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Coronavirus : la France pratique-t-elle assez de tests ?

DERRIÈRE LE CHIFFRE – Le nombre de cas recensés chaque jour dépend de la façon dont on organise le dépistage. Or, en France, seuls les cas sévères de la maladie sont testés, ce qui peut entraîner une sous-estimation.

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Publié le 20 mars 2020 à 17h39, modifié le 23 mars 2020 à 18h26

Temps de Lecture 4 min.

Un poste avancé de la Croix-Rouge accueille des patients inquiets d’être atteints du Covid-19, à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), le 19 mars.

Chaque soir, le directeur général de la santé, le professeur Jérôme Salomon, annonce lors d’une conférence de presse le nombre de nouveaux cas de Covid-19 recensés depuis son point précédent. Et chaque jour, le nombre de nouvelles personnes testées positives au SARS-CoV-2 dépasse le précédent. Mais que peut-on conclure de ces chiffres ?

Le nombre de cas détectés quotidiennement dépend des stratégies et de la capacité de dépistage de chaque pays. Fort logiquement, plus on pratique de tests, plus on recense de cas de la maladie, qui seraient, sinon, passés inaperçus. Les données de nombreux pays le confirment d’ailleurs assez bien.

Covid-19 : plus on dépiste la population, plus on recense de cas

Nombre de tests réalisés sur la population de chaque pays vs. nombre de cas confirmés de Covid-19. Les données les plus récentes datent du 19 mars 2020, mais certaines sont plus anciennes. L'échelle est logarithmique.

Source : Agences nationales de santé (via OurWorldInData)

Or, la France, contrairement à d’autres pays ayant mené de très larges campagnes de dépistage, a fait le choix de ne tester que les cas sévères de la maladie, c’est-à-dire ceux entraînant le plus souvent des complications respiratoires graves et potentiellement mortelles. Une stratégie cohérente avec les capacités limitées de dépistage dont elle dispose.

« Nous n’avons pas la prétention d’identifier tous les cas », confirme Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste et responsable de l’Unité des infections respiratoires à Santé publique France (SpF). « En Europe, je ne connais aucun pays qui soit capable d’identifier toutes les chaînes de transmission. A partir du stade 3, il faut accepter de ne plus pouvoir identifier individuellement les cas. »

D’autres pays dépistent davantage

Or, si l’utilité d’un dépistage précoce fait consensus, tous les pays n’ont pas limité les tests aux formes sévères de Covid-19. En Corée du Sud ou en Allemagne, des campagnes massives de dépistage ont été ou sont toujours mises en œuvre.

Confrontée à une épidémie due au coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) apparue en 2015 pendant laquelle trente-huit des 186 personnes infectées sont mortes, la Corée du Sud a depuis renforcé son système de surveillance sanitaire, ce qui lui a permis de certifier très tôt les premiers kits de test lors de l’apparition du Covid-19 (le 4 février, soit deux semaines avant l’accélération de l’épidémie) et d’élever sa capacité à 20 000 tests quotidiens.

Les Allemands aussi ont très rapidement augmenté leur capacité de dépistage à 160 000 tests par semaine, selon Lothar Wieler, le président de l’institut Robert Koch. Des tests, remboursés par la Sécurité sociale, sont proposés dans de nombreux endroits du pays. Ce qui explique à la fois le nombre élevé de cas détectés dans chacun de ces deux pays et leur taux de létalité particulièrement faible (1 % en Corée du Sud et 0,3 % en Allemagne, contre 4 % au niveau mondial et 2,2 % en France), puisque la plupart des cas recensés sont des formes bénignes de la maladie.

Selon l’approche française, tester davantage de personnes reviendrait surtout à recenser les cas bénins, qui ne nécessitent ni hospitalisation ni prise en charge médicale lourde. Et le succès avec lequel la Corée du Sud a combattu l’épidémie ne tient pas nécessairement à leur stratégie de dépistage, selon M. Lévy-Bruhl :

« La Corée du Sud a mis en place des mesures extrêmement drastiques ; la culture et le rapport aux menaces sanitaires y sont différents. Bien sûr, la stratégie très large de tests y a contribué, mais ce n’est pas la seule explication. »

D’autres facteurs, comme les capacités avancées de surveillance (localisation des téléphones, surveillance vidéo, traçage des transactions bancaires), ont, en effet, été cités pour expliquer l’efficacité avec laquelle la Corée du Sud a géré l’épidémie. Reste que l’organisation sud-coréenne du dépistage est citée comme modèle par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui enjoint aux pays touchés de pratiquer plus de tests.

