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La place Taksim à Istanbul Amal kala Manola Antonioli & Vincent Jacques D’un projet de caserne ottomane... ...à la révolte du peuple La place Taksim à Istanbul Amal kala Manola Antonioli & Vincent Jacques D’un projet de caserne ottomane... ...à la révolte du peuple Janvier 2017 Remerciements Manola Antonioli et Vincent Jacques, Felix steinhoff, Cément Aquilina, Can Onaner, Olivier Lemarquand, Vincent Chamaillard, Hanae KALA, Levi Turell Hills, Le centre de Documentation de l’ENSA-V, La Bibliothèque de la Cité d’Architecture, Gallica bibliothèque numérique, Google Livres, HathiTrust’s digital library, Tous les stambouliotes ... Sommaire « Une société n’est pas une marmite où les sujets de mécontentement, à force de bouillir, finissent par faire sauter le couvercle ; c’est une marmite où un déplacement accidentel du couvercle déclenche l’ébullition, qui achève de le faire sauter. Si l’accident initial n’éclate pas, le mécontentement reste diffus, quoique visible si le spectateur est de bonne foi et n’a pas intérêt à ne rien voir [...] ; il est vrai que le spectateur ne peut rien prédire quant au passage du diffus à l’explosion » Avant-propos Istanbul ! 8 Introduction L’espace public 10 Partie I Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes 13 1.1. Souvenir de l’empire Ottoman 18 1.2. Atatürk, laïcité et démocratie 26 1.3. L’heure des Islamistes 36 L’espace public: Mise en scène et occupation Entre religion et politique 51 2.1. Qu’est ce qu’un espace public? 52 2.2. L’espace public en Turquie 57 2.3. Rapport avec d’autres événements marquants 72 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques 89 3.1. Véhiculer une image gratifiante de la ville 90 3.2. Face à des risques environnementaux et sociaux 96 3.3. L’espace public et le développement urbain, comme 99 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, 1971. Partie II Partie III causes et enjeux de la révolte Conclusion Résonance et perpectives 105 Annexes 110 - Sources 111 - Résumé - Abstract 120 - Mots clés - Keywords 121 Istanbul ! modernes: «les vidéos publicitaires à l’intérieur de tous les foyers à travers la télévision, les affiches publicitaires, mais aussi dans les transports en commun, les brasseries, les cafés,...» Avant-Propos Et ce qui attire l’attention des étrangers, est cette flagrante communication faisant valoir les Istanbul ! mérites des opérations immobilières, ou bien les projets de rénovation urbaine de la ville, des nouvelles grandes infrastructures. On arrive ici à notre sujet. C’est bien un sujet auquel je me suis intéressée, avant mon arrivée à Istanbul: le développement urbain turc, où plutôt Stambouliote. Cette thématique m’a donné envie de comprendre, comment une telle ville peut continuer à se construire. Istanbul a connu un passé riche et tumultueux, mais son présent, tout aussi remuant, lui donne un caractère unique et constitue quelque chose d’exceptionnel. C’est pour cette raison que je me suis intéressée au sujet du développement urbain, qui continue à modeler cette ville. Mais à quelle image? Et à quel prix? C’est une ville en pleine mutation. Sa métamorphose se fait en partie à travers les efforts du pouvoir politique, qui multiplie les grands projets sur son territoire. L’aménagement du parc Gezi, à côté de la place Taksim est un de ceux là. Il préserve pour le moment sa fonction de parc et a réussit à résister. Après 4 mois passés dans cette ville, il était important pour moi de prendre le temps de concrétiser Aujourd’hui Taksim est un symbole d’un pouvoir fort et de plus en plus intransigeant avec l’opposition, cette expérience, afin d’aboutir à un sujet d’étude. symbole aussi d’une Turquie profondément divisée et à l’avenir politique incertain. Istanbul est la liaison entre l’orient et l’occident. S’y promener, c’est voyager dans le temps, passer de la vicissitude perpétuelle d’un grand boulevard bordé de vitrines à des ruelles de Médina où des vieux messieurs sont assis sur leurs petits tabourets à siroter leur thé et à jouer à la Tavla, se laisser entraîner un peu plus loin dans ce labyrinthe et finalement tomber sur des tons colorés et originaux de linge séchant au dessus des têtes. Istanbul est captivante, là où se célèbre un mariage entre historicité et contemporanéité. C’est une ville aux multiples facettes, une vision qui peut paraître non originale, mais qui continue à représenter une réalité qu’on retrouve à Istanbul. C’est du moins une réalité qui continue à marquer notre expérience. En effet, ce séjour Erasmus, m’a donné l’envie de comprendre ce lien entre nuances et contradictions. L’image d’une cité de Mille et une Nuit construite autour des différentes civilisations, n’est pas fausse en elle même. Mais Istanbul est bien plus qu’un minuscule centre historique et touristique correspondant à l’image qu’on pourrait avoir de cette mégapole. Aujourd’hui, on ne parle plus de sortilège Ottoman, mais plutôt de la politique néolibéraliste que veut adopter cette mégapole. Istanbul a toujours été une ville avec un esprit marchand, auparavant route de commerce de soie et d’épices, elle conserve toujours cet esprit. On retrouve dans toute la ville des vendeurs ambulants, hélant les passants pour faire valoir leur marchandise, l’art de la négociation étant la méthode traditionnelle pour acheter quelque chose. La sollicitation est une des caractéristiques sociales de l’ère du capitalisme. Ainsi s’ajoutent à ces anciennes pratiques commerciales, des plus 9 L’espace public Et inversement c’est la qualité et la composition de la foule qui donne sens à la place»2. Mais la situation de la place Taksim à Istanbul est différente. La Turquie est depuis longtemps un Introduction pays laïque, ni européen, ni arabe. Les manifestations de la place Taksim n’avaient pas l’intention de renverser le pouvoir, sous la pression de la dictature, mais avaient pour but de demander quelque L’espace public chose qui fait parti des valeurs de la République, l’exercice de la liberté d’expression. Je n’ai pas été présente lors de ces événements à Istanbul, mais j’ai eu l’occasion de discuter avec Can Onaner, architecte et enseignant à l’école nationale supérieure d’architecture de Versailles. D’origine turque, il était très sensible aux aspects urbains et architecturaux qui ont donné le point de départ aux manifestations. C’est à ce moment là que j’ai senti le besoin de m’intéresser à cette question de disparition de communication entre les manifestants, sous la répression des forces de l’ordre. Thierry Paquot définit la communication comme: «C’est «être en relation avec» (communicare), cela sous-entend un échange quelconque de signes, peut-être même un déplacement, à coup sûr un transport réel ou symbolique. La communication facilite la circulation indispensable au commerce (des Thierry Paquot a publié en 2009 un ouvrage nommé L’espace public1. Dans cet ouvrage, il va sentiments, des idées et impressions comme des marchandises, des capitaux et des gens…).»3 confronter différentes théories de différents chercheurs de l’espace public. Il commence par une Dans ce cadre Can Onaner parle de dispositif «d’immobilisation révolutionnaire». En analysant distinction: «L’espace public est un singulier dont le pluriel - les espaces publics - ne lui correspond plusieurs articles issus de la presse internationale et les reports turcs, il était possible de distinguer pas». de nombreuses formes d’utilisation. Ce cadre de mélange d’espaces de liberté d’expression et de Il définit séparément l’espace public au singulier et les espaces publics au pluriel et les mets en critique de l’État, en parallèle à l’occupation d’une place publique et d’un parc, interrogent la notion relation. Il s’interroge par la suite si ces deux visions de l’espace public ne sont-elles pas inséparables? espace public vs espaces publics. Le but de ce mémoire est de comprendre le contexte géopolitique Et finalement il conclue son ouvrage sans aucune prise de position. Il redéfinit l’espace public comme turc, et d’analyser le nouveau regard apporté à l’espace public, par le biais de la place Taksim. On un espace lié à la quatrième dimension; le temps, dans notre société actuelle, mais son ouverture s’attachera particulièrement à comprendre la définition actuelle de l’espace public, et savoir si l’espace apporte de nouvelles problématiques plutôt que des solutions. La relation qui existe entre l’espace public au singulier est à dissocier de celui de son pluriel (les espaces publics). public, sphère de communication et les espaces publics physiques, reste donc une question très large qui interroge l’esprit des sociologues, urbanistes et architectes. En Mai 2013, ont eu lieu en Turquie des manifestations d’une ampleur sans précédent dans l’histoire du pays. Le point de départ est la protection du parc Gezi, un des derniers espaces verts du centre ville. Rapidement, ces manifestations deviennent une critique de l’autoritarisme du gouvernement. Cet événement prend place dans la scène mondiale de protestations, on pense bien entendu au Printemps arabe. Ces mouvements prennent souvent la forme d’une occupation, d’une place symbolique: les événements qui ont eu lieu sur la place Tahrir au Caire en janvier-février 2011 sont les plus célèbres. «C’est sur la place, selon sa forme, sa dimension et ses caractéristiques physiques et symboliques que la foule prend sens et forme. 2 ONANER C. «L’atmosphère suspendue des places, retour sur les révoltes de Tahrir et de Taksim», in Rouillard D, Architectures, infrastructures et territoires en devenir. Afriques, Octobre 2015. 1 PAQUOT T, L’espace public, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2009. 3 PAQUOT T, op.cit, p.4. 11 Partie I «Qu’importe que l’un observe le Coran, l’autre l’Evangile? Les Qautres livres disent, tous, la même vérité. Qu’est ce de discrimniner telle trave ou telle autre Sinon une honte noire sur le front? Qu’est ce le Yezid, qu’est ce le Kizilbas? Ne sommes-nous pas tous des frères? C’est notre propre feu maudit qui nous dévaste, Seul moyen de salut, c’est de l’eteindre. Qu’est ce l’alévisme ou le sunnisme Sinon des intrigues de vit profit?» Veysel Şatıroğlu 4 4 ŞBORATAV P.N, «Un Barde anatolien», in Manière de Voir - Le Monde Diplomatique. Turquie. Des Ottomans aux islamistes, Numéro132, Décembre 2013 - Janvier 2014. 12 Contextualisation Des Ottomans aux Islamistes Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Istanbul dans la modialisation Cette étude ayant pour point de départ la ville d’Istanbul, il nous semble nécessaire d’évoquer la mondialisation qui implique le devenir de la ville. En effet, par l’accélération du progrès technique, la multiplication des échanges à travers les différents moyens de transports et l’évolution de leurs performances, et donc d’un flux a priori sans fin des hommes, marchandises et capitaux, les territoires sont liés d’une manière inédite. D’une autre manière, on peut aussi dire que les frontières ne semblent plus exister. Un marché unique et des barrières protectionnistes abolies, mettant alors chaque région du monde, chaque pays, chaque ville, en concurrence avec les autres. D’après Saskia Sassen5, ce sont dans les villes que l’on perçoit les conséquences les plus remarquables d’un tel système. Les villes sont des lieux de concentration de différents pouvoirs (politique, culturel, économique), qui sont éveillés par l’énergie de ce système. Les villes peuvent donc être touchées par la mondialisation, mais elles en sont avant tous des abris. Saskia Sassen se base sur l’analyse de trois mégapoles: New York, London et Tokyo. Ces villes globales, à chacune son identité et chacune joue un rôle spécifique à l’international. Ce sont des lieux stratégiques d’un de vue géographique, propre au phénomène de globalisation, qui forme un élément primordial dans l’organisation du système économique. Aujourd’hui, les villes les plus importantes mondialement s’engagent dans une nouvelle politique économique globale, dans un rayonnement de la culture, et dans de nouveaux types de politiques. Certaines se démarquent, elles sont sillonnées de flux remarquables de migrants, de travailleurs, de touristes, d’artistes. D’autres le sont moins, leurs flux étant plus financiers ou commerciaux. Dans un numéro de Urban Age6 de 2009 consacré à Istanbul, Saskia Sassen explique l’importance grandissante mondiale de l’Asie dans l’économie, la géopolitique et la culture qui donne une valeur stratégique à d’autres villes, parmi lesquelles, en premier lieu, Istanbul. Elle s’appuie sur une étude de Kearney de la même année, analysant soixante villes selon cinq critères (Capital humain, culture, Silhouette d’Istanbul.7 activité économique, échange d’informations, engagement politique) et place Istanbul dans le top 10 des villes influentes sur l’élaboration des politiques globales avec Washington, Beijing, Paris, Le Caire, Londres et Bruxelles. Selon le critère du capital humain, on retrouve Istanbul dans le top 15 des villes, cela signifie que la ville agit comme un aimant pour divers groupes de personnes et de talents. Similaire à Tokyo, New York, Hong Kong, Chicago, Sydney, et Londres. Avec une population de 14.1 millions d’habitants en 2013 d’après l’Institut des statistiques Turc (TÜIK), certains estiment qu’avec le nombre de réfugiés et demandeurs d’asile, en plus de l’importance 5 SASSEN S, The Global City.New York, London, Tokyo, Princeton, Princeton University Press,2001. 6 SASSEN S, «The Immutable Intersection of Vast Mobilities», in BURDETT R, NOWAK W, Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. URL: http://v0.urban-age.net/publications/newspapers/istanbul/media/UrbanAgeIstanbulNewspaper_en.pdf [Consulté en Août 2016] 14 7 EMDEN C, in Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. 15 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes des constructions illégales, la population d’Istanbul pourrait dépasser les 20 millions. La croissance économique de la Turquie est également parmi les plus remarquables, souvent comparée à la Chine ces dernières années, 4.8% le premier trimestre de 2016. La Turquie arrive en première place parmi les économies européennes. Dans un numéro de Urban Age8 de 2009 consacré à Istanbul, Saskia Sassen explique l’importance grandissante mondiale de l’Asie dans l’économie, la géopolitique et la culture qui donne une valeur stratégique à d’autres villes, parmi lesquelles, en premier lieu, Istanbul. Elle s’appuie sur une étude de Kearney de la même année, analysant soixante villes selon cinq critères (Capital humain, culture, activité économique, échange d’informations, engagement politique) et place Istanbul dans le top 10 des villes influentes sur l’élaboration des politiques globales avec Washington, Beijing, Paris, Le Caire, Londres et Bruxelles. Selon le critère du capital humain, on retrouve Istanbul dans le top 15 des villes, cela signifie que la ville agit comme un aimant pour divers groupes de personnes et de talents. Similaire à Tokyo, New York, Hong Kong, Chicago, Sydney, et Londres. Avec une population de 14.1 millions d’habitants en 2013 d’après l’Institut des statistiques Turc (TÜIK), certains estiment qu’avec le nombre de réfugiés et demandeurs d’asile, en plus de l’importance des constructions illégales, la population d’Istanbul pourrait dépasser les 20 millions. La croissance économique de la Turquie est également parmi les plus remarquables, souvent comparée à la Chine ces dernières années, 4.8% le premier trimestre de 2016. La Turquie arrive en première place parmi avant le XVe siècle avant le XIXe siècle 1950 1970 1990 2000 les économies européennes. Mais finalement, peu importe la taille, peu importe le classement, ce qu’on ressent, ce qu’on constate à Istanbul, c’est concrètement une ambition d’internationaliser la ville. Cet objectif est lié à une volonté politique très tournée vers l’extérieur9. L’internationalisation du territoire est en effet très soutenue par les pouvoirs politiques actuellement sur place. Son développement remonte évidement à plus loin. Cependant, nous savons qu’Istanbul, Evolution de l’aire urbanisée d’Istanbul.10 depuis son existence, est nourrie d’influences arabes, européennes et perses. Mais je m’attacherai simplement à parcourir rapidement, l’histoire d’une grande civilisation, qui a vu Constantinople se transformer en Istanbul et ensuite explorer le XXe siècle, siècle de l’accélération de l’histoire, qui a vu Istanbul, la plus grande ville de la Turquie, s’étendre démesurément, comme plusieurs autres villes dans le monde. 