sans précédent, d’un coût bien supérieur à celui de l’assistance humanitaire russe et chinoise, pour soutenir les économies, dont celle de l’Italie, frappées de plein fouet par la pandémie.
Si la solidarité sanitaire de pays européens eux-mêmes confrontés à l’offensive du coronavirus a en effet failli, il est impératif que la solidarité économique se mette en place, y compris dans la phase postpandémie. Et que l’UE, piètre communicatrice, le fasse savoir. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, vient opportunément de rappeler que l’UE avait envoyé, en janvier, 56 tonnes de matériel pour aider la Chine, à la demande de Pékin. Curieusement, cette assistance-là n’avait pas été filmée par les caméras chinoises.
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