Quelles sont les écoles de cinéma où apprendre les métiers de réalisateur, monteur, scénariste... ?

Réalisateur, scénariste, ingé son, chef déco, monteur… les métiers du cinéma et des séries télé demandent souvent un apprentissage technique mais l’importance du réseau et la patience restent essentielles.

Par Benjamin Roure

Publié le 24 mai 2020 à 11h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h21

«Je viens du monde des films, pas du petit monde du cinéma. » David Perrault, auteur et réalisateur, rappelle qu'il n'est pas nécessaire d'être du sérail pour réussir à pénétrer l'univers du septième art, contrairement à ce que pensent certains conseillers d'orientation. En revanche, lire, écrire, faire par soi-même, rater, recommencer, semble indispensable. Et pour constituer son réseau, toile incontournable pour décrocher des contrats, deux solutions : l'école ou l'enchaînement des stages et petits boulots. Toma Baquéni a raté trois fois la Fémis et s'est retrouvé nommé aux César à 32 ans pour son premier film en tant que chef décorateur. Flora Volpelière, César du montage pour Les Misérables, a elle aussi échoué au concours. David Perrault, lui, est passé par la case de la formation continue. « Mais sans école, il est difficile d'obtenir des stages conventionnés », prévient l'ingénieur du son Mathieu Descamps. Les grandes écoles permettent donc de gagner du temps et de commencer à se constituer « une famille » de cinéma. Mais de nouvelles formations, telles la CinéFabrique ou l'école Kourtrajmé, sont apparues, et diversifient les parcours et les voies d'accès. « La diversité des origines et donc des points de vue dans les fictions est un enjeu majeur pour les producteurs et les diffuseurs », martèle Patrick Vanetti, directeur du Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle. Bonne nouvelle, cette diversité semble avoir déjà gagné les écoles de théâtre…


David Perrault, 44 ans, réalisateur

Le réalisateur de L’État sauvage, qui est avant tout scénariste, n’a pas eu un parcours linéaire, mais n’a jamais douté de la possibilité de réussir au cinéma. À 44 ans, il prépare une série télé.

Comment êtes-vous devenu réalisateur ?

J’ai très tôt eu le goût d’écrire, j’ai suivi des ateliers audiovisuels et de théâtre au collège et au lycée. J’écrivais mes histoires dans mon coin, et je me suis toujours dit que faire du cinéma serait possible. Même si j’étais fils d’ouvrier et que je ne connaissais personne ! J’ai travaillé dans un laboratoire vidéo, je faisais des piges techniques, qui me laissaient du temps pour écrire. À 27 ans, j’ai fini par suivre un module de scénario en formation continue à la Fémis. C’était un cours du soir, pendant un an, avec des exercices d’écriture chaque semaine. Après cela, j’ai tourné des courts métrages, et enfin un long, Nos héros sont morts ce soir. Le métier de réalisateur, je l’ai découvert sur le plateau, car je me vois davantage comme un écrivain de films.

Pourtant, ce ne sont pas les mêmes métiers…,

Pour devenir réalisateur, le plus important est la conviction personnelle. Sur un tournage, on fait face à tellement de difficultés qu’on apprend vite. Si on sait ce qu’on veut et qu’on parvient à le communiquer, on peut y arriver. La constitution d’une équipe, entre fraîcheur et expérience, est alors très importante. L’une des choses les plus angoissantes reste la direction d’acteurs, parce que ça ne s’apprend pas, chaque comédien a sa sensibilité, et il y a les humeurs du jour sur le tournage… Je crois beaucoup au casting, à la rencontre.

Quels conseils donneriez-vous aux aspirants cinéastes ?

La ténacité et la conviction sont impératives. Il ne faut pas avoir peur de rater, car cela pousse à s’améliorer. Et ne pas oublier que rien n’est jamais perdu. Mon premier scénario à la Fémis n’a pas été tourné, mais j’en reprends certains thèmes dans la série que j’écris aujourd’hui. Quand on est scénariste, il faut aussi se faire violence pour aller vers les autres, partager ses idées et montrer qu’on est habité par son projet. Passer par une école de cinéma est une chance, car on peut y tester sa conviction. Mais les stages, en régie par exemple, restent la meilleure manière de découvrir les coulisses et de saisir l’âme d’un tournage.