8 SASSEN S, art.cit, Novembre 2009. 9 PÉROUSE JF, « Istanbul entre Paris et Dubaï : mise en conformité internationale, nettoyages et résistances », in BerryChikhaoui I, Deboulet A, Roulleau-Berger L. dir. Villes Internationales. Entre tensions et réactions des habitants, La Découverte, collection Recherches, Paris, 2007. 16 10 BURDETT R, NOWAK W, Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009, p.24. URL: http://v0.urban-age.net/publications/newspapers/istanbul/media/UrbanAgeIstanbulNewspaper_en.pdf [Consulté en Août 2016] 17 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes 1.1. Souvenir de l’empire ottoman11 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes En grecque c’est la ville de Constantin, l’empereur qui fonde Constantinople et qui aujourd’hui existe encore sous le nom d’Istanbul, la plus grande ville de Turquie et jusqu’aux années 1920, la capitale de l’empire Ottoman. A Istanbul, les innombrables dômes et minarets qui pointent vers les cieux, sont le symbole de six cent ans de pouvoir et de foie. En effet, c’est ici que l’Islam va devenir une civilisation puissante, e La transformation de la principauté Ottomane en un vaste Empire, couvre l’Europe du Sud Ouest, ambitieuse et impériale au XVI siècle. A sa tête, une dynastie de conquérants va bâtir un empire en passant par l’Anatolie et finissant au monde arabe. Elle se réalise au cours de trois grandes musulman, d’une portée considérable. Inspiré par son dirigeant le plus célèbre Soliman le magnifique, campagnes qui ont eu lieu entre le XIVe et XVIe siècles. La plus importante a été la mise à sac de cette civilisation va étendre son pouvoir jusqu’aux portes même de l’Europe. Inscrite dans l’histoire Constantinople en 1453, par le Sultan Mohamed II, connu plus tard sous le nom de conquérant. moderne, les européens ont eu du mal à l’accepter. Pourtant, dans Le Bourgeois gentilhomme de Il a couronné les collines de mosquées et de palais, comme le célèbre palais de Topkapi qui domine Molière, le simple envoyé du Grand Turc était reçu avec magnificence à la cour de Louis XIV. Tout aujourd’hui la ville moderne d’Istanbul. L’islam a maintenant un pied en Europe, aussi bien qu’en Asie. au long de cette époque grandiose, l’Islam et l’empire Ottoman représentent puissance, conquête et fortune. Mais qui sont les Ottomans? Après 1453, nous nous trouvons en présence d’un Empire Islamique, en train de constituer, grâce à un brillant ensemble de forces armées, une structure institutionnelle ayant une puissante base de soutien. (Un système fiscal correspondant aux exigences de la machine de guerre Ottomane, et une série de gouvernants incomparables qui se succèdent les uns aux autres, jusqu’à la fin de la période Ce n’est pas un peuple, mais plutôt une dynastie de souverains, initialement à la tête d’une tribu d’expansion - Fin de l’âge classique). d’origine turc. Elle a fondé, ensuite dirigé et agrandit un empire gigantesque sur trois continents, à tel point qu’au XVIe et XVIIe siècles, un peu partout en Europe, le nom Turc était synonyme de menace. Et qui sont les Turcs et d’où viennent-ils? Cependant, d’autres conquêtes réalisées au cours du XVIe siècle, ont permis à l’Empire d’empiéter encore d’avantage sur le territoire chrétien. Et il a atteint son apogée sous le règne de Soliman le magnifique. Les réussites de l’Empire Ottoman ont été considérables, il possède l’armée la mieux organisée, équipée, et la plus efficace de l’époque. Cela entraîne l’expansion de l’État et en fait l’empire Aujourd’hui, au sens de la nationalité, un Turc est un citoyen de la Turquie, mais au sens ethnique le plus puissant de son temps. Les Ottomans sont plus nombreux et plus puissants que dans aucun et linguistique, historiquement, les turcs sont un ensemble de peuples originaires d’Asie Centrale, autre empire de cette époque, et ils font régner la terreur dans l’esprit de l’Europe Chrétienne. Sous qui ont émigrés vers différentes directions. On retrouve encore aujourd’hui, des peuples d’origine le règne de Souleymane, le système de gouvernement a été le plus moderne du monde, les villes Turc, comme les Kazakhs, les Ouzbeks, les Turkmènes, représentant la majorité de la population en sont grandes, bien assainies, possèdent des bibliothèques, des universités, etc …, et l’État est bien Asie centrale. Ils sont aussi présents en Russie et en chine. Aux portes de l’occident, on retrouve organisé, l’administration est puissante, de manière à bien pouvoir gouverner une population, de plus une minorité. Les turcs ont également émigrés vers le Caucase, le moyen Orient et une région qui de 20 millions d’habitants, ce qui est énorme au XVIe siècle. Deux siècles de conquêtes continues et s’appelait autrefois l’Anatolie, représentant la partie occidentale de la Turquie. d’expansions, ont fait de l’empire Ottoman le plus grand de son temps. A la fin du XIIIe siècle, la fondation de l’ État Ottoman n’était qu’une toute petite principauté dans La société de l’Empire Ottoman est fermement soumise au Sultan, qui possède un pouvoir absolu, l’Ouest de la Turquie. L’arrivée des Turcs en Anatolie (Turquie Actuelle) est à replacer dans une vague sur tous les hommes et toutes les ressources de son empire. L’autorité suprême reposait sur un seul d’invasions qui touche l’empire Byzantin. Si on remonte dans le passé, on comprend que dans les homme. Dans l’Empire Ottoman, le système de succession est inhabituel, parce qu’il ne dépend pas dernières décennies de l’Empire Romain, ce dernier était séparé en deux parties. Une partie occidentale du droit d’aînesse, mais est considéré, comme se trouvant dans les mains de dieu. Celui-ci décide , qui a conservé Rome comme capital, effondrée assez rapidement sous l’effet des invasions barbares, qui va être le fils qui va succéder à son père. Au cours du notamment de Germanie, et un empire romain d’orient, avec une nouvelle capitale sur le site d’une XVe et XVIe siècles, les jeunes princes, âgés de 12 ans sont envoyés dans des régions éloignées de cité grecque qui s’appelait Byzance, puis renommée Constantinople. l’Empire, afin d’y apprendre les secrets de gouvernement d’une province, et c’est souvent le premier fils qui revient à Istanbul, à la mort du Sultan, qui hérite son titre. La première tache du nouveau Sultan, est devenue celle de l’exécution de ses frères. Cette loi a pour objectif d’assurer la stabilité, en créant 11 La source principale des informations de cette partie est: CIOTORI D.N, MAKRINTSAS G.D, GIANCARLO C, GRUNWALD C, MARDIN S, «Souvenirs de l’empire», in Manière de Voir - Le Monde Diplomatique. Turquie. Des Ottomans aux islamistes, N°132, Décembre 2013 - Janvier 2014. 18 une ligne de succession unique, permettant d’éviter ainsi toutes les lûtes fratricides. 19 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Dans un documentaire consacré à l’empire Ottoman12, Colin Heywood, historien spécialisé dans l’histoire des ottomans, explique que la combinaison de leaders énergiques et d’un État fortement infrastructuré par l’administration, les forces armées, la structure sociale, ont complété et ont servi ce système de puissants gouvernants. Ce système a été presque unique dans l’histoire du proche Orient, au cours de la fin du moyen âge et au début des temps modernes, à cause de sa durée extrêmement longue, de plus de deux siècles et demi. Pourtant, lorsqu’on arrive à la fin du XVIe siècle, époque où ont régné des sultans faibles et incompétents, avec une structure institutionnelle de l’État, de l’administration et même des forces armées affectées à cette époque, par une révolution. Elle se transforme considérablement par rapport à ce qu’elle était pendant la période classique. Malgré cela, elle maintient et conserve sa cohésion. En outre la place de l’administration fiscale a été très spéciale, la partie la moins physique pour les observateurs du dehors, mais de loin , la plus importante, parce qu’elle a assuré la cohésion de l’empire, l’accroissement de ses revenus, la mis au points de stratagèmes, destinés à assurer la survie de l’État et sa continuité au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Dans la société Ottomane, l’État et le Sultan sont les plus importants. L’expansion de l’Islam est la préoccupation majeure. C’est pour cette raison, que l’identité d’une personne et sa provenance, n’ont pas d’importance. Ce qui importe le plus, est l’utilité d’un individu à la continuité de l’État. Ainsi, les membres de l’armée sont importants, parce qu’ils défendent l’empire et permettent son expansion. Même les paysans sont importants, parce qu’ils fournissent les aliments, peu importe qu’ils ne soient que des paysans, et peu importe leur religion, tant qu’ils ne contreviennent pas directement à la foi Islamique. Les seuls personnes méprisées sont les gitans et les nomades, parce qu’ils n’apportent aucune contribution à la société. La religion est un facteur important de la vie Ottomane, son empire représente quelque chose d’inhabituelle à son époque, parce qu’il pratique une grande tolérance religieuse. L’État Ottoman, est une société organisée, multifonctionnelle, et multiethnique. La religion de la classe gouvernante de la dynastie est l’Islam. La population est extrêmement mélangée. De plus, au cours du premier siècle et demi de son existante, il s’avère qu’une grande partie de la population de l’empire est non musulmane, en particulier dans les Balkans. Plus tard, grâce aux migrations, aux conversions et surtout à la conquête des provinces, soi-disant arabes de l’Égypte, de la Syrie, plus tard de l’Irak et d’une partie de l’Arabie, la religion se développe. La balance s’est inclinée au début du XVIe siècle, Carte de recul de l’Empire Ottoman (1300-1683).13 vers une plus grande proportion, au point de vue démographique de musulmans dans l’empire. Le statut de la population de la vie quotidienne de tous les membres de la société Ottomane, est basée sur la religion. Il en est surtout ainsi, grâce à l’application de la Shari’ah (loi Islamique). Le respect de la Shari’ah est considéré comme plus important que la loyauté due au Sultan. 12 Série de documentaires, Voyage au coeur des grandes civilisations, «Les ottomans. Un empire de six cents ans» URL: https://www.youtube.com/watch?v=azsrycy3fZQ [Consulté en Septembre 2016] 20 13 URL: http://docteurlahnite.blogspot.fr/ [Consulté en Septembre 2016] 21 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes L’empire Ottoman, tel qu’il s’est développé, est une économie dirigée, les prix sont fixés de manière centralisée et l’État veille à offrir des facilités de la protection; des sauf-conduits aux marchands qui viennent de dehors, etc. Ce qui peut être importé et exporté est également contrôlé de manière centralisée. A l’origine, cela est considéré comme l’octroi par le sultan, de privilèges à ceux que l’on considère comme des étrangers plus faibles et inférieurs, qui apportent les biens nécessaires au commerce, comme par exemple le plomb et l’étain qui viennent d’Angleterre. Ces matériaux sont considérés par les Ottomans comme extrêmement précieux, en tant que munitions lors de leurs guerres en Europe Centrale. Il existe également, un commerce d’exportation, qui s’est développé jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et est devenu un commerce d’exportation de biens, tel qu’on pourrait le concevoir en terme d’impérialisme Européen: tabac, coton, etc… Les voies commerciales sont d’anciennes voies pré-Ottomanes, très étendues. A l’intérieur de l’Empire Ottoman, les principales routes commerciales partent d’Istanbul, ainsi que de Bursa, qui est le centre commercial de la soie, traversant l’Anatolie jusqu’à la Perse, et se poursuivant plus loin vers l’Est. Dans les Balkans, elles partent d’Istanbul jusqu’à la rive occidentale de la Mer Noire, la Pologne, la Crimée, et finalement Moscou. Des routes commerciales font le tour de la Mer Egée jusqu’à la Méditerranée, en particulier Venise. La conquête des Balkans a ouvert de nouvelles routes commerciales terrestres (importation des marchandises Européennes). Les produits de luxe, comme le coton, la soie, les épices, le riz, le sucre et le savon étaient importés de l’Est. La position de la Turquie sur la route de la soie vers la Chine, a permis à l’industrie du textile de prospérer. Ce pays est encore renommé pour la fabrication de ses tapis Turcs. Cette fabrication, a commencé tout d’abord comme une activité artisanale, puis s’est transformée en un art technique très développé, lorsque des échanges culturels plus importants se sont établis entre les villes, grâce à l’expansion Ottomane en Azerbaïdjan et en Égypte. Les tisserons turcs, ont adapté de nouvelles couleurs et de nouvelles techniques. Mais c’est la combinaison des motifs perses, noués de la laine soyeuse Égyptienne et les dessins traditionnels Turcs, qui ont permis d’atteindre l’apogée de l’art Ottoman. Néanmoins, alors même que l’Empire Ottoman est à l’apogée de sa splendeur artistique, et ses triomphes militaires, des fissures ont commencé à annoncer son déclin. Les problèmes que les Ottomans ont dû affronter à la fin du XVIe siècle sont extrêmement complexes. Tout d’abord, la Carte de recul de l’Empire Ottoman (1699-1914).15 qualité même des gouvernants de la dynastie, a connu un déclin évident après la fin du règne de Souleymane le magnifique. Toujours dans le même documentaire14, Collin Heywood explique que ce déclin peut être imputé aux problèmes qui ont régné à l’intérieur de la famille impériale, pendant son règne, et qui ont eu finalement des effets très négatifs sur sa succession. Ce qui a fait que, pour la première fois, les fils les plus capables du Sultan, n’ont pas été en mesure d’accéder au trône. A sa mort, il avait déjà assassiné ses fils, car il les soupçonnait des complots réels ou imaginaires contre lui. Le premier facteur de ce déclin est donc certainement dynastique. Le second facteur, est plus 14 ibid. 22 15 URL: http://docteurlahnite.blogspot.fr/ [Consulté en Septembre 2016] 23 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes difficile à définir, mais il y a suffisamment de preuves qui suggèrent, qu’à partir de la fin du XVIe siècle, la machine militaire Ottomane cesse d’être aussi efficace qu’elle l’a été au cours des deux siècles précédents. Cela peut être du à plusieurs raison: peut être que l’empire est devenu trop grand; il a été la victime de son propre succès. En effet, les opérations militaires sont devenues plus coûteuses et moins rentables, l’économie s’est effondrée et la monnaie s’est dépréciée. Les salaires des fonctionnaires ont perdu de plus en plus leur pouvoir d’achat et les structures ont commencé de plus en plus à se défaire. A la suite de tout cela, l’empire Ottoman a commencé à perdre les caractéristiques qui l’ont rendu unique et invulnérable. Au fur et à mesure des générations, certaines parties de sa structure classique se sont détachées, se sont perdues, se sont oubliés et énormément modifiées. Jusqu’à la fin, le peuple n’a gardé plus qu’une vague mémoire de ce qu’il était. L’histoire de l’empire Ottoman à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle est l’histoire de sa tentative de se réinventer dans des domaines différents. Pendant que la dynastie continue à exister tout au long de cette période, il y a eu une continuité dynastique, mais absolument pas une continuité institutionnelle. A vrai dire, l’Empire Ottoman est une mosaïque de groupes ethniques et religieux, vivant plus ou moins en accord sous le règne du Sultan. Dès le XIXe siècle, il s’est engagé dans un mouvement de modernisation, tout en suivant les pays occidentaux. A cette période, l’Europe a grandi dans la révolution industrielle, tandis que l’Empire Ottoman n’est plus que l’ombre de lui même, «l’homme malade de l’Europe». Pendant près de 40 ans, donc, à partir de 1839, les réformes se succèdent suivant le modèle Européen, se sont les Tanzimat «Réorganisations en turc Ottoman». Cependant, la recherche d’alliés est limitée. L’ouverture vers l’Europe est arrivée très tardivement. L’enrichissement a été réel, les multiples tentatives de réformes ont contribué à aggraver la crise, (moindre que dans d’autres capitales). Cela a permis de renforcer des idées nouvelles, de constituer la base de la jeune République Turque. Istanbul, a conservé sa structure urbaine et sociale. Entre 1908 et la fin de la première guerre mondiale, l’empire a connu la «Deuxième période constitutionnelle» nom qui caractérise en turc. Cette période remarquable par son mouvement intellectuel, a été fructueuse pour la Turquie. Cette constitution moderniste, mise en place par Mustafa Kemal Atatürk, a réconcilié les idées des réformateurs «Jeunes Turcs». Cette élite réformatrice, est composée majoritairement de l’armée, qui a été à l’origine de la révolution de 1908, avec comme objectif un nouvel État, disposant des conditions fondamentales à la naissance d’une citoyenneté moderne. Cette période a permis d’ouvrir le dernier chapitre de l’Empire Ottoman; l’empire se démantela. Entre temps, les États impérialistes, notamment, la France et l’Angleterre, s’accordent Dépeçage de l’Empire ottoman (1908).16 pour partager l’Empire et en faire des «zones d’influences». 