Avec une croissance de 18 %, le manga aura été, en 2020, le segment le plus dynamique du secteur de la bande dessinée, lui-même en nette progression (+ 9 %, soit 53,1 millions d’exemplaires vendus dans l’année), malgré la crise sanitaire.
Plus que jamais tractée par ses locomotives habituelles (One Piece, Naruto), la BD asiatique continue de publier des nouveautés témoignant de son insolent dynamisme, et de rééditer des œuvres méritant d’être relues.
« Search and Destroy » : un classique revisité en thriller cyberpunk
Publié à la fin des années 1960, Dororo est un grand classique de la bande dessinée asiatique, à l’image de nombreux titres d’Osamu Tezuka (1928-1989). Le « Dieu du manga » y narre les exploits de Hyakkimaru, un jeune homme au destin singulier dans le Japon médiéval de l’époque Sengoku : amputé de 48 parties de son corps, qui ont été distribuées à autant de démons, l’enfant-tronc a été recueilli par un médecin passé maître dans la fabrication de prothèses. A la mort de ce dernier, l’adolescent reconstruit tentera de récupérer ses abattis, au fil d’un voyage riche en péripéties.
Maintes fois adapté (série animée, cinéma, jeu vidéo), Dororo – qui doit son nom à l’enfant chapardeur qui accompagne le héros – est aujourd’hui l’objet d’une réinterprétation en manga par Atsushi Kaneko, l’un des fers de lance de cette nouvelle génération de mangakas préférant travailler seuls, sans assistant, afin de conserver une totale maîtrise de leur travail.
S’il a gardé la trame narrative du récit d’origine, Kaneko s’est autorisé de nombreuses libertés, la première consistant à déplacer l’action dans le futur, au milieu d’une société poisseuse où cohabitent difficilement des humains et des robots ayant servi de chair à canon pendant une guerre civile. Hyakkimaru est désormais une fille, appelée Hyaku ; les démons spoliateurs ont, eux, été transformés en yakuzas androïdes, avides d’organes.
Du conte fantastique de Tezuka, Kaneko a fait un thriller cyberpunk sur fond de cynisme rampant. Ses gros plans angoissants, son noir et blanc puissant, sa maîtrise du suspense offrent une expérience de lecture dont l’intensité ne doit pas empêcher de (re)lire Dororo, republié pour l’occasion.
« Search and Destroy », d’Atsushi Kaneko, d’après « Dororo » d’Osamu Tezuka. Volume 1. Traduit du japonais par Sébastien Ludmann. Delcourt/Tonkam, 240 p., 9,35 €
« Dororo », d’Osamu Tezuka. Traduit du japonais par Jacques Lalloz. Delcourt/Tonkam, 416 p., 24,95 €.
Il vous reste 76.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.