Claire Mathon, 45 ans, directrice de la photographie

« Guère cinéphile au lycée, je n’ai découvert les métiers du cinéma qu’au moment des études supérieures. Je suis entrée à CinéSup à Nantes, dans une classe préparatoire pour la Fémis et l’ENS Louis-Lumière. Un bon endroit pour découvrir des métiers à la fois artistiques et techniques, pluridisciplinaires. Et pour prendre du plaisir à entrer dans l’univers des autres et se mettre à leur service. J’ai appris l’image à Louis-Lumière, mais en sortant j’étais encore en bas de la montagne ! Rien ne remplace l’expérience. Car il faut du temps pour savoir traduire en images un scénario et les intentions d’un réalisateur. De cette étape préliminaire découlent les choix techniques. C’est ce que j’essaie de transmettre quand j’interviens dans des écoles, comme à la Ciné Fabrique, à Lyon : aujourd’hui, on peut tourner des images très vite, mais il faut questionner l’intention et la manière de la traduire. Même s’il faut aussi se laisser surprendre… »

Dernier film : Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma.

Claire Mathon, directrice photo du dernier film de Céline Sciamma, a fait une classe prépa à Nantes (CinéSup), puis a intégré l’ENS Louis-Lumière, école de cinéma située à Saint-Denis

Claire Mathon, directrice photo du dernier film de Céline Sciamma, a fait une classe prépa à Nantes (CinéSup), puis a intégré l’ENS Louis-Lumière, école de cinéma située à Saint-Denis Restee_Vertical_3_Jacobson


Mathieu Descamps, 41 ans, ingénieur du son

« En tant qu’ingénieur du son, je dois comprendre le dispositif de mise en scène du réalisateur, gérer les nuisances sonores du plateau, m’accorder avec le perchman. Et là, casque sur les oreilles, je suis aux premières loges pour ce petit moment de bonheur : être le premier auditeur des comédiens. J’ai étudié à la Fémis, après cinq années à la fac et plusieurs stages. Mais, à la sortie, on est jeté à la mer et on doit apprendre à nager… Il m’a fallu un an et demi pour obtenir mon statut d’intermittent. Jusqu’ici, j’ai eu la chance de pouvoir choisir les projets qui me plaisent. Mais les temps de tournage et les rémunérations ont tendance à baisser, alors ce ne sera peut-être pas toujours le cas. »

Dernier film : Perdrix, d’Erwan Le Duc.


Clémence Lebatteux, 32 ans, scénariste

Elle a écrit pour les séries Cut et Skam, travaille sur l’adaptation télé de Germinal et la transposition cinéma de la BD Blaise. À 32 ans, la scénariste, membre du collectif Les Indélébiles, ne chôme pas. Mais ce ne fut pas toujours le cas.

Doit-on obligatoirement se former pour être scénariste ?

Il y a mille façons de devenir scénariste, et le premier pas est de décortiquer des films et des séries et de lire des scénarios. Puis travailler à fond de son côté, que soit via des vidéos sur YouTube ou des courts métrages. Mais à un moment, pour franchir un cap professionnel, je pense qu’il faut se former. Moi, je suis passée par un master à Nanterre, mais il y a le Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle (CEEA), la Fémis, et aussi des master class, des associations…

Peut-on espérer en vivre ?

J’ai mis quatre ans avant de ne vivre que de l’écriture de scénario. Il faut du temps pour se constituer un réseau, car on ne peut rien sans lui. Et pour montrer des choses concrètes aux producteurs. Pour cela, il faut se consacrer presque entièrement à l’écriture, sans être payé, bien sûr… Il faut donc s’accrocher. Mon conseil est de tenter des bourses ou des concours dans des festivals : cela permet d’être lu, et surtout de rencontrer des professionnels.