16 Le petit journal URL: https://www.upr.fr/actualite/28-juin-2014-il-y-100-ans-lattentat-sarajevo-entrainant-leurope-1ere-guerre-mondialequelles-lecons-en-tirer 24 25 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes 1.2. Atatürk, laïcité et démocratie17 Suit alors la guerre d’indépendance, menée par Mustafa Kamel Atatürk, avec une arme spirituelle, celle du Nationalisme. Elu Président par la suite, de la nouvelle République Turquie en 1923. La constitution de Mustafa Kemal Atatürk a lié une cause citoyenne et une nationale, car il aurait pu se contenter de ses victoires et de la force militaire qui est derrière lui, mais il a souhaité que cette destitution du Sultan, soit une révolution démocratique.18 Mustafa Kamel Atatürk aboli le Califat et la Shari’ah (loi Islamique) et les remplace par des institutions calquées sur le modèle européen. Une nouvelle constitution, permet de mettre en place un régime à parti multiple, d’autres réformes qui ont marqués le gouvernement de Mustafa Kamel Atatürk: la suppression des ordres religieux, l’obligation du mariage civil, l’abolition de l’article de la constituant déclarant l’Islam religion de l’État, l’introduction de l’alphabet latin, inscription de la laïcité dans la constitution. Ainsi, la Turquie est née du démembrement de l’Empire Ottoman en se basant sur trois principes qui ont marqué cet Etat: le laïcisme, le républicanisme et le nationalisme. La fondation d’une nouvelle Turquie, s’est fait sur un héritage de ruines, les ruines de l’Empire Ottoman, mais aussi un héritage qu’on peut définir de nettoyage ethnique. Atatürk fait de la Turquie le premier pays à majorité musulmane, républicain et laïque. Il veut diriger son pays vers l’Europe et l’Occident. De manière souvent brutale, il impose une laïcité autoritariste à tous les turcs. Il impose, des changements de mode vie radicaux, et occidentalise la société en quelques années. On retrouve une certaine rupture de mémoire, très importante dans la société, ce qui explique aussi cette ignorance de la société Turc sur son propre passé.19 L’intelligence et la lucidité d’Atatürk est d’avoir comprit que l’armée seule, si forte fut elle, ne peut suffire à asseoir durablement le nouveau pouvoir, d’où la mise d’une République nationaliste, vouée à un État fort, avec un parlement docile, et des élections qui se contrôlent. Il ne s’agit ni d’une dictature, ni d’une une démocratie qu’Atatürk a installé. Il meurt en 1938, et la Turquie choisit la neutralité entre 1939 et Mustafa Kemal Atatürk, le père de la république laïque.20 1945, pendant la seconde guerre mondiale. Entre 1945 et le début des années 70, la Turquie a connu plusieurs bouleversements politiques et sociaux. Ces bouleversements d’ordre économique, social et politique. Nous les expliquerons 17 La source principale des informations de cette partie est: TIMUR T, LANGAS SEZEN A, KAZANCIGIL A, DINO A, DRECHSELOVA L, RICHARD J, «Atatürk, l’armée et la démocratie», in Manière de Voir - Le Monde Diplomatique. Turquie. Des Ottomans aux islamistes, N°132, Décembre 2013 - Janvier 2014. 18 MARCOU J, « Turquie : la constitutionnalisation inachevée », in Égypte/Monde arabe, Troisième série, 2, 2005. URL: http://ema.revues.org/105 [Consulté en 12 Octobre 2016] 19 JEVAKHOFF A, Kemal Atatürk : les chemins de l’occident, Taillandier, 1989 , rééd 2004. 26 20 L’express, «EN IMAGES. Turquie: marée rouge place Taksim pour la démocratie et la laïcité», le 25 juillet 2016. URL: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/en-images-turquie-maree-rouge-place-taksim-pour-la-democratie-etla-laicite_1815490.html 27 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes brièvement en distinguant trois grandes phases: la première allant de la fin de la deuxième guerre Lors des élections de 1961, le (CHP) censé gagner, ne remporte les élections face au nouveau mondiale au coup d’État militaire du 27 Mai 1960; la deuxième va de 1960 à l’intervention des forces parti de la justice (AP), qui se crée comme remplaçant du parti démocrate. Les militaires furieux de 21 armées par le mémorandum du 12 Mars 1971 ; la troisième est celle qui a commencé à cette date et va jusqu’à l’arrivée des Islamistes. ces résultats, finissent par accepter la formation d’un gouvernement de coalition sous la direction de ŞInönü23, Président du mouvement des jeunes turcs (CUP). Elu chef d’État, il gouverne avec les membres du parti républicain du peuple (CHP) et les partis de droite. Pendant cette période, les A la fin de la seconde guerre mondiale, la Turquie conserve le statut qu’elle avait sous Atatürk. Elle relations avec l’URSS se sont améliorées et se sont refroidies avec les États-Unis. investi pas dans d’autres domaines, comme l’industrie et les infrastructures, afin d’entretenir son armée. On observe des inégalités de vie, ce qui crée une distance entre le parti unique au pouvoir, Le parti de la justice plus fort, inquiet de ce rapprochement soviétique, renverse en 1965 ce le parti républicain du peuple (CHP) et les autres milieux d’affaires. Le pouvoir politique est entre gouvernement au moment du vote de budget. Ce gouvernement de transition, qui avait à sa tête les mains de la bureautique civile et militaire depuis le début de la République. Quant au pouvoir Suleyman Demirel24, emmène ce parti vers la victoire lors des élections d’octobre 1969. Dès cette économique, social et les autres milieux d’affaires, ils appartiennent aux notables ruraux. Néanmoins année, des conflits armés entre les jeunes turcs, revendiquant de diverses obédiences marxistes l’alliance des forces sociales au pouvoir est en exclusion. Les notables ruraux ne reçoivent plus et partisans d’un nationalisme paroxystiques, marquent les universités. Des manifestations, des aucune subvention de l’État, et souhaitent mettre fin à ce système, déterminer eux même le sort de mouvements ouvriers anéantissait l’économie, propagent la violence partout dans le pays. Le l’économie du pays. Les étudiants, les salariés, et les victimes de ces augmentations, sont partisans mémorandum du 12 mars 1971 impose au gouvernement de Demirel de démissionner. Après de ce changement. S’ajoutent à cela la décision soviétique de non renouvellement du traité d’amitié 29 mois de loi martiale, la démocratie n’est réédifiée qu’à partir d’octobre 1973, avec les élections qui cimente les deux pays depuis 1925, suivie d’une demande de participation à la défense des remportées par le parti républicain du peuple (CHP), de gauche. Mais en 1974, la Turquie, face à la Détroits et de rectifications des frontières au détriment de la Turquie. Un climat perturbant pousse la crise chypriote et au choc pétrolier, sera confrontée à une des plus importantes crises politiques de Turquie à revoir sa politique et adhère à la doctrine Truman en 1947. Cette doctrine vise l’endiguement son histoire. de la progression communiste; se ranger aux côtés des États-Unis, actionne un monde libre face à l’agression de l’URSS. Le 12 Septembre 1980, marque la date d’un coup d’État et une rupture dans l’histoire contemporaine de la Turquie par le général Kenan Evren. Ce jour-là, l’armée prend le pouvoir et instaure un nouveau Face à cette situation, une opposition prend du terrain. Elle défend la démocratisation, et crée le régime qui ne deviendra civil qu’en 1983. Le général Evren devient Président de la République jusqu’en parti démocrate (DP), ses débuts étaient faibles face au (CHP). Cependant, elle obtient par la suite le 1989 et le parti de la mère Patrie de Turgut Özal remporte les élections législatives, il devient premier soutien des États unis et des classes dominantes, jusqu’au jour où elle arrive en Mai 1950 au pouvoir, ministre, puis Président en 1989. finissant ainsi avec le Kémalisme qui a duré vingt-sept-ans. Le gouvernement du parti démocrate, déterminé, avance vers une voie prospère: subventions à l’agriculture, libéralisation du commerce, Suleymane Demirel retourne à la vie politique et exerce les fonctions de chef de l’État de 1993 à ouverture vers l’étranger; Il impose sa volonté de s’ouvrir vers l’occident. Les quartes premières 2000. En alliant son parti de la juste voie (DYP) au parti de la Prospérité (RP), Refah islamiste, de années sont merveilleuses, tous les secteurs fonctionnent en harmonie; la Turquie se réveille d’un long Necmettin Erbakan pour constituer une majorité parlementaire. sommeil. Mais cela ne dure pas longtemps, car l’ouverture au marché américain, et l’investissement peu rentable, assèche les réserves et complexifie la gestion du régime. On est face de nouveaux aux critiques et désaccords. Pour calmer le peuple; Menderes22 restreint les libertés publics. L’armée reste rancunière envers Menderes qui a supprimé les principes Kémalistes, la laïcité et rabaissé les militaires. Délaissé par la bourgeoisie qui le supportait au début de son pouvoir, qui finit par critiquer sa mauvaise gestion économique, le parti démocrate connaîtra sa fin le 27 Mai 1960. 21 GIL A, «Du parti unique au multipartisme», in Le monde diplomatique, octobre 1973, p. 21. URL: https://www.monde-diplomatique.fr/1973/10/GIL/31844 [Consulté en 25 Octobre 2016] 22 Adnan Menderes «est le premier dirigeant démocratiquement élu de l’histoire turque, Premier ministre de 1950 à 1960. Il a été, en 1946, l’un des fondateurs du Parti démocrate (DP), le quatrième parti d’opposition légal en Turquie. Il a été pendu à la suite du coup d’État militaire de 1960, sur les ordres de la junte au pouvoir.» in Dictionnaire Le Parisien, en ligne. 28 23 Mustafa Şsmet ŞInönü «est Président de la République Turque entre 1938-1950. Il est considéré comme la figure politicomilitaire la plus importante de l’Histoire contemporaine de la Turquie après Mustafa Kemal Atatürk. Il est le chef du parti CHP. Il accepta sa défaite en 1950 et suite au coup d’État militaire du 27 mai 1960 et les élections de 1961, il devint Premier ministre. in Dictionnaire Le Parisien, en ligne. 24 Süleyman Demirel «est le directeur du parti de justice (AD) et à la tête du gouvernement en 1969 et 1970, avant d’être renversé en 1971 par un coup d’État militaire. in Dictionnaire Le Parisien, en ligne. 29 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Développement d’Istanbul pendant cette période25 Istanbul, perd son statut de capitale au profit d’Ankara. Mustafa Kemal Atatürk souhaite marqué l’identité Turque sur l’Anatolie, pour oublier le passé tumultueux et les pertes de territoire, liées à la chute de l’Empire Ottoman. Tous les pouvoirs politiques et financiers, tous les hommes d’État sont alors transférés à Ankara. Istanbul, ville cosmopolite est alors négligée. Cette négligence s’accorde avec un déclin démographique, on ne retrouve plus que 690000 habitants en 1932, alors que la population atteignait le million avant PENINSULE HISTORIQUE GALATA PERA PLACE TAKSIM BESIKTAS MAÇKA NISANTASI VERS LEVENT la guerre. Dans les années 50, la ville redevient «Le centre de gravité du pays»26 Face à cette situation, Istanbul cherche à se reconstruire et adopte en 1937 le plan d’aménagement réalisé par l’urbaniste français Henri Prost, qui restera pour diriger le service de planification urbaine de la municipalité d’Istanbul jusqu’en 195127. Il trace un axe d’urbanisation à partir de Taksim, vers le Nord, et allant jusqu’au Bosphore, couvrant les quartiers de Nisantasi, Maçka, et Besiktas. Cela n’a pas servi à régir l’exode rural imposant d’après guerre, mais contribueras néanmoins la mutation des bourgeois d’Istanbul, suite à l’appauvrissement des anciens quartiers de Galata et Péra. En effet, les patrimoines le long du Bosphore ont toujours été les biens des classes les plus élevées. Les familles bourgeoises ottomanes du XIXe siècle, possédant un yali28, au cœur d’un très bel environnement et jouissant d’une vue panoramique sur la région. Après la deuxième guerre mondiale, La Turquie profite du plan Marshall et on assiste alors à une considérable mécanisation de l’agriculture. On constate une immigration remarquable de la main d’œuvre paysanne vers Istanbul ou d’autres grandes métropoles européennes. Cette forte augmentation démographique n’est pas gérée par les autorités, et la ville n’a pas les moyens de financer les grands travaux indispensables. Le réseau viaire, les transports publics, les services et les équipements publics sont insuffisants. Cela provoquant une croissance urbaine fulgurante et protéiforme. A partir de cette période, on constate une naissance de construction de logements illégaux: les gecekondu29. Plan directeur d’Istanbul par Henri Prost, (1937).30 25 La source principale des informations de cette partie est les écrits de: YÉRASIMOS S, «Istanbul métropole inconnue», in Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, Numéro 24, 1997. 26 FLEURY A, « Istanbul : de la mégapole à la métropole mondiale », in Géoconfluences, ENS Lyon, 05 novembre 2010. URL: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient9.htm [Consulté le 15 Octobre 2016] 27 PÉROUSE J.F, « Istanbul, du « seuil de la félicité brisé « à la mégapole internationale », in Confluences Méditerranée, Numéro 83, 2012, p. 11-18. 28 Un yali littéralement « rivage, plage ») est une demeure construite à proximité immédiate du bord de l’eau (presque exclusivement sur le front de mer) à Istanbul. 29 Les gecekondu terme qui signifie «construit en nuit», juridiquement:“Une forme d’auto-construction illégale (sans autorisation) sur des terrains possédés ou non par les constructeurs”, morphologique“Un habitat au départ sommaire, et précaire, initialement bas, privé d’équipements de base, mais intrinsèquement évolutif” 30 30 L’Institut Français d’Études Anatoliennes, in MARTIN N, Marketing urbain à Istanbul. De quoi Bosphorus city est-il le nom?, Mémoire de Master en architecture, ENSAN,2013, p.20. 