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Disparition d'Oscar Rabin, maître de la seconde avant-garde russe

L'un des plus célèbres représentants de l'art non-conformiste de l'ère soviétique, exilé en France à la fin des années 1970, est décédé à Florence à l'âge de 90 ans le 7 novembre. Portrait d'un peintre révolutionnaire, profond, élégant, discret.

C'est à Florence, en Toscane, où il devait inaugurer aujourd'hui une exposition que le peintre franco-russe Oscar Rabin s'est éteint, jeudi, à l'âge de 90 ans. Charmant, Russe dans toute sa belle éducation, érudit et discret, il était une grande figure de la contre-culture russe exilée à Paris.

Né à Moscou à 1928 dans une famille des médecins juifs, diplômés de l'université de Zürich, Oscar Rabin fréquente les écoles d'art dans sa ville natale et à Riga (aujourd'hui en Lettonie). En 1949, il est renvoyé de l'Institut d'art Sourikov de Moscou où on lui reproche son intérêt pour l'abstraction. Pendant dix ans, Oscar Rabin, l'intellectuel, vit de petits boulots d'ouvrier et portier comme beaucoup d'artistes rejetés à la marge par le régime. C'est l'époque où les artistes comme Ilya Kabakov vont œuvrer dans les cuisines communautaires, les greniers et les caves.

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À la fin des années 1950, profitant de la libéralisation politique engagée par Nikita Khrouchtchev, Oscar Rabin retrouve un peu d'air. En 1957, après trois décennies de classicisme stalinien, il est le premier avant-gardiste à participer à un événement officiel. Le poète Guenrikh Sapguir, ami de l'artiste, se souvient: «Les membres du comité de sélection ont aperçu un jeune homme maigre, portant de grandes lunettes, qui plaçait des toiles absolument inhabituelles contre le mur… Elles rappelaient des dessins d'enfants. C'étaient les premières œuvres d'art pop en Russie. Les membres complètement embarrassés de l'Union des artistes de Moscou ont tout de même retenu deux de ses toiles pour l'exposition.» C'est à cette époque également que se crée le premier collectif d'art depuis les années 1920. Bien qu'informel, Lianozovo, collectif du nom d'une pauvre banlieue moscovite où plusieurs de ses membres résidaient, va secouer les années 1960.

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« La personnalité de Rabin a été reconnue et profondément appréciée par beaucoup, y compris par ceux qui comprenaient l'art de manière très différente »

Viktor Misiano, commissaire d'exposition

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L'art non-conformiste, connu aussi comme la seconde avant-garde soviétique, prospère en dépit des préventions du Parti communiste. En 1964, les œuvres d'Oscar Rabin sont exposées à l'étranger. Mais la goutte d'eau qui fait déborder le vase intervient dix en plus tard. Le 15 septembre 1974, Oscar Rabin, Vladimir Nemoukhine, Vitaly Komar, Alexandre Melamid et une dizaine d'autres artistes décident d'exposer leurs œuvres dans la rue, près du parc Beliaïevo à Moscou. En réponse, les autorités envoient les bulldozers pour tout raser. L'initiative restera dans l'histoire sous le nom d'Exposition Bulldozer. Cette histoire est racontée en images d'archives et en interview exclusives par Iossif Pasternak et la jeune Olga Sviblova en 1988 dans leur film documentaire Carré noir, projeté récemment au Centre Pompidou.

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En déplacement en France en 1978, Oscar Rabin se voit finalement privé de sa nationalité et forcé à l'exil. Il s'installe avec sa famille à Paris, rejoignant la grande communauté russe et obtient la nationalité française en 1985. À la faveur de la Perestroïka, Oscar Rabin est rétabli dans ses droits de citoyenneté en 1990, et ses œuvres entrent dans les prestigieux musées de Moscou: la Galerie Tretiakov et le Musée Pouchkine. En 2016, les toiles d'Oscar Rabin sont exposées à l'occasion de la grande donation des mécènes russes Kollektsia! Art contemporain en URSS et en Russie. 1950-2000 au Centre Pompidou et enrichissent sa collection.

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Pour le commissaire d'exposition russe Viktor Misiano, «la peinture de Rabin est ancrée dans le réalisme sévère et dur de l'après-guerre, qui compte de nombreux exemples dans les domaines de l'art, de la littérature et du cinéma, bien soviétique qu'occidental. Pour une telle position créatrice, la primauté de la vérité de la vie, l'indivisibilité de l'éthique et de l'esthétique étaient fondamentales. Ce n'est donc pas un hasard que la personnalité de Rabin a été reconnue et profondément appréciée par beaucoup, y compris par ceux qui comprenaient l'art de manière très différente. Tout en restant fidèle à ses premiers choix stylistiques, Rabin a néanmoins réussi à obtenir des résultats qui dépassent les limites de son époque.»

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