Comment voyez-vous ce métier évoluer, à l’heure de l’explosion des séries et des plateformes ?

La qualité des séries, et donc de l’écriture, devient un critère important, pour les spectateurs comme pour les diffuseurs. Le scénariste retrouve une place primordiale dans ces projets. C’est pour cela que la profession se bat pour obtenir un statut plus clair et plus protecteur. Car jongler en permanence entre des commandes correctement rémunérées et des développements de projets personnels est très inconfortable.


Toma Baquéni, 36 ans, chef décorateur

« Je voulais devenir chef opérateur : j’ai raté trois fois la Fémis ! Mais, pendant ces années, j’enchaînais les stages et petits boulots sur des tournages, comme photographe de plateau ou assistant vidéo. J’ai pu collaborer avec Arnaud Desplechin sur des incrustations photo dans Un conte de Noël, et c’est lui qui m’a orienté vers le métier d’accessoiriste. Grâce auquel je suis monté très vite, car, à 25 ans, je travaillais sur de grosses productions comme Carlos, d’Olivier Assayas. Desplechin m’a à nouveau ouvert une autre porte en me demandant d’être son chef décorateur sur Trois Souvenirs de ma jeunesse. Alors qu’en tant qu’accessoiriste j’étais très autonome, j’ai dû apprendre à gérer une équipe et des budgets importants. Mais j’adore ça, car la décoration fait vraiment partie des métiers artistiques du cinéma où l’on peut être force de proposition et créatif. »

Dernier film : Atlantique, de Mati Diop.


Patrick Vanetti, directeur du CEEA

Seule école française entièrement dévolue au scénario, le Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle offre en deux ans les outils pour ouvrir les portes des séries télé.

Quelles sont les spécificités du CEEA ?

C’est un centre de formation à but non lucratif qui a été lancé par des scénaristes et des producteurs, en 1996, pour former des professionnels aux techniques d’écriture de scénario. Il est financé par des acteurs publics et les chaînes de télé, ainsi que par les modules de formation continue que nous proposons. En cycle long de deux ans, nos douze élèves par promo travaillent sur tous les formats de la fiction, les court et long métrages, les séries adulte et jeunesse, etc. À deux, quatre ou six, ils écrivent, se lisent et avancent ensemble. Ici, c’est l’atelier avant tout.

Pouvez-vous nous dire quels profils vous recherchez ?

Notre concours est ouvert aux candidats de 20 à 40 ans, de toutes nationalités, sans condition de diplôme. Les frais de scolarité sont modérés et un système de bourse existe, car la diversité sociale et géographique des promotions est, pour nous, primordiale. Nous cherchons des personnalités fortes, avec une première connaissance des contraintes du métier, et surtout une certaine maturité, un recul sur leur travail. Et, bien sûr, une culture large en matière de cinéma et de séries, notamment en fictions françaises, car c’est essentiellement ce secteur qui embauche.

Y a t-il vraiment du travail pour douze nouveaux scénaristes chaque année ?

Aujourd’hui, le taux d’intégration de nos étudiants est supérieur à 90 %. Car ils ont acquis les codes pour parler à des producteurs, présenter des projets, intégrer des équipes d’écriture. Le démarrage est plus ou moins long, et il est plus difficile de gagner sa vie dans le long métrage. Mais entre l’animation, les programmes courts, les séries et les téléfilms, il y a du travail pour nos élèves. Attention cependant, un scénariste n’est pas une machine à pondre des histoires formatées, il faut qu’il garde son ouverture d’esprit et sa créativité.