31 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Des espaces d’entre aide, de solidarité et de proximité, opposés à l’anonymat et à l’individualisme des quartiers de classes moyennes formés de bâtiments en béton à plusieurs étages (apartman)31. On retrouve des quartiers entiers de Gecekondu construits essentiellement en périphérie. Pourtant, illégaux, le gouvernement déclare plusieurs amnisties avant les élections, encourageant le processus d’intégration au tissu urbain. Ceux-ci se densifient, mais restent globalement mal équipées en système d’infrastructures très mal desservis. Pour remédier au manque en offre de logements, les pouvoirs publics essayent tout de même de lancer des grandes opérations de constructions de logements. A partir de 1950, quatre cent villas sont construites à Levent, dans l’extension Nord de la ville. Ces opérations ne peuvent répondre aux besoins des nouveaux arrivés. Suivant le même schéma, en 1958, dans la périphérie ouest d’Istanbul, le quartier d’Ataköy a été conçu, suivant des normes occidentales et avec des équipements de proximité. Mais ce programme n’est toujours pas dédié aux populations en difficultés. On remarque alors une double action d’urbanisation en périphérie avec les auto-constructions spontanées de quartiers populaires aux marges de la ville conventionnelle, ou dans ses interstices, ainsi que la mutation des populations les plus aisées du centre ville vers les nouveaux quartiers modernes, notamment au Nord (Levent,…), les banlieues résidentielles comme Ataköy, mais aussi les rives du Bosphore souvent inaccessibles. L’essor des activités tertiaires, ainsi que la construction de nouvelles infrastructures, notamment le premier pont du Bosphore en 1973 contribue à repousser les limites de l’agglomération plus loin, vers le Nord, vers la côte asiatique. Cette essor s’accélère après la construction du second pont du Bosphore, vingt ans plus tard. Silhouette d’Istanbul.33 Les années 80 marquent un tournant décisif dans l’histoire de la construction d’Istanbul. Un régime autoritaire imposé, le coup d’État de 1980 de Turgut Özal, a marqué la société et a joué un rôle essentiel dans la modernisation libérale du pays. Turgut Özal est «sans conteste, après Mustafa Kemal Atatürk, le dirigeant politique dont l’action transforma le plus profondément et durablement la société turque».32 Il instaure une politique de libéralisation économique, un reformatage néolibéral de la société soutenu par la Banque mondiale et le FMI. L’État se dirige vers une politique de liberté de ses responsabilités sociales et industrielles et essaye de se décentraliser. La Turquie rentre alors dans le mouvement 31 BACQUÉ M.H, SINTOMER Y, « Peut-on encore de quartiers populaires ? », in Espaces et Sociétés, Numéro 108-109, 2002. URL: http://www.sintomer.net/file/PEUT_ON_ENCORE_PARLER_DE_QUARTIER_POPULAIRE.pdf [Consulté en Octobre 2016] 32 KAZANCIGIL A, dans Chenal A, « L’AKP et le paysage politique turc », in Pouvoirs, Numéro 115, 2005, p. 41-54. 32 33 Rosselli P, in Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. 33 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes «Il est toutefois possible d’identifier l’émergence d’un nouveau modèle, plus étalé, moins hiérarchique, qui se substitue à celui de la ville organique: la ville fragmentée. La fragmentation résulte de la disparition du fonctionnement global au profit de petites unités, la dilution des liens organiques entre les morceaux de la ville, l’appauvrissement du continuum spatial et la répétition des inégalités aux différentes échelles infra-urbaines, des îlots de pauvreté jouxtant des isolats de richesse au sein des archipels urbains»37 économique mondial. Son économie qui se basait exclusivement sur l’industrie, se métamorphose pour intégrer des activités économiques à plus forte valeur ajoutée (technologie, publicité, finance). Le long du grand boulevard de Büyükdere, ont été érigés les premiers gratte-ciels du centre d’affaire de Levent, des sièges des banques, de grandes holdings et des centres commerciaux, dans un axe étirant la ville vers le nord, reconstituant un modèle américain, alors que le centre ville continue à s’appauvrir. Les procédures mises en place sont les mêmes que dans la majorité des agglomérations mondiales: Les espaces sont marqués par une dispersion et fragmentation socio-spatiale34. Cette accélération à la fois urbaine et sociale est remarquable dans certains projets d’infrastructures, comme l’ouverture du boulevard TarlabasŞ en 1988, tout près de Taksim. Dans l’arrondissement de Beyogglu, à proximité des quartiers anciennement bourgeois de Péra et Galata. Aujourd’hui c’est une limite très nette, marginalisant la population pauvre, immigrée, du centre historique moderne. Pendant cette période, on s’engage en effet massivement dans l’investissement des infrastructures, de manière à répondre aux nouvelles exigences de performance. C’est avec la construction du deuxième pont sur le Bosphore et l’ouverture du TEM (Trans-european- Motorway) en 1989, second périphérique d’Istanbul, que l’usage de la voiture se généralise. En effet, les transports en commun n’étaient pas développés, ce qui a rendu assez courant les locations en périphérie, c’est là où les gated communities apparaissent, mais aussi le logement Les gecekondu qui se tranforment en aprtman.38 Prévôt Schapira Marie France «social» de masse (logement social au prix trop élevé pour les populations dans le besoin), ces opérations subventionnées par l’État: les KIŞPTAS35 et TOKI36, deux institutions publiques en charge de la maîtrise foncière, qui jouent le même rôle et produisent du foncier urbain pour la construction de logements. Développement urbain, les tours de TOKI transforment les terrains abandonné près du TEM.39 34 YÉRASIMOS S, «Istanbul : la naissance d’une mégapole», in Revue Géographique de l’Est,Numéro 2?, Volume 37, 1997, p. 189-215. URL: http://www.persee.fr/doc/rgest_0035-3213_1997_num_37_2_2330 [Consulté en Octobre 2016] 35 KIŞPTAS,Istanbul Konut Şmar Plan Sanayi ve Ticaret A.S / Société municipale de construction de logements sociaux de la mairie d’Istanbul 36 TOKI, Toplu Konut Idaresi / Administration nationale du logement collectif 34 37 SCHAPIRA PRÉVOT. MF. Amérique Latine : la ville fragmentée. Esprit, Paris, n. « Quand la ville se défait », p. 128-144, novembre, 1999. 38 CHRISTOS K, in Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. 39 EMDEN C, in Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. 35 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes 1.3 L’heure des Islamistes40 Le 15 Juillet 2016, le Président Recep Tayyip Erdogan et le pays tout entier vivent en direct, abasourdis, le cinquième coup d’État de l’histoire de la Turquie. Des militaires qui s’emparent de sites stratégiques, et n’hésitent par à ouvrir le feu sur des foules de civiles, sortis manifester à l’appel du Président Erdogan sur la place Taksim. Cette nuit sanglante va faire 265 morts. Erdogan lui-même vient d’échapper à un commando venant l’assassiner dans l’hôtel où il passait quelques jours de vacances. En quelques heures le Président sauvé par son peuple, reprend les commandes, et accuse un énigmatique État parallèle dirigé depuis les Etats Unis. Face aux putschistes, Erdogan se pose en sauveur de la nation Turque. Erdogan, jeune politicien ambitieux, apparait en 1994 dans la campagne municipale d’Istanbul. A 40 ans il se présente avec l’étiquette du parti Islamiste de l’époque. Dans les quartiers populaires, il est sur son terrain de prédilection. Il remporte une victoire historique, et devient le premier maire Islamiste Nuit du coup d’État avirté en Turquie.42 d’Istanbul, il entre en force dans la scène politique turque. Sa réussite à la mairie lui a fourni les armes pour la suite de sa carrières. Trois ans après l’élection d’Erdogan à la mairie d’Istanbul, un coup militaire vient assombrir son horizon politique. L’armée écarte le gouvernement dirigé par les Islamistes (Parti du Refah), Ce coup d’État de 1997 a souvent été qualifié de «post-moderne» car les généraux ont réussi à faire tomber le pouvoir sans violence ni effusion de sang et n’ont pas remplacé l’administration civile par un régime militaire.41 La justice main dans la main avec les militaires, n’attendait qu’un prétexte pour évincer le populaire Erdogan et ouvrir contre lui des poursuites pénales. Lors d’un meeting le 6 décembre 1997, il reprend une citation du poète nationaliste Ziya Gökalp. Cette citation a été qualifiée d’incitation à la haine : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats » Il est déchu de son mandat de maire, et condamné à 10 mois d’incarcération, il en purgera quatre. De ce séjour en cellule, il garde une rancune tenace envers les militaires. Comme toute sa génération, Erdogan a été formé à l’école de Necmettin Erbakan, qui règne depuis les années 60 sur l’Islam politique Turque. Sous l’influence d’Erbakan, le mouvement Islamiste se montre violemment antisémite, rejette la laïcité et l’alliance avec l’occident. La prison a changé Erdogan; pour conquérir le pouvoir, il imagine une nouvelle stratégie, qui sera de fonder son propre parti, un pari démocrate musulman, sur le modèle des démocraties chrétiennes allemandes ou italiennes, un parti 40 La source principale des informations de cette partie, est un documentaire de: Perrier G, Cayatte G, «Erdogan, l’ivresse du pouvoir», ARTE, 2016 et KRISTRANASEN W, COLOMA T, VICKY A, BILLION D, AKÇAM T, NESOM K, «L’heure des islamistes», in Manière de Voir - Le Monde Diplomatique. Turquie. Des Ottomans aux islamistes, N°132, Décembre 2013 - Janvier 2014. 41 URL: http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/01/03/turquie-un-ex-chef-de-l-armee-arrete-pour-un-putsch- en1997_1812392_3214.html [Consulté en Novembre 2016] 36 42 «Coup d’État avorté en Turquie: 265 MORTS ET 1440 BLESSÉS, 2839 MILITAIRES ARRÊTÉS SELON LE PREMIER MINISTRE, in RTBF, le 16 juillet 2016. URL: https://www.rtbf.be/info/monde/detail_tentative-de-coup-d-etat-en-turquie-au-moins-60-morts-et-336arrestations?id=9355149 [Consulté en Novembre 2016] 37 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes libéral pro-européen, pour tourner une fois pour toute la page des pleins pouvoirs aux militaires. La Turquie d’Erdogan est attirée par l’Europe, mais une partie d’elle-même résiste. A la fin d’un premier mandat, marqué par les réformes et une croissance économique rapide, Erdogan arrive L’ancien maire d’Istanbul manque d’expérience internationale, il multiplie les contactes notamment renforcé aux élections de 2007, il recherche à briguer la présidence de la République, en réaction aux États Unis; Washington l’observe d’un air curieux, un Islamiste moderne plein d’ambitions. Il l’armée organise des manifestations pour la laïcité. Erdogan recul mais, impose son second fidèle entraîné dans son sillage les réformateurs du parti Islamiste. Il parvient aussi à rallier des libéraux, des Abdullah Gül. L’armée s’est opposée à la candidature de Gül, les militaires menacent ouvertement politiciens issus de la gauche, tous réunis autour d’un même objectif l’adhésion à l’Union Européenne. le gouvernement d’Erdogan d’un coup d’État. l’AKP a refusé de se laisser intimidé par l’armée, et ils Un an près la création de l’AKP en décembre 2002, la classe politique traditionnelle et les élites ont gagné les élections avec une très large majorité. Cette victoire a définitivement sonné le glas de la d’Istanbul sont bouleversés. Les élections législatives de 2002, remportées par le parti de justice et tutelle de l’armée sur le système politique Turque. Le but d’Erdogan, est de pousser son avantage et de développement (AKP), marquent une étape assez importante de l’histoire de la Turquie. Une forme se débarrasser de l’emprise des militaires Kémalistes; les plus radicaux, qui constituent une épais de 43 44 45 de modus vivendi entre l’establishment et le nouveau gouvernement (AKP) qui se met en place , Damoclès au dessus de son pouvoir. Pour cela, il va les faire accuser de complot contre l’État, c’est le Erdogan devient premier ministre de 2003 à 2014 et Président de la République de Turquie depuis début de l’affaire du réseau secret appelé Ergenekon, une affaire qui va permettre à Erdogan de lancer 2014. sa première purge en s’appuyant sur les magistrats proches de la confrérie Gülen. Il fait inculpé des centaines d’officiers; pour Erdogan et la confrérie Gülen, la victoire est totale. Avec la victoire d’Erdogan et de l’AKP, les confréries religieuses très populaires en Turquie, vont renforcer leurs poids, à commencer par la confrérie de Fethullah Gülen. Cet Imam s’est exilé aux Treize ans plutôt, Erdogan prononce un discours resté célèbre. Pour lui la démocratie n’est pas un but, Etats Unis en 1999, sous la menace des militaires. Agée de soixante quinze ans, il vit sous une bonne mais un moyen, elle est comme un Tramway, une fois arrivé au terminus, on en descend. Erdogan protection dans une vaste résidence en Pennsylvanie. Il dirige une communauté de plusieurs millions supporte de moins en moins la critique, caricaturistes et les journalistes sont dans le collimateur. de membres et fait l’objet d’une véritable dévotion. Ses adeptes; un puissant réseau d’écoles et de Journaux et chaînes de télévisions sont censurés, fermés par la force. A l’image de Zaman, premier fondations dans plus de 120 pays, ont gagné toutes les institutions turques, mais aussi l’économie, la quotidien du pays, avec 700000 exemplaires brutalement réduits au silence. La Turquie occupe le politique et les médias. Fethullah Gülen est accusé d’être le cerveau du putsch manqué du 15 juillet premier rang des pays qui enferment les journalistes. Tous les régimes autoritaires et totalitaires ont été 2016. dépassés. Le raidissement d’Erdogan, fait une autre victime, l’Europe. Erdogan prend le pouvoir dans un pays en crise, la faillite d’une dizaine de banques a provoqué Avec le processus d’adhésion à l’UE, Erdogan a obtenu ce qu’il voulait, l’argent de Bruxelles, il va l’effondrement de l’économie turque, et la corruption endémique a discrédité les partis politiques en redresser son pays, il n’a plus besoin de l’Europe pour consolider son pouvoir. l’Allemagne et la France place. L’inflation s’envole, la monnaie est dévaluée, le FMI maintient la Turquie a flot grâce à un prêt étaient les premiers à refuser cette adhésion. Premier ministre depuis 10 ans, Erdogan garde la de 11 milliards de Dollars. Erdogan promet de ramener la stabilité en s’appuyant sur l’Europe. A peine haute main sur Istanbul, sa ville. Il démontre lors des manifestations de Gezi, que c’est lui qui a le arrivé au pouvoir, Erdogan démarre les négociations d’adhésion à l’Union Européenne sans délais, pouvoir absolu, et l’exprime en plein public, et que ses grands projets allaient continuer puisqu’ils pour redresser l’économie et tenir les promesse qu’il a fait aux turques, mais le rapprochement avec la sont la marque de son pouvoir. En couvrant Istanbul de chantiers, il fait la fortune du secteur de la Turquie, divise les Européens. La dynamique pro-européenne incite la Turquie a un nouvel élan, avec construction , l’un des piliers de l’économie Turque. ses musées, ses universités modernes et ses cafés branchés, Istanbul devient une des capitales européennes de la culture. Chacun a une bonne raison de soutenir l’adhésion à l’union, mais la Un dossier de corruption en décembre 2013, a déclenché la guerre entre Erdogan et Gülen. Au fin principale raison est de faire barrage à l’armée, car la création de la République en 1923, en fait un fond de la Pennsylvanie, Gülen est inquiet, les sujets de discorde sont devenus trop nombreux avec État autoritaire, laïque, où l’armée a une place centrale. Erdogan, sur l’adhésion à l’UE, sur la démocratie en Turquie et sur l’influence de la confrérie. Tout désormais les séparent. Erdogan accusé d’enrichissement illicite qu’il voudrait cacher à la justice, se défend en accusant la confrérie Gülen de ce complot. 43 Modus Vivendi: Accord permettant à deux parties en litige de s’accommoder d’une situation en réservant la solution du litige. 44 Establishment: est un terme utilisé fréquemment dans un sens péjoratif, qui désigne une minorité sociale exerçant un fort contrôle sur l’ensemble de la société, en fonctionnant sur la base de pouvoirs établis. 45 URL: https://sites.google.com/site/questionsdorient/turquie-et-empire-ottoman/coups-d-etat [Consulté le 30 Novembre 2016] 38 Le troisième et dernier mandat du premier ministre, arrive a son terme. Pour rester au pouvoir, il veut devenir Président de la République. Il veut placer le Président au centre de la nouvelle Turquie, un régime taillé pour lui sur mesure. En 2014, il a exprimé ses véritables intentions «Je veux être seul au pouvoir, 39 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes que la justice, que la cour constitutionnelle soit à mon service». Mais quand tous les pouvoirs sont concentrés, il est impossible de parler de liberté et de démocratie, le système qu’il veut est un système de type moyen oriental, celui de Moubarak, de Sadam Houssein, d’Assad. Erdogan et sa machine électorale écrase la campagne Présidentielle de l’été 2014. Sur sa route pourtant va se dresser un nouveau venu, un jeune Kurde, avocat de formation, Selahattin Demirtas avec son parti le (HDP); il se fait le porte parole de tous ceux qui se sont sentis exclus pendant les années Erdogan. Mais la campagne d’Erdogan était obsessionnelle, il avait le soutien de l’État, des médias, vote des Islamistes et des nationalistes lui étaient acquis, il a obtenu 52% et il a gagné. 