Lundi 16 mars, le président de l’organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a renouvelé ces recommandations : « Testez, testez, testez, testez tous les cas suspects de Covid-19. (…) Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés. Et nous ne pourrons pas stopper cette pandémie si nous ne savons pas qui est infecté. »

En France, un dépistage croissant mais limité

La même stratégie est-elle applicable en France ? Difficile à dire. Car si M. Lévy-Bruhl réfute l’idée que la stratégie française se soit heurtée aux capacités logistiques limitées de dépistage – celles-ci augmentent d’ailleurs de jour en jour –, force est d’observer que ces capacités sont plus limitées que dans d’autres pays.

La montée en régime du dépistage français

Nombre de tests quotidiens de Covid-19 pratiqués en France.

En France, seuls les laboratoires médicaux de sécurité biologique de niveau 2 (certifiés PSM2) sont habilités à pratiquer ces tests, en plus des établissements de santé de référence, selon un arrêté pris le 7 mars. Le nombre des laboratoires mobilisés est en constante évolution, a assuré au Monde le directeur général de la santé (DGS), Jérôme Salomon, lors de sa conférence de presse du 19 mars, sans toutefois communiquer de chiffre précis. La DGS avait déclaré le 12 mars à 20 Minutes que cela représentait 70 laboratoires.

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Actuellement, huit kits de tests sont certifiés par les autorités françaises et distribués par six entreprises : Eurobio, Atothis, Orgentec, BD, Elitech et Roche. Mais leur nombre est limité et contraint les autorités sanitaires à restreindre leur usage aux cas jugés prioritaires, d’après les préconisations émises par la Haute Autorité de la santé (le 6 mars) et le Haut Conseil de la santé publique (le 10 mars). Ces cas prioritaires incluent :

  • les patients hospitalisés en réanimation pour des difficultés respiratoires graves ;
  • les patients hospitalisés pour une pneumonie présentant des symptômes évocateurs ;
  • les personnels de santé présentant des symptômes évocateurs ;
  • les personnes à risque (déjà atteintes d’une pathologie) et femmes enceintes symptomatiques ;
  • les patients hospitalisés pour une autre cause mais devenus symptomatiques.

Les tests peuvent aussi être pratiqués pour les donneurs d’organe ou de tissus, pour suivre l’état des patients déjà admis en réanimation ou pour enquêter sur un possible foyer épidémique dans une communauté de personnes – trois tests par établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont par exemple autorisés.

Finalement, même s’il peut être intéressant de comparer le nombre de décès dus à la maladie dans chaque pays pour estimer l’ampleur réelle de l’épidémie, seule une enquête a posteriori pourrait donner une estimation précise de celle-ci. Des analyses de sang permettraient alors de détecter les anticorps produits contre le virus et donc d’identifier les gens ayant été infectés.

Comment le test détecte-t-il le virus ?

Les tests qui sont pratiqués en France reposent sur la détection du matériel génétique du virus dans l’organisme. Pour cela, un biologiste ou une infirmière fait d’abord un prélèvement dans les cavités nasales à l’aide d’un écouvillon (un genre de coton-tige).

Ledit prélèvement est ensuite envoyé dans un laboratoire pour être testé par une méthode appelée « réaction en chaîne par polymérase » (ou RT-PCR), qui consiste à détecter si l’ARN, le matériel génétique du virus, se trouve dans le prélèvement.

Comme une si petite quantité est difficile à déceler, le test consiste à ajouter deux enzymes au prélèvement : la première (la transcriptase inverse, appelée RT) va synthétiser des brins d’ADN à partir de l’ARN du virus. La seconde, l’ADN polymérase, va répliquer ce brin d’ADN plusieurs millions de fois en quelques heures. Il devient ensuite possible de détecter la présence de cet ADN dans le prélèvement et ainsi de mettre en évidence la présence du virus.

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