À Paris. Privé. 12 places. 1 400 €/an. www.ceea.edu


Anna Cazenave Cambet, diplômée de la Fémis

« Je viens d’un village du Sud-Ouest où le seul lieu culturel était le cinéma. Mais je n’imaginais pas pouvoir en faire. J’ai étudié la photo à Toulouse, puis suis montée exercer à Paris. Plus tard, c’est en apprenant qu’Arnaud Desplechin avait étudié à l’Idhec [la Fémis aujourd’hui] que j’ai décidé de passer le concours. Je l’ai vécu pleinement, c’est un concours très intéressant. Je n’étais pas stressée parce que j’avais la chance d’avoir d’autres projets au même moment. Mon conseil aux candidats : se nourrir d’autre chose que de cinéma, afin de pouvoir le faire valoir auprès du jury. À la Fémis, le cursus est intense. Et comme il faut se plier à des plannings chargés et aux impératifs techniques des autres départements, il est parfois compliqué de s’épanouir en tant que réalisatrice… Mais sans l’école, je n’aurais pas appris ce qu’est un plateau, ni créé de réseau. Mon court métrage de 3e année a été montré à Cannes et repéré par un producteur. Il m’a suivie sur mon long métrage, que je viens de terminer. C’est allé vite, j’ai eu beaucoup de chance. Mais il faut avoir conscience qu’il est difficile de vivre du cinéma et que ce métier contamine toutes les heures de la vie. D’autant plus que je suis aussi scénariste pour d’autres réalisateurs. »

Premier long métrage, à 29 ans, De l’or pour les chiens.


À l’Université, on apprend à envoyer les violons !

Créé en 2007 à l’université Lyon-II, le master Musiques appliquées aux arts visuels (Maaav) s’adresse à des musiciens aguerris, qui veulent sortir de la seule pratique de l’instrument pour se mettre au service des images. « Des formations en musique de film existent au Conservatoire, mais il n’y avait rien de tel à l’université, un lieu de recherche et d’ouverture », explique Jean-Marc Serre, compositeur et directeur de cette formation.

Et cela manquait car ils sont chaque année une soixantaine à postuler pour une des seize places offertes. « Pour entrer, il faut déjà être bon compositeur et présenter des projets musicaux sur des images. » Durant les deux ans d’études, les élèves multiplient les créations, en lien notamment avec de nombreuses écoles de l’image

qui ont besoin de musique pour les productions de leurs étudiants. Ils sortent ainsi avec une vingtaine de compositions, et l’habitude de répondre à une commande. « Travailler régulièrement et uniquement comme compositeur nécessite du temps, mais la majorité des diplômés ont un emploi. Rarement pour le cinéma, plus souvent pour la télé, le documentaire, le sound design, le jeu vidéo… »

À Lyon. Public. 16 places. 243 €/an. www.maaav.fr


Quelques écoles de cinéma

La Fémis
À Paris. Gratuite. femis.fr

ENS Louis-Lumière
À Saint-Denis. Gratuite. ens-louis-lumiere.fr

Le Fresnoy
À Tourcoing. 760 €/an. lefresnoy.net

IAD
À Louvain-la-Neuve. 1100 à 1300 €/an. ad-arts.be

Esra
À Paris, Rennes, Nice et Bruxelles. 8 020 à 8 440 €/an. esra.edu

Esec
À Paris. 7 350 à 7 700 €. esec.edu

La CinéFabrique
À Lyon. Gratuite. cinefabrique.fr

Écal
À Lausanne. 2 295 €/an. ecal.ch

Université Paris-8
243 €/an. artweb.univ-paris8.fr

3iS
À Élancourt, Bordeaux et Lyon. 7 900 à 8 980 €/an. 3is.fr

Conservatoire libre du cinéma français
À Paris. 6 000 à 8 700 €. clcf.com

Université Aix-Marseille
À Aubagne. 243 €/an. satis-sciences.univ-amu.fr

Esav
Toulouse 43 €/an. esav.fr

Head
À Genève. 1 100 €/an. head.hesge.ch

Insas
À Bruxelles. 175 €/an. insas.be

École de cinéma Kourtrajmé
Montfermeil. Gratuite. cinema.ecole kourtrajme.com


Sites web utiles

Scénaristes de cinéma associés scenaristesde cinemaassocies.fr

Les Monteurs associés monteurs associes.com

Association française du son à l’image afsi.eu

Association française des directeurs de la photographie cinémato graphique afcinema.com

Association des chefs décorateurs de cinéma adcine.com

La Guilde française des scénaristes guildedes scenaristes.org

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