9 mois après son élection à la présidence, c’est de nouveau la minorité Kurde qui va se dresser sur le chemin d’Erdogan lors de la campagne des législatives de Juin 2015. C’était le moment de prouver que les kurdes et les Turques peuvent vivre ensemble en démocratie. Une bombe avait explosé au milieu du meeting des Kurdes, qui a fait plusieurs blessés, une attaque délibérée. l’AKP ont toujours voulu liés les Kurdes à la violence, mais aucun parti ne souhaiterait faire exploser des bombes lors de ses propres meetings. Le Parti Kurde (HDP) entre au parlement avec 80 députés, ils privent l’AKP de sa majorité absolue. Le Président est face à un choix, de nouvelles élections ou respecter le verdict des urnes et partager le pouvoir. La percée du parti Kurde était importante pour la démocratie et la question Kurde et pour la paie. L’existence de cette opposition aurait pu pousser Erdogan a adopter une attitude plus démocratique, mais cet espoir a été de courte durée. Avec l’attentat Kamikaze de Suruç qui tue 34 jeunes militants pro-kurdes, le conflit entre les kurdes et la Turquie est ravivé. La guerre civile qui a fait 45000 morts depuis 1994 reprend de plus belle. Après deux ans de cesser le feu, Erdogan fait voler en éclat les espoirs de paix. Une guerre délibérée pour récupérer les voies qu’il avait perdu. Les gens ont pensés qu’avec le terrorisme, la croissance économique allait s’évaporer. Avec le contrôle de 80% de la presse, Erdogan a pu facilement laver le cerveau des gens, et leurs faire croire que sans majorité absolue, ils auront le chaos. La stratégie du Chaos a fini par fonctionner, Erdogan a de nouveaux les coudées franches. Un pouvoir fort en Turquie, voilà ce qui importe pour les dirigeants; eux qui comptent sur Erdogan pour endiguer le flot incessant des migrants de la guerre syrienne vers les frontières de l’Europe, et cela, le Président turc le sait bien; on a enfin redécouvert la Turquie sur A dieu la démocratie.46 la carte de l’Europe. Mais aujourd’hui, on peut constater que la séparation des pouvoirs, et la justice n’existent plus en Turquie. 40 46 «Turquie. Adieu à la démocratie», in Courrier International, Dessin de Clou paru dans La Libre Belgique, Bruxelles, le 12 mai 2014. URL: http://www.courrierinternational.com/article/2014/02/06/adieu-a-la-democratie [Consulté en Novembre 2016] 41 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Transformation d’Istanbul dans la politique actuelle Ces dynamiques introduites à la fin du XXe siècle continuent à fabriquer la ville d’aujourd’hui, souvent d’une manière assez furieuse, avec des grands projets. Depuis la fin du XXe siècle et d’avènement uRban aGE istanbul 39 d’Erdogan à la mairie d’Istanbul; actuel Président, il semble que ça soit une manière de démontrer la valeur de la ville. Plusieurs regrettent47, que ça ne soit pas un projet urbain global, avec un temps limité, l’urbanisation galopante de la ville ayant toujours une multiplication de projets ponctuels. En effet, on retrouve un département spécialisé dans les projets (Projeter Daire Baskanlıg)ı au sein de la Mairie du Grand Istanbul (Istanbul Büyüksehir Belediyesi), qui comprend la direction pour la protection de l’environnement historique, et la Direction des investissements, mais qui fonctionnent indépendamment de planification et de l’aménagement48. Ces projets doivent être à l’image de la politique urbaine, censée être puissante, et de la volonté de s’internationaliser mais sont aussi caractéristiques de son inhabilité à coordonner différents territoires urbains. Nettoyage d’Istanbul Dans un premier temps, la mairie d’Istanbul a souhaité faire «la mise au net» des quartiers stratégiques, éventuellement touristiques. En effet, le tourisme va devenir un secteur très important de l’économie d’Istanbul, avec 7 millions de visiteurs en 2008. Cela représente 9.2% de plus qu’en 200749, et l’année 2012 la ville a accueilli 10 millions de touristes. Le projet «Istanbul Ville-musée» (Istanbul Kent Müzesi), concernant la péninsule historique, lancé en Juillet 2004, est très clair. Il vise à accroître le nombre de touristes étrangers, et valoriser le potentiel historique de la ville, en agissant sur l’habitat informel (disparition des extensions et des étages illégaux), en augmentant les restaurations (reconstruire en béton et en acier et démolir les vieux bâtis en bois) et en aménageant les espaces publics de manière attirante tout en renforçant le dispositif de control. Les métiers artisanaux ou l’industrie en voie de substitution sont également invités à s’installer ailleurs, les vendeurs ambulant sont soumis à un code folklorique: uniformisation des stands et des costumes50. En 2010, dans un numéro de la revue Urbanisme51 consacré à Istanbul, Nora Seni, donne un exemple du quartier Süleymaniye, elle cite le directeur de KIŞPTAS (entreprise des industries du bâtiment de la 47 CANDELIER-CABON M., MONTABONE B., « Istanbul, une internationalisation forcée? », in EchoGéo, le 02 décembre 2009 Ali Taptık URL: http://echogeo.revues.org/11523 ; DOI : 10.4000/echogeo.11523 [Consulté en 25 Octobre 2016] 48 PÉROUSE JF. 2007, art.cit. uRban aGE istanbul COnFEREnCE, nOVEMbER 2009 49 FLEURY A. 2010, art.cit. Istanbul, ville des intersections.52 50 PÉROUSE JF. 2007, FLEURY A. 2010, art.cit. 51 SENI N, «La tentative néo-ottomane et la rénovation du quartier de Süleymaniye», in Urbanisme. Dossier: Istanbul, Numéro 374, septembre-octobre 2010. 42 52 Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. 43 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes Municipalité du Grand Istanbul) en disant qu’il s’agit de reconstruire des quartiers Ottomans selon l’air mystique qui régnait dans la péninsule historique. En restaurant des maisons et les vendant par la suite, cela va induire un processus de renouvellement rapide qui couvrira les rives de la Corne d’Or à Süleymaniye. Ainsi, une ville-musée va surgir, et elle a attirera dix millions de touristes par an à Istanbul. Cette volonté de «mise en tourisme» est au dépit des populations habitantes. Selon Jean François Pérouse53, c’est un discours participationniste, et la question de garder les populations locales ne se pose même pas. Celles-ci sont très pauvres pour conserver leur logement une fois restauré, et la municipalité assume vouloir diviser par deux le nombre d’habitants dans l’arrondissement de Fatih.54 En plus de la péninsule historique, ce «vaste nettoyage physique et fonctionnel».55 Il s’étale jusqu’à l’arrondissement de Beyoglu, considéré comme le cœur de la ville moderne dans les guides historiques, autour de l’avenue piétonne d’Istiklal, sur laquelle passe 3 millions de personnes chaque jour de fin de semaine. Un des premiers quartiers qui a connu ce processus, est le quartier de Cihanir, suivi de Galata, puis Tophane et Karaköy. Ces processus, entraînés par l’ouverture de nouveaux commerces, de galeries d’art, d’artistes, d’étudiants, d’intellectuels et de populations étrangères qui viennent s’installer à Istanbul. Ce n’est pas le cas du projet de renouvellement d’une partie du quartier de Tarlabasi à deux pas de Taksim, de l’autre côté du boulevard , que nous avons évoqué un peu plus haut. Il s’agit d’une démolition sur 20000 m²,de bâtiments datant du XXe siècle56. L’insalubrité de ces bâtiments s’explique par leur vieil âge et leur manque d’entretien, ce quartier populaire, est habité par une population pauvre (kurdes, roms et africains, communauté transsexuelle). C’est cet argument de salubrité, de sécurité (risque sismique) et d’hygiène qui est mis en avant pour défendre la plupart «Gentrification» est un terme inventé en 1963 par Ruth Glass, la gentrification peut paraître un contresens si l’on considère que les pionniers de ce processus furent, au contraire, des classes moyennes qui ne craignaient pas de se frotter aux classes populaires en revenant habiter le centre des villes, leurs parties dégradées, pour en goûter le pittoresque, parce qu’elles apprécient l’ambiance urbaine. Neil Smith soutient que «la gentrification est ce processus qui permet de jouir des avantages de la ville sans avoir à en redouter les inconvénients» la délivrant de ses «défauts»désencombrer, embellir, réduire le bruit, la circulation, les mauvaises odeurs, les mauvaises rencontresgénérant un produit qui a un prix, financier, propre à attirer ceux qui ont les moyens de se l’offrir et à faire disparaître de sa scène, discrètement, ceux qui ne le peuvent pas. Le phénomène se développe surtout depuis les années 1990, quand elle est apparue aux municipalités et aux promoteurs comme le moyen de valoriser le produit dont ils disposaient en propre: la ville.58 des projet de renouvellement de la ville, pour expliquer les différentes opérations. Il n’est pas question de retirer le caractère du quartier, il sera sûrement reconstruit selon une trame et des typologies architecturales similaires. Et il sera surtout propre et accessible pour une population assortie. Grâce à la loi 5366 sur «la régénération, la protection et le renouvellement des biens immobiliers culturels et historiques dégradés» votée en 2005, les autorités municipales ont la main libre sur la ville et peuvent même expulser des habitants s’il le faut.57 53 PÉROUSE JF. 2007, art.cit. 54 LEPONT U, « Istanbul entre ville «ottomane» et «ville monde». La politique cultirelle de la municipalité du Grand Istanbul confrontée aux ambitions municipales d’internationalité», Mémoire de maîtrise en géographie, Université de Paris-Sorbonne (Paris 4), 2007. URL: http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/423/files/2014/02/Istanbul-entre-ville-ottomane-et-villemonde.pdf [Consulté le en Août 2016] Avenue Istiklal.59 55 PÉROUSE JF. 2007, art.cit. 56 URL: http://www.Beyoglubuyukdonusum.com/tarlabasi/detay/Proje-Hakkinda/9/8/0 [Consulté le 20 Novembre 2016] 57 URL: http://aujourdhuilaturquie.com/fr/tarlabasi-quartier-vetuste-qui-suscite-des-convoitises/ [Consulté le 20 Novembre 2016] 44 58 DONZELOT J, «La ville à trois vitesses: relégation, périurbanisation, gentrification», in Esprit, Mars 2014. URL: http://www.esprit.presse.fr/article/donzelot-jacques/la-ville-a-trois-vitesses-relegation-periurbanistion-gentrification-7903 [Consulté en Novembre 2016] 59 TAPTUK A, in Urban Age. Istanbul City of intersections, Londres, Novembre 2009. 45 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes verts du centre-ville, a été en mai 2013 le théâtre de conflits entre militants et policiers. En 1806 le «Aussi longtemps que les parcs à thème de Disney se limitaient à l’évocation d’un passé exotique ou d’un futur lointain qui emportaient les «clients» à travers le temps et l’espace, la distance entre la réalité et la fantaisie était palpable. Mais la collusion spatiotemporelle des parcs récréatifs et des mondes romancés du Nouvel Urbanisme, le mélange de signes sociaux et architecturaux qui privilégient un «futur du passé», excluent agressivement le présent, ce qui signifie exclure la vie. En d’autres termes, condamner le présent c’est aussi condamner la transformation, l’évolution, la substitution, c’est-à-dire les futurs possibles. Mode de gestion figé, anxiolytique urbain, le Nouvel Urbanisme est à la fois une fuite de la ville, mais aussi de la vie vue comme le Frankenstein du Disney World»65 site était occupé de casernes ottomanes qui ont été démolies en 1940, et le projet envisagé est Neil Smith Ces projets de rénovation urbaine montrent comment les impératifs du capital dans une économie post-industrielle génèrent de nouvelles formes de ségrégation urbaine et d’inégalités. Il nous paraît alors intéressant d’évoquer l’idée du «droit à la ville», proposée par Henri Lefebvre en 1968 et reprise par le géographe britannique David Harvey. Selon ce dernier: «Il est impératif de travailler à la démocratisation du droit à la ville et à la construction d’un large mouvement social pour que les dépossédés puissent reprendre le contrôle de cette ville dont ils sont exclus depuis si longtemps, et pour que puissent s’instituer de nouveaux modes de contrôle des surplus de capital qui façonnent les processus d’urbanisation.»60 Ce lissage intense de l’espace urbain passe évidemment par les espaces publics. C’est l’exemple de la place Taksim61, à proximité de l’avenue Istiklal, qui en 2012 était encore un nœud de circulations, hub de la ville, entre bus (Terminus de 81 lignes), taxis, dolmus62. Les principales voies passent maintenant en souterrain, dans l’idée de rendre cet espace piéton, sans pour autant résoudre la question de l’embouteillage automobile. Le parc attenant à la place Taksim, un des derniers espaces de reconstruire ces casernes et d’en loger un centre commercial avec un espace culturel et une mosquée. Ces travaux d’une ampleur impressionnante, produits d’une volonté rigoureuse, devraient être rapidement menés, la place était sensé se transformer en an et demi. La fulgurance est bien un des modes de la ville63, la municipalité décide alors d’accélérer son action, afin d’accueillir des milliers de touristes la recherche de dépaysement. Mais elle prétend aussi attirer des foules internationales autour d’événements tels que la foire internationale d’art contemporain et moderne Art International, la Biennale d’art contemporain, le salon Habitat. Cette ambition s’est surtout marquée dans sa candidature aux Jeux Olympiques. Ceux-ci marquent en effet l’entrée d’une ville dans «la cour des grands» et donnent l’atout d’une accélération remarquable dans son développement urbain, comme l’explique Muriel Rosemberg dans Le Marketing Urbain en question64. «Les J.O sont une chance de réaliser en 6-8 ans la mutation urbaine que le schéma directeur de l’agglomération 60 HARVEY D., «Le droit à la ville», in Revue internationale des livres et des idées, 8 janvier-février 2009. C’était la conclusion de «The Right to the City», paru l’année précédente dans la New Left Review (nov.-déc. 2008, 53), in COSSART P et TALPIN J, Lutte urbaine. Participation et démocratie d’interpellation à l’Alma-Gare, Bellecombe en Bauges, Le Croquant, 2015 URL: https://www.contretemps.eu/a-lire-un-extrait-de-lutte-urbaine-de-paula-cossart-et-julien-talpin/ [Consulté le 20 Novembre 2016] 61 URL: https://www.akparti.org.tr/site/foto/8298/taksim-meydani [Consulté le 20 Novembre 2016] 62 Dolmus: minibus collectifs, desservent les villes intra-muros mais aussi leurs environs, et les relient même parfois entre elles comme de véritables bus. Ils ne partent que lorsqu’ils sont pleins, d’où leur nom dolmus qui signifie littéralement «remplis». 46 Site de Art International.66 63 PÉROUSE JF. 2007, art.cit. 65 MARTIN N, mémoire.cit, p.13. 64 ROSEMBERG M, «Le Marketing urbain en question. Production d’espace et de discours dans quatre projets de villes», in Economica, coll. Villes, Paris,2000. 66 Photo personnelle, Septembre 2015. 47 Contextualisation: Des Ottomans aux Islamistes lilloise, voté en 1994, espérait réaliser en 20 ans». Mais avec tous ces projets qui existent, l’instabilité interne liée à la crise du parc Gezi effraie. Elle est une des raisons qui a conduit au rejet de la candidature de la métropole turque pour accueillir les JO de 2020.67 L’avenue Istiklal bloquée par la police .68 67 CALISKAN K, «Turquie. Istanbul 2020, les raisons d’un échec», in Courrier International, 15 Septembre 2013. http://www.courrierinternational.com/article/2013/09/15/istanbul-2020-les-raisons-d-un-echec [Consulté le 20 Novembre 2016] 48 68 STEINHOFF F, le 31 mai 2013. 49 Partie II « Défendre la liberté et la paix, non le crime, ni l’héroïsme est notre devoir. Plus que les défendre, restaurer la signification sacrée que ces mots ont perdus en tant que nous pouvons. Quand à ne pas être complice de ces meurtres, plus qu’un droit et qu’un devoir, c’est le sens même de notre existence. Ceci est la pierre que nous soulevons et aimons en tant que nous pouvons; notre destin. » Aslı Erdoğan 69 ŞERDOGAN A, 69 Le silence même n’est plus à toi, chroniques traduites du turc par : LAPEYRE DE CABANES J, actes sud, 2017,in ADLER L,Spécial Turquie, France Inter, le 5 janvier 2017. 50 L’espace public Mise en scène et occupation «Entre religion et politique» L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » 2.1. Qu’est ce qu’un espace public? Plusieurs auteurs ont étudié ce rapport d’interactions sur l’espace public, on trouve les travaux de I. Joseph73, L. Quéré74 et d’autres auteurs. On doit citer aussi les études de Sennett75, qui a définit l’espace public comme un lieu où les inconnus se rencontrent quotidiennement et pour qui, «l’homme L’espace public est un des concepts les plus interdisciplinaires des sciences sociales. Il a fait l’objet public, est en déclin aujourd’hui». d’études dans le cadre des sciences de l’espace, de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie, de la politologie, de la géographie urbaine, de l’aménagement, etc70. En effet, la polysémie Quand à G. Simmel76, il a définit la sociabilité comme «la forme pure de l’association», ou comme de ce concept est importante, dans la compréhension de plusieurs enjeux liés à notre sujet d’étude. «forme ludique de l’association» c’est-à-dire une relation son but précis. Des chercheurs ont aussi distingué, plusieurs types de sociabilité. Une sociabilité propre aux jeunes, Jean Pierre Frey71, architecte et sociologue, explore la notion d’espace public sur deux registres, le aux adultes, au vieux; ou selon le sexe (hommes, femmes); de même selon l’ethnicité (pratiques registre du quotidien et celui du politique. Dans cette partie nous allons nous appuyer principalement culturelles: fêtes religieuses, folklore,…), selon le type sociétal. Pour F. Tönnies77, ce terme renvoies sur l’exploration de Jean Pierre Frey, qui se fait, à travers une synthèse des différentes définitions, aux communautés. La liste reste longue, mais on comprend que la forme de sociabilité renvoie à un des auteurs qui ont étudier l’espace public. Ces auteurs ont étudié sa nature, sa structure, son type d’espace public, et que finalement on retrouve différentes formes de sociabilités dans une ville, fonctionnement et sa finalité. donc différents espaces publics qui peuvent se situer dans un même lieu, en coexistant pacifiquement A travers ces études Jean Pierre Frey distingue deux types d’espaces publics: un espace public de ou polémiquement, en posant parfois de grosses difficultés de gestion de cette cohabitation. sociabilité et un deuxième de citoyenneté. Certaines sociabilités peuvent être dominantes dans certains lieux et donc imprimer à l’espace public L’espace public comme espace de sociabilité des caractéristiques particulières à travers ses activités. L’étude d’un espace, public doit alors passer par l’analyse des formes de sociabilités qu’on retrouve sur le lieu. Ce terme sociabilité est défini comme l’ensemble des lieux publics où se déroulent les pratiques de sociabilité, les lieux où les inconnus peuvent se croiser et se rencontrer. L’espace public est Jean Pierre Frey, se demande quelles sont les conditions d’existence et de fonctionnement de la alors en rapport avec les comportements du public. Quelles sont ses comportements? Comment sociabilité; il commence par distinguer la sociabilité à la civilité; et défini la civilité comme une «compétence sont-ils régulés? Plusieurs auteurs, ont essayé de répondre à ces questions en dégageant deux qui rend possible la sociabilité, c’est-à-dire les performances, les diverses pratiques de sociabilité». Un concepts: un premier qui peut être définit comme une ensemble de lieux publics où se réalisent ces des premiers auteurs qui s’est intéressée à cette notion de civilité est D. Picard78, qui a comparé les interactions et un second qui peut être un ensemble de conditions normatives et cognitives qui gèrent règles du savoir vivre à un style de pratiques et de conduites sociales. Mais les a réduit uniquement et autorisent ces interactions. aux bonnes manières bourgeoises. On peut donc se demander si ce comportement réservé à une 72 L’espace public de sociabilité peut être définit comme «la mise en scène de la vie quotidienne.» certaine catégorie sociale qui vit repliée sur elle-même est compatible au caractère public. Quand à E. Selon E. Goffmann, c’est l’espace des interactions quotidiennes, des rapports intersubjectifs, de la Goffman79, il présente plusieurs descriptions qui n’expriment pas d’une manière normative ce qu’il faut représentation de soi en public, des différents rôles publics qu’on peut avoir, lieux d’effectuation de faire. Mais elles montrent plutôt ce que nous faisons sans le savoir, dans des situations différentes, différents rites et rituels. et souligne les différentes compétences que nous exerçons dans nos rencontres. Il dit que «La vie 73 JOSEPH I, Le passant considérables, Essai sur la dispersion de l’espace public, Paris, Méridiens, 1984; «L’espace public comme lieu d’action», in Les Annales de la recherche urbaine, n°57-58, Déc 92 Mars 93, dans FREY JP, mémoire cit. 74 QUÉRÉ L et Brezger D,«L’étrangeté mutuelle des passants»,in Les Annales de la recherche urbaine,n° 57-58, dans FREY JP, mémoire cit. 75 SENNETT R, Les Tyrannies de l’intimité, Paris, Seuil,1979,dans FREY JP, mémoire cit. 70 CASILLO I, « Espace public », in CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAURAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, 2013. URL : http://www.dicopart.fr/it/dico/espace-public. [Consulté le 27 Novembre 2016] 71 FREY JP, Morphologies espaces et société, master urbanisme et aménagement «Espaces urbains et démarches de projet», Institut d’Urbanisme , Créteil, 2011. 72 GOFFMAN E, La mise en scène de la vie quotidienne:(1) La représentation de soi, Paris, Minuit, 1973,(2) Les relations en public, Paris, Minuit 1973; Les rites d’interaction, Paris, Minuit, 1974, trad. d’A. Kihm, dans FREY JP, mémoire cit. 52 76 SIMMEL G, «Métropoles et mentalité» (1903) in L’école de Chicago, Y. Grafmeyem et I. Joseph (edit) Paris, Aubier, 1984; «Sociologie de la sociabilité» (1910) Urbi, III, Mars 1980. trad. I. Joseph, dans FREY JP, mémoire cit. 77 TÖNNIES F, Communauté et société, Paris, P.U.F., 1946, dans FREY JP, mémoire cit. 78 PICARD D, Les rituels du savoir vivre, Paris, Seuil, 1995, dans FREY JP, mémoire cit. 79 FUMAT Y, «La civilité peut-elle s’enseignée», in Revue française de pédagogie, 2000, Volume 132, Numéro 1, p. 101-113 URL: http://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2000_num_132_1_1037 [Consulté le 25 Novembre 2016] 53 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » sociale est un théâtre. Loin de se faire au hasard, sans règles, les interactions quotidiennes suivent en explicitant les causes de ce fonctionnement. en explicitant les causes de ce fonctionnement. un rituel très précis, un emblème codifié de temps successifs, qui ressemblent au coups d’un jeu ou aux pas traditionnels d’une danse». L’espace public comme espace de citoyenneté Pour lui, dans n’importe quel lieu, public ou semi-public, avec des gens qu’on ne connaît ou pas, L’espace public de sociabilité, est donc un espace de présentation de soi, des interactions en public, nous avons une certaine façon de prendre l’autre en considération, grâce à cette compétence civile de l’être en public, c’est aussi l’espace de la civilité. L’espace public de citoyenneté est bien différent, qu’on peut appeler la civilité, nous tissons en quelque sorte un lien social. Pas de sociabilité sans selon Jean Pierre Frey , c’est l’espace de l’institution. «Il correspond au domaine ou se développent 80 théâtralité de l’espace, de la scène sociale dit R. Sennett . Il précise : «Je définirai quant à moi ce dans les sociétés modernes démocratiques l’activité politique, le débat politique». C’est-à-dire qu’on mot de la façon suivante: la civilité est l’activité qui protège le moi des autres moi, et lui permet donc considère cette fois, l’individu acteur social, comme acteur politique. de jouir de la compagnie d’autrui. Le masque est l’essence même de la civilité. Le masque permet la pure sociabilité, indépendamment des sentiments subjectifs de puissance, de gêne, etc. de ceux C’est surtout le livre de J. Habermas82 qui lance ce concept. A travers une approche à la fois historique qui les portent. La civilité préserve l’autre du poids du moi». Ainsi, on est contraint de montrer sa vrai et sociologique, il retrace la naissance de l’espace public bourgeois, ses conditions d’émergence et personnalité et sa subjectivité, à étaler sa vie privée au nom de la vérité et de la sincérité des relations son évolution. A partir de la base du principe kantien de publicité, il a démontré la genèse de la sphère sociales. Pour R. Sennett la dérive est fondamentale à l’espace public, et la «tyrannie de l’intimité» ne fait publique bourgeoise au XVIIIe siècle et son développement. En commençant dans un champ culturel, que de bloquer l’individu et le laisse jouer un seul rôle. On retrouve donc des comportements incivils, elle se sépare de la Cour et de l’Église, pour donner une sphère publique littéraire, organisée autour qui freinent la sociabilité, comme ceux dont nous venons de parler. Cette idéologie de transparence de la presse et des lieux de rencontres publics: cafés et salons. Avec une nouvelle classe sociale, dénoncée par R. Sennett, rejoins la pensée de C. Taylor81 qui transforme la communication sociale l’intelligentsia, porte-parole du grand public. en une communication égocentrique ou ethnocentrique. Pour R. Sennett, «l’incivilité c’est peser de son moi sur les autres». A partie de la culture, cette sphère publique va s’élargir au politique, pour mettre en cause l’absolutisme de la monarchie. J. Habermas dit que «Le médium de cette opposition entre la sphère publique et le On pourrait donc définir un espace public incivil, comme espace qui ne favorise pas le vivre ensemble, pouvoir, est original et sans précédent: c’est l’usage public du raisonnement». Ce principe de publicité et où l’on retrouve des formes de comportements incivils, qui n’offrent aucune possibilité de sociabilité. est à la base d’un nouvel espace public politique où de s’effectuer un accord entre la société et l’État Ces espaces publics incivils sont caractérisés par une certaine pauvreté, au niveau des équipements, sous la forme une «opinion publique». Habermas analyse ensuite, l’évolution de cette sphère publique: des services publics; une faible accessibilité qui peut faire de ces espaces, des lieux isolés. répression de l’opinion publique, manipulation de la sphère publique et du principe de la publicité par des groupes d’intérêts, désamorçage de la critique… Un bouleversement de l’espace public qui Ces carences mettent directement en cause l’action du pouvoir public et leur politique urbaine. Les conduit à une triple crise: de légitimation, de rationalité, et de motivation. rapports entre politique urbaines, espace public, comportements publics restent un terrain d’étude très important et une hypothèse de travail à développer, tout prenant en compte cette notion d’incivilité. La thèse de Habermas a permit a de nombreux chercheurs de revoir leur analyse du politique, à partir de l’espace public, défini comme sphère publique, tout en mettant en avant cette notion de A partir de ces travaux, nous cherchons ici à élaborer la typologie de la place Taksim, en fonction, publicité et de communication. Il faut citer auparavant la théorie de l’espace public de H. Arendt83. d’une part de du type de société qui fréquentait ce lieu lors du mouvement Gezi, et d’une autre part Selon sa théorie, la politique trouve naissance dans «l’espace qui est entre les hommes», pour elle la selon le mode d’échange social, lié au mouvement Gezi, c’est-à-dire relations en public personnelles politique doit être considérée comme une relation, ainsi l’espace politique selon H. Arendt serait de vs impersonnelles, autrement dit (échange sans théâtralité ou avec théâtralité selon l’expression de relier les hommes entre eux. Il faut citer également les travaux publiés dans la revue Hermès84, avec R. Sennett). Nous prendrons également en considération les rapports interindividuels, mais aussi les analyses de D.Wolton, J.M Ferry,… Pour ces auteurs, on ne peut pas dissocier l’espace public communautaires, car on ne peut plus nier les phénomènes de groupes (religieux, ethnique, culturel,…), de la démocratie et de son évolution. leurs interactions et leurs types de coexistence. Nous serons conduits donc à comprendre si la place Taksim est un espace public qui a fonctionné lors du mouvement Gezi, et s’il fonctionne encore, tout 82 HABERMAS J, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1978, dans FREY JP, mémoire cit. 83 ARENDT H, Condition de l’homme moderne, Paris, Calman-Levy, 1961, dans FREY JP, mémoire cit. 80 URL: http://espacepublicl3.unblog.fr/category/compte-rendu [Consulté le 25 Novembre 2016] 81 TAYLOR C, Le malaise de la modernité, Paris, Ed. du Cerf, dans FREY JP, mémoire cit. 54 84 Hermès, «Le Nouvel Espace Public», n°4, 1989 URL: http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/15096 [Consulté le 26 Novembre 2016] 55 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » L. Quéré85 définit l’espace public comme: «la notion d’espace public comporte deux idées essentielles: M. Agulthon88 note qu’une «mariannolâterie» va se substituer à une «mariolâtrie» (Culte de Marianne celle d’une sphère publique de libre expression, de communication et de discussion, cette sphère contre culte de Marie), il note que la sphère publique démocratique est en voie de disparition aujourd’hui. constituant une instance médiatrice entre la société civile et l’État, entre le citoyen et le pouvoir On assisterait selon lui, à une «chutte de la tensicccon symbolique», à «un moindre investissement politico-administratif; celle d’une scène publique, c’est-à-dire d’une scène d’apparition, où accèdent affectif dans les monuments». Selon lui, ces lieux vont finir par devenir des «lieux de mémoire.»89. à la visibilité publique aussi bien des acteurs et des actions que des événements et des problèmes sociaux». L’espace public de citoyenneté est donc lié au système politique démocratique. Ainsi, on Cette hypothèse reste inquiétante, nous dirons effectivement qu’avec tous les différents rassemblements pourrait dire que un des premiers espaces de citoyenneté a été présent en cité antique grecque qui qui ont eu lieu récemment dans le monde, l’espace public est en crise. Selon Jean Pierre Frey, «la a connu la démocratie. Il faut toutefois noter que, pour les Athéniens, le peuple se limite aux citoyens, scène publique médiatique tend à remplacer la scène publique urbaine», quand à Thierry Paquot90, c’est-à-dire aux hommes libres, nés de pères athéniens. Le groupe des citoyens exclut les femmes, il se demande si c’est la fin de l’espace public, et estime que l’espace public est réinventé dans sa les enfants, les étrangers et les esclaves; environ 10 % de la population du territoire d’Athènes fait ainsi cohabitation avec la sphère privée, en ouvrant sa «sphère privée» dans du publique, on privatise la 86 e partie des citoyens . Dans les critiques de H. Arendt (1958) de la démocratie athénienne du V siècle place publique. avant J.C. ; deux mots surgissent, l’oikos et l’agora. L’oikos est la maison, le domaine dans le sens L’évolution de la société démocratique influence la ville. Nous pourrons donc postuler l’existence d’une agricole, et le travail familial qui lui est rattaché. L’agora est le lieu du débat, la place du marché et le nouvelle typologie urbaine à partir de l’existence ou l’inexistence de l’espace spublic de citoyenneté ou lieu du culte, le cœur de la cité. Chez Aristote, l’oikos est opposé à la polis. L’oikos comme domaine autrement dit, une présence ou une absence d’une sphère publique politique démocratique. productif assure la base économique et sociale du cadre politique de la cité. L’oikos est le domaine privilégié des femmes, la polis est le lieu privilégié des hommes.87 H. Arendt, oppose l’oikos et polis, ce qui conduit à une dissociation entre le travail et la politique. Elle 2.2. L’espace public en Turquie estime que le travail et la famille sont des domaines apolitiques, alors que la politique se définit par l’action et la liberté d’expression. Selon H. Arendt, il n’existait pas d’espace public de citoyenneté dans la ville médiévale Chrétienne, ce qui régnait sur la ville c’était les cathédrales et Hôtels de ville, et par Dans la ville ottomane, Dogan Kuban affirme qu’il n’existe pas de notion de place publique dans la la suite le pouvoir monarchique, qui exprimera dans la ville le pouvoir royal par divers aménagements ville musulmane en dehors de quelques exceptions.91 Ceci est dû à la structure propre de la société urbains (places, palais,…). L’espace public de citoyenneté apparaît dans les moment révolutionnaires musulmane; que nous avons développé dans la première partie; la vie sociale se passe dans la historiques. Bien souvent, on assistait à un processus de réappropriation d’un symbole d’un ancien mosquée et dans le « çarsŞ », c’est-à-dire le centre de commerce, comme le grand bazar d’Istanbul. régime, qui représente par la suite l’espace public, un symbole de pouvoir démocratique revendiqué par la force. La vie politique, dont les femmes sont exclues, se met en scène surtout dans les mosquées où les Selon Jean Pierre Frey, on peut donc opposer la ville de l’âge démocratique et la ville de l’âge non grandes foules se rassemblent pour la prière du vendredi et les hommes échangent des informations. démocratique. La ville démocratique va donc fonctionner différemment, à travers les nouvelles réformes D. Kuban utilise le mot «meydan» pour «la place», mais confirme l’absence de la place au sens et valeurs républicaines, (liberté de presse, liberté syndicale, laïcité, les lois scolaires,…) toutes ses occidental du terme. Il rajoute « meydan » a toujours été absent, au sens de l’espace de la citoyenneté valeurs vont contribuer à la naissance d’un espace public inédit, caractérisé par les principes de jusqu’à la fin du XIXe siècle, où on retrouve une volonté d’établir une vie politique moderne dans la «publicité» et de «sécularisation». Cette sphère publique démocratique va se traduire dans la scène nouvelle République de Turquie. urbaine, on retrouve des lieux symboliques des partis de gauche, comme de droite. 88 AGULTHON M, Marianne au combat, Paris, Flammarion, 1979; «Imagerie et décor urbain dans la France du XVe siècle» in Ethnologie Française, t.5, Paris, berger-Levrault, dans FREY JP, mémoire cit. 85 QUÉRÉ L, «L’espace public: de la théorie politique à la méta-théorie sociologique» in Quaderni, Numéro18, Automne 1992, dans FREY JP, mémoire cit. 89 AGULTHON M, «Paris» in Les lieux de mémoire, III, Les France, vol 3, Paris, Gallimard, 1992, dans FREY JP, mémoire cit. 86 URL: http://www.paricilademocratie.com/approfondir/pouvoirs-et-democratie/1434-origines-de-la-democratie-d-athenes-a-aujourd-hui [Consulté le 26 Novembre 2016] 91 KUBAN D, Istanbul Yazıları (Les écrits sur Istanbul), Şstanbul, 1998, p. 157 et KUBAN D, “Meydanlar” (Les places), in Dünden Bugüne Istanbul Ansiklopedisi, vol. 5, Şstanbul, 1993-1995. URL: https://etudesbalkaniques.revues.org/233 [Consulté le 2 Décembre 2016] 87 URL: http://www.sens-public.org/article1079.html [Consulté le 26 Novembre 2016] 56 90 PAQUOT T, op.cit. 57 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » « Je suis venue ici parce que j’en avais marre d’être spectateur des dérives autoritaires du gouvernement. Ils accumulaient depuis des mois les interventions liberticides. L’IVG des femmes, l’alcool, le 3e pont... Ils vendent tout ce qu’ils trouvent. De plus, quand j’ai vu comment ils ont brûlé les tentes au parc Gezi, je me suis dit “là il faut y aller, il faut donner un coup de main. Si on ne le fait pas, on ne pourra plus arrêter ce gouvernement”. Je me suis donc rendu à la place Taksim le 1er juin, juste après les événements du 31 mai et tous les jours pendant quinze jours, j’y suis allé comme si j’allais au travail, comme une responsabilité, quelque chose qu’il faut absolument faire »96 On retrouvait les premiers espaces de réflexion et de critique, dans les cafés, les théâtres, ainsi que les «meydans». L’art de la scène avait un rôle très important dans l’exercice de la liberté d’expression en Turquie, en s’échappant des doctrines que la religion avait sur l’art92. Une sphère publique commence à se dessiner à travers les cafés et les théâtres dans la ville, qui vont faire émerger une publicité, mais elle reste très discrète. On peut donc associer la notion de citoyenneté à celle de l’ethnie turque et de la religion musulmane.93 L’espace public en Turquie est donc un espace fragmenté, où les espaces qui rassemblent les communautés ethniques et religieuses sont limités. On pourrait donc supposer que l’espace public de sociabilité est faible. Lors de la modernisation du pays et l’arrivée de la République,la société va voir émergé une sphère publique. Cependant celle-ci ne va pas contenir que la bourgeoisie comme le décrit Habermas, mais rassemblera différents groupes communautaires. L’espace public turc comme espace de critique La mixité ethnique et religieuse font de l’espace publique de la Turquie, un espace fragmenté. Entre les communautés Kurdes, qui cherchent la reconnaissance de leur peuple ainsi que la conservation de leur identité et de leur culture. Les Alévis, groupe chiite, qui cherchent à combattre les discriminations, les républicains d’Atatürk, l’extrême gauche fractionnée, l’extrême droite. On peut donc déduire que l’espace en Turquie est communautaire, et fonctionne autour d’une sphère privée, où la liberté de culte et les opinions de chacun sont préservées. La laïcité, un des débats importants en Turquie, est censée offrir la possibilité d’exprimer son individualité et créer l’équilibre entre le pouvoir public et une population majoritairement musulmane. Mais selon la sociologue N. Göle, cette dernière a été imposée comme idéologie qui fera évoluer la société turque au travers du contrôle exercé par l’État sur l’espace public. La laïcisation de la Turquie a donc été la résultante d’un processus «d’ingénierie sociale plutôt que le résultat d’un processus de modernisation et de développement sociétal»94. En parallèle à cette fragmentation en Turquie, le turc est la sixième langue la plus utilisée dans les réseaux sociaux95. On peut donc se demander pourquoi cet excès des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux offrent une sphère privée, individuelle, qui complique la définition de l’espace privée, et font cohabiter le privée avec l’espace publique. 92 GEORGEON F, «1908 : la folle saison des Jeunes-Turcs», in L’histoire, Numéro 334, septembre 2008. URL: http://www.lhistoire.fr/1908-la-folle-saison-des-jeunes-turcs [Consulté le 3 Décembre 2016] 93 BILLION D, « La délicate gestion du fait minoritaire en Turquie », in Confluences Méditerranée, 2/2010 (N°73), p. 149159. URL: http://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2010-2-page-149.htm [Consulté le 3 Décembre 2016] 94 GÖLE N, «Secularism and Islamismin Turkey : the Making of Elites and Counter-Elites», in Middle East Joumal, vol. 51, n° 1, Winter 1997. URL: https://civilisations.revues.org/3456 [Consulté le 3 Décembre 2016] La foule sur la place Taksim.97 96 LELANDAIS GE, «Résistance du parc de Gezi. La réclamation d’un éthos démocratique ?», le 29 avril 2014, in Interview de Duygu (étudiante, 20 ans) par un journaliste du site d’information T24. Voir les interviews réalisés avec des manifestants : http://t24.com.tr/haber/gezi-parki-direniscileri-kim-kendilerini-nasil-tarif-ediyorlar,231272 URL: http://www.raison-publique.fr/article685.html [Consulté le 30 Septembre 2016] 97 STEINHOFF F, le 31 mai 2013. 95 URL: http://blog.hobbynote.com/top-10-des-langues-les-plus-utilisees-sur-facebook/ [Consulté le 3 Décembre 2016] 58 59 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » L’autorité d’Erdogan et le non respect de la sphère privée « Pourquoi je participe aux actions ? C’est en fait comme une vengeance de toutes les choses [initiées par le gouvernement] depuis très longtemps. Il y a beaucoup de personnes qui pensent comme moi. Aujourd’hui, on ne se tient pas ici que pour le parc Gezi et ses arbres. Nous sommes là parce que nous sommes en colère contre les restrictions progressives sur l’alcool, la tentative d’interdiction de l’IVG, la vente de la majorité des terrains publics, les agissements dictatoriaux de R. T. Erdogan, ses insultes à notre égard malgré les décès [de plusieurs personnes], sa propension à qualifier d’alcoolique toute personne ayant bu de l’alcool et ses discours en direct emplis d’autosatisfaction et d’arrogance »102 La Turquie se dit une République, laïque, et démocratique, pour respecter la séparation des pouvoirs et les individualités de chacun98. Le parti actuel au pouvoir politique est l’AKP (Parti de la justice et de développement)a en effet amené la Turquie vers une modernité, et a fait du pays une nouvelle puissance économique émergente. Mais les faits permanents que j’ai évoqué dans la première partie, montrent un autoritarisme de plus en plus fort. Les propos et les actes contredisent les principes de la laïcité. On peut rappeler la Turquie bloque bien souvent l’accès au réseaux sociaux99, et détient le triste record du monde des journalistes emprisonnés. Le nombre de journalistes professionnels incarcérés a «quadruplé en Turquie à la suite du putsch manqué de juillet».100 En plus, on ressent une attitude d’interventionnisme d’Erdogan, il dépasse largement les limites de la vie politique. Il porte des discours incitant les femmes à avoir au moins trois enfants, propose des lois anti-avortement et démarre la gestion de projets urbains et immobiliers titanesques101, ces attitudes créent un écart à l’exercice d’un État démocratique. De plus, avec toutes les opérations immobilières que nous avons déjà évoqué dans la première partie. Le gouvernement montre la volonté de créer une politique Islamique capitaliste, ce qui suscite les inquiétudes de la population. En effet par la constructions de centres commerciaux et de mosquées,le gouvernement oppresse la sphère publique laïque, et repousse la population qui n’a pas les moyens de fréquenter ces lieux, ainsi on repousse l’espace public en faveur de l’espace privée. Et lorsque ce pouvoir va jusqu’à supprimer les lieux de manifestations politiques, lorsque le gouvernement va jusqu’à la destruction de l’espace public,la symbolique de la destruction de la sphère public donne plus de force au peuple. Elle devient le syndrome de la révolte. La violence sur la place publique de Taksim contre des personnes souhaitant uniquement préserver un parc de la ville va être le déclic des événements de Taksim. 98 CENGIZ C, «Turquie. Adieu à la démocratie», in Courrier International,12/05/2014. URL: http://www.courrierinternational.com/article/2014/02/06/adieu-a-la-democratie [Consulté le 3 Décembre 2016] 99 «La Turquie bloque l’accès à Twitter, WhatsApp, Facebook et YouTube», in Le Monde, 04.11.2016 URL: http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/11/04/la-turquie-bloque-l-acces-a-twitter-whatsapp-facebook-et-youtube_5025217_4408996.html [Consulté le 5 Novembre 2016] Attaques sur la place Taksim.103 100 «Plus de journalistes emprisonnés en 2016», in Le Figaro, le 13/12/2016 URL: http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/12/13/97001-20161213FILWWW00022-plus-de-journalistes-emprisonnesen-2016.php [Consulté le 14 Décembre 2016] 101 PERRIER G, CAYATTE G, «Erdogan, l’ivresse du pouvoir», in ARTE, France, 2016. URL: http://www.arte.tv/guide/fr/070096-000-A/Erdogan-l-ivresse-du-pouvoir [Consulté le 22 Novembre 2016] 2016] 60 102 LELANDAIS GE, in Interview de Duygu, art.cit. 103 STEINHOFF F, le 11 juin 2013. 61 ore sp h Bo r d’O Rive Européenne rne Co Besiktas Besiktas Taksim Beyoglu Üsküdar Sultanahmet Rive Asiatique 62 63 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » Regard sur l’espace public en temps de crise: le mouvement Gezi « Nous n’appartenons pas à un quelconque groupe politique. C’est une mobilisation civile, une lutte civile. Nous ne sommes pas sous une quelconque bannière. La seule chose qu’on essaie de faire est de soutenir la résistance ici et de faire entendre notre voix aussi, de ne pas rester chez nous, de pouvoir servir à quelque chose »106 Une des critiques de la définition de l’espace public de Habermas est qu’il décrit uniquement la sphère intellectuelle bourgeoise. Au XVIIe siècle, ces bourgeois se rencontrent dans des salons, constituent une sphère privée qui développe le libéralisme (un des dispositifs de formation de l’espace publique Habermassie), dans les cafés populaires vont naître les syndicats et d’autres sphères de pensées qui réclament aussi leur publicité. Mais le manque de moyen de cette dernière classe, va rendre difficile la publicité de leur sphère privée. Toutefois, ces sphères ont su s’exprimer publiquement en temps de crise. Lorsque les moyens riyet manquent, il reste l’option de l’expression par la manifestation. Dans les manifestations du parc Gezi, la umhu figure est particulièrement intéressante, car une part de la société était présente (militants écologistes), Bd C et par la suite, la violence du gouvernement et la critique de l’autoritarisme a rassemblé différents groupes communautaires, qui forment des groupe d’actions et de réflexions. Le contexte de crise permet d’observer clairement ce qu’est un espace public. Les différentes cultures Gezi Parki sur Taksim ont créés une sphère publique sans précédent en Turquie, tout en profitant d’une publicité à l’international. L’étude de l’espace public dans un contexte en crise, a permis de comprendre comment un espace publique fragmenté et en partie privée a permit de créer une véritable sphère Tarlabasi publique. Le rôle des réseaux sociaux dans l’étude de l’espace public i bas Bd la Tar Monument à la république Vers Besiktas Taksim Centre Culturel Atatürk D. Delbaere104 définit la publicité d’Habermas comme une ensemble de stratagèmes ayant pour but de développer et montrer les réflexions des sphères privées face à l’autorité. Les stratagèmes du XVIIe siècle sont les salons, cafés et journaux, isolés par Habermas. Ces dispositifs ont forcément évolué et il faut se demander comment se développe la réflexion et la critique de la sphère privée au XXIe l tikla Is nue Ave siècle. On avait supposé que l’espace public en crise, permet de créer une véritable sphère public, Cihangir on peut donc partir de ce postulat, et fouiller afin de trouver plus d’informations susceptibles de nourrir la réflexion sur la formation de cette sphère public. selv iler Les médias internationaux ont eu l’occasion d’écrire sur le rôle des réseaux sociaux lors des nue Ave partout dans le monde, Surtout quand le gouvernement a fait taire les médias turcs. Facebook, Sira manifestations de Mai-Juin 2013 en Turquie105. En effet,ils ont permis de transmettre les information Bosphore Situation de la place Taksim. 104 DELBAERE D, La fabrique de l’espace public. Ville, paysage et démocratie, Paris, Ellipses, collection « La France de demain», 2010, p186, dans FREY JP, mémoire cit. 105 MARTINIERE M, «Turquie: «Sans les réseaux sociaux, rien de tout ça ne serait arrivé»», in Slate, Juin 2013. URL: http://www.slate.fr/monde/73655/turquie-wiki-reseaux-sociaux-liberte-eksi-soezluek-sedat-kapanoglu [Consulté le 3 Décembre 2016] 64 106 LELANDAIS GE, in Interview de Duygu, art.cit. 65 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » Twitter, sont les outils qui ont permis de communiquer rapidement et gratuitement sur le sujet. Ces réseaux sociaux ont joué un rôle d’informateur au moment présent des actions de la police ou des protestataires, dans chaque ville du pays. Le soir du 31 mai, la lutte de la préservation du parc s’est transformée en une manifestation de grande ampleur, les twitts ont explosé, comportant trois principaux hashtags: «#direngeziparkŞ: Résistez Gezi Parki (950,000 tweets), #occupygezi (170,000 tweets) ou #geziparki (50,000 tweets»107. «Anonymous» est le nom d’un groupe d’activistes, formant une communauté virtuelle, agissant de manière non identifiée et se manifestant principalement sur Internet, mais aussi par des actions ponctuelles dans la rue. Les Anonymous se présentent comme des défenseurs du droit à la liberté d’expression, incitant à la désobéissance civile et agissant de manière pacifique. L’accès à l’information, ne se faisait que par Internet,depuis un smartphone. Pendant les manifestations, un partage commun de la wi-fi s’est engagé. Les commerces diffusaient leur code wi-fi pour que tout le monde puisse communiquer,certains allant jusqu’à supprimer le mot de passe pour offrir un accès total. Des jeunes équipés de caméras émettaient en direct non stop, des milliers de vidéos ont fait le tour du monde. Des appels d’urgence pour les premiers soins et des pétitions, des listes de n° de En public, ses membres portent le masque de Guy Fawkes utilisé par le personnage de V dans la bande dessinée «V pour Vendetta» et dans son adaptation au cinéma. téléphone défilaient. Les avocats, les médecins, les infirmiers, infirmières donnaient leur n° de portable pour aider les gens blessés ou en garde à vue. Il y a eu des infirmeries dans des hôtels, dans des parkings fermés. De plus des multiprises ont étés offertes pour recharger les téléphones, allant jusqu’à dérouler des rallonges jusqu’au parc108. De nombreuses sources témoignent que le réseau 3G a été bloqué par le gouvernement sur le place Taksim109. Le collectif Anonymous propose différentes formes d’aide au manifestants110, les Anonymous ont aussi hacké des sites gouvernementaux, et en premier la page officiel de Erdogan, en lui laissant un Le collectif «Anonymous» est apparu en 2006, inspiré par l’anonymat utilisé par des visiteurs de sites Internet publiant des commentaires sans identification de l’émetteur autre que «Anonymous». En l’absence de définition précise et d’identification de ses membres, Anonymous est considéré comme un phénomène culturel, dont n’importe qui peut se revendiquer et où l’on partage une seule identité avec le groupe.112 message d’alerte111. Ces actes prouvent encore une fois, qu’une partie de cette lutte se passait sur la toile virtuelle. Ils peuvent paraître marginaux, mais c’est la preuve d’une lutte qui s’est établie sur la toile virtuelle. Les réseaux sociaux ont aussi jouer un rôle très important pour chaque appel à rassemblement. A travers la création d’événements ouvert pour tout le monde, sans prendre en considération les 107 BARBERÁ P, METZGER M, «A Breakout Role for Twitter? Extensive Use of Social Media» in the Absence of Traditional Media by Turks in Turkish in Taksim Square Protests, Juin 2013. URL: http://themonkeycage.org/2013/06/a-breakout-role-for-twitter-extensive-use-of-social-media-in-the-absence-of-traditional-media-by-turks-in-turkish-in-taksim-square-protests/ [Consulté le 4 Décembre 2016] 108 NAZ O, «La Résistance de Gezi… 2 ans déjà!», in Kedistan, 27 mai 2015. URL: http://www.kedistan.net/2015/05/27/la-resistance-de-gezi-2-ans-deja/ [Consulté le 4 Décembre 2016] 109 WALTE R «Istanbul : des Erasmus racontent l’enfer», in Cafebabel, 06 juin 2013 URL: http://www.cafebabel.fr/politique/article/istanbul-des-erasmus-racontent-lenfer.html [Consulté le 4 Décembre 2016] 110 SERRELL M, DONADINI A, «# OCCUPY GEZI! Où comment les Turcs se sont emparés de Twitter pour propulser leur révolte»,in Radio Nova, 3/06/2013. URL: http://www.novaplanet.com/novamag/16827/occupy-gezi?page=77&quicktabs_article_fleuve_bottom=1 [Consulté le 4 Décembre 2016] 111 ONCHISTE, « La Turquie en révolution ? », 05 juin 2013. URL: http://www.free-community.in/news/lire-1125-1-la-turquie-en-revolution.html [Consulté le 4 Décembre 2016] 66 Sans les réseaux sociaux, rien de tout ça ne serait arrivée.113 112 MANENTI B, «Qui sont les Anonymous», in Le Nouvel Observateur, le 09 Août 2011. URL: http://o.nouvelobs.com/high-tech/hacker-ouvert/20110809.OBS8315/qui-sont-les-anonymous.html [Consulté en Décembre 2016] 113 STOYAN N, Turquie: «Sans les réseaux sociaux, rien de tout ça ne serait arrivé», in Slate, le 09 juin 2013. URL: http://www.slate.fr/monde/73655/turquie-wiki-reseaux-sociaux-liberte-eksi-soezluek-sedat-kapanoglu [Consulté en Décembre 2016] 67 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » affiliations de la personne. L’humour est fréquemment utilisé dans les événements sociaux en raison de la richesse qu’il pourrait apporter.114 L’humour a toujours été utilisé dans des événements sociaux en Turquie, mais visiblement pas d’une manière aussi excessive que dans les manifestations du parc Gezi115. Cet humour au parc Gezi, reflète principalement le fait que le mouvement Gezi s’est transformé en une interprétation ironique des événements qui se passent sur le lieu, à travers les réseaux sociaux. Au début, les médias ne couvraient pas les manifestation, mais par la suite cet aspect humoristique est devenu très influent et a dévoilé réellement ce qui se passait sur place. L’humour est donc devenu un langage important de protestation dans les manifestations du Parc Gezi. On retrouvait ce ton humoristique surtout dans les slogans graffitis et pancartes: «Yeter artŞk ya polis ÇagŞrŞcam» (Assez déjà, je vais appeler la police), «Polis naber cnm?» (Hey cher policier, que se passe-t-il?), «Bu gaz bi harika dostum!» (Ce gaz est merveilleux mon ami!), «Gaz bagŞmlŞlŞk yaptŞ» (Ce gaz est addictif), «GazŞm geldi gazŞm nerde?» (J’ai soif, où est mon gaz?), «Geleneksel gaz festivaline hos geldiniz» (Bienvenue à la Fête du Gaz Traditionnel)... La satire politique était donc la réponse à la brutalité policière. Comme l’a souligné Marty Branagan116, l’activisme humoristique crée une atmosphère de festival. Malgré tout, nous chantons dans la Terre .118 Cette atmosphère a joué un rôle important: des bibliothèques, des spectacles de danse, des concerts de musique,des conférences impliquant des poètes, des écrivains et des artistes, des ateliers, des workshops, des expositions ont attiré de nombreuses personnes qui voulaient faire partie de cette atmosphère. Il faut mentionner que se sont de jeunes architectes qui étaient derrière l’idée de cette ambiance de festival et qui étaient aussi les représentants de la jeune génération qui communiquait par les réseaux sociaux. Cette génération baptisée Génération Y.117 L’utilisation des réseaux sociaux se faisait une manière individuelle, afin que chaque individu exprime librement et publiquement ce qu’il pense du mouvement. Les appels aux manifestations concernait tout individu souhaitant y participer, c’est pour cette raison que, le mouvement Gezi n’avait aucune appartenance sociale ou politique. Les appels avait pour but la publicité du mouvement. On pourrait qu’en Turquie, la laïcité encourage l’expression de la sphère privée, et la forte utilisation des réseaux sociaux nous pousse à supposer que ces supports permettent d’offrir un médium 114 HART M, Humour and Social Protest: An Introduction, International Review of Social History, Cambridge university press, Mai 2008. 115 AYBIKE PELENK Ö, «Gezi Park Protests in the Context of Activism/Online Activism and «Disproportionate» use of Humor», Athens Institute for Education and Research, 2014. URL: http://www.atiner.gr/papers/MED2014-1263.pdf [Consulté le 9 Décembre 2016] 116 BRANAGAN M, «The last laugh: humour in community activism», in Community Development journal, 2007. Symbole de la privation d’un espace vert.119 118 STEINHOFF F. 119 STEINHOFF F. 117 AYBIKE PELENK Ö, art.cit. 68 69 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » d’expression efficace de sa propre sphère privée à la sphère publique. Erdogan impose le blocage des réseaux sociaux, tout en les utilisant, pour valoriser sa politique120. Ce système de communication devenus la peur du gouvernement. Les autorités ont essayé de stopper les rassemblements, en arrêtant des twitteurs, mais les appels étaient déjà lancés, et les protestataires descendaient dans les rues. Erdogan commence par critiquer cet outil le 2 juin 2013, en disant: « La menace, aujourd’hui, s’appelle Twitter. C’est là que se répandent les plus gros mensonges. Les réseaux sociaux sont la pire menace pour la société.» Dorothée Schmid analyse ses actions dans Le Monde et explique que, grâce à ces outils, les opposants au régime contournent la censure médiatique pour s’informer et s’organiser: « Avant, pour eux, les réseaux sociaux étaient de l’ordre de la distraction. Ils ne s’étaient pas rendu compte que ça pouvait être un outil politique, notamment pour l’opposition. Jusqu’ici, le gouvernement avait réussi à l’empêcher de créer une alternative politique crédible. Au moment de [l’occupation du parc] Gezi, ils ont vu que des gens semblaient pouvoir organiser une alternative.» Les rassemblements sur les espaces physiques Si la sphère individuelle se constituait par les réseaux sociaux, le mouvement visible s’est formée par l’occupation d’espaces physiques. La place Taksim, le parc Gezi et les rues environnantes ont été le théâtre de la critique des protestataires. La place Taksim détournée en salon .123 On peut exprimer son opinion personnelle, dans sa sphère privée à travers les réseaux sociaux, mais c’est tout de même lorsqu’on se rassemble sur les espaces publics que cette opinion prend tout son sens par sa visibilité à la société. Avec le mouvement Gezi, plusieurs autres médias d’expression ont été expérimentés121, en investissant l’espace public sonore. Une forme traditionnelle de contestation, en frappant sur des casseroles chez soi. Ainsi, on expose son intimité depuis les balcons et les fenêtres jusqu’à le faire entendre depuis la rue. Une nouvelle figure de protestation est apparue, celle de l’homme debout. Une posture simple, totalement muet, mais présent et visible sur l’espace publique physique, ce qui étend la sphère de 53 l’espace public critique.122 120 TUAL M, «Turquie : l’ambivalence de Recep Tayyip Erdogan face à la « menace » Twitter», in Le Monde, 07 avril 2015. URL: http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/04/07/l-ambivalence-de-recep-tayyip-Erdogan-face-a-la-menace-twitter_4610998_4408996.html [Consulté le 9 Décembre 2016] 121 «Mouvement de protestation du parc Gezi. Le droit de réunion pacifique violemment bafoué en Turquie», Extraits, in Amnesty International USA, Décembre 2013. URL: https://www.amnesty.be/IMG/pdf/eur44_022_2013_intro.pdf [Consulté le 9 Décembre 2016] 122 DURAN R, «En Turquie, l’homme debout inflexible face au pouvoir», in Libération, 20 juin 2013 URL: http://www.liberation.fr/planete/2013/06/20/en-turquie-l-homme-debout-inflexible-face-au-pouvoir_912594 [Consulté le 9 Décembre 2016] 70 Panneau réalisé par le reste du chantier.124 123 STEINHOFF F. 124 STEINHOFF F. 71 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » « À l’heure actuelle, le parc Gezi, la place Taksim, une grande partie de la rue Istiklal et Gümüssuyu font énormément rappeler la Commune de Paris de 1871. On ne peut pas parler d’une commune proprement dite mais ce qui est en train de se construire donne cette impression. Dans cette zone, il n’y a pas d’État ni de police. En l’absence d’un ordre étatique, il existe une ambiance anarchisante mais ne croyez pas que ceci amène l’insécurité. Croyez-le ou non, on sent la liberté dans l’air. Il y a des gens qui circulent de temps à autre pour distribuer gratuitement à manger. Des médecins et infirmières volontaires soignent des manifestants blessés. Une solidarité incroyable et une culture de travail collectif se sont installées. Les gens font tous des sacrifices pour leur camarade de révolte »126 En Turquie, la critique du gouvernement n’est pas apparue en Mai 2013, mais c’était l’occasion de la rendre visible. Ce que les manifestations apportent, c’est cette possession des espaces publiques physiques. La contestation est née de la volonté de protéger un parc et une place qui allaient être remplacés par un complexe culturel et religieux. Des espaces publics qui représentent chaque individu souhaitant s’exprimer librement dans un État laïque. La protestation est née donc de la protection et l’espace public et des espaces publics. 2.3. Rapport avec d’autres événements marquants Il nous semble utile de mettre en rapport les événements du parc Gezi, avec d’autres événements: La Commune de Paris Selon une bibliographie de la médiathèque de Tilleul125: « La Commune est un épisode révolutionnaire qui agite l’histoire de Paris durant près de deux mois. Elle tire ses origines d’un contexte social très dur pour les classes populaires, qui n’ont plus confiance en une Troisième République jugée « bourgeoise», et qui se sont lassés de voir leur revendications ignorées par le pouvoir. C’est la capitulation française de 1870 qui déclenche les événements : Elle est très mal vécue par les habitants de Paris qui ont résisté à l’envahisseur durant le siège de Paris dans des conditions de famine particulièrement épouvantables. Le 18 mars 1871, alors que le gouvernement d’Adolphe Thiers décide de s’emparer des canons de la Garde nationale qui défendent la ville, les parisien se sentent menacés et dépossédés. Ils fomentent une insurrection contre le gouvernement, dressent des barricades et s’autoproclament Commune en référence au nom du gouvernement révolutionnaire de Paris établi après la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. La Commune administre Paris jusqu’au 20 mai, et prend de nombreuses mesures sociales, notamment en faveur de la démocratie, du droit des femmes et de la liberté de la presse...Elle prend fin avec l’offensive lancée par le gouvernement réfugié à Versailles. L’insurrection est brutalement réprimée pendant ce qui devient la «Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871. Depuis, la Commune a fait couler beaucoup d’encre. Cet épisode à la fois politique et historique a alimenté critiques, polémiques ou instrumentalisations de toutes sortes. En raison notamment des 125 LA MÉDIATHÈQUE DU TILLEUL, Bibliographie sélective, «Le Cri du peuple : La commune de Paris»,2012 URL: http://mediathequegerardmer.hautetfort.com/media/01/02/1770281881.pdf [Consulté le 17 Décembre 2016] 72 Ne touchez pas à mon théâtre - Ne touchez pas à mon art .127 126 LELANDAIS GE, in: (Propos de Burak Cop, un des participants à la résistance de Gezi) URL: http://t24.com.tr/yazarlar/bilinmeyen/taksim-komunu,6822 127 STEINHOFF F. 73 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » thèmes toujours actuels que l’histoire de la Commune porte en elle (comme l’égalité, les problèmes sociaux, le droit des femmes, etc.) De plus la brutalité et l’injustice de la répression permet de transformer les communards en héros ou en martyrs...» Henri Lefebvre, a consacré une partie de ses études à l’histoire de la Commune. Dans le droit à la ville (1968)128, il suppose que l’un des déclencheurs de la Commune de Paris est l’espace urbain. Quand l’espace urbain est modelé selon la volonté de l’État, il devient donc à l’image de la cause du décideur. Pour Henri Lefebvre, la production d’un espace politique n’arrive pas sans conflit129. La Commune de Paris arrive juste après la fin des grands travaux de Haussmann à Paris. La ville se transforme, et a une nouvelle forme urbaine. Cette nouvelle forme, sert le capitalisme, la classe bourgeoise et la nouvelle société de consommation, en même temps, elle permet de garantir une défense contre les insurrections et leurs barricades, ce qui démontre le pouvoir que pourrait avoir une rue130. Sous prétexte d’hygiénisation, la ville n’est plus faite pour servir les citoyens. Selon Henri Lefebvre, le soulèvement de 1871 est la résultante de la confiscation de la ville à l’hausmannisation. Ainsi, l’espace urbain devient une lutte sociétale. Dans le cas des manifestations du parc Gezi, la contestation est au nom de la défense de l’intérêt public contre les projet démesurés du gouvernement d’Erdogan, qui intègrent une volonté d’internationalisation. Ces projets peuvent entraîner un cloisonnement de la sphère populaire. Bibliothèque du mouvement Gezi .133 On pourrait donc, assimiler le mouvement Gezi à une révolte pour le droit à la ville, surtout quand on commence à ressentir que le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour empêcher tout rassemblement lié à l’espace urbain131. Les contestations ont débuté à cause d’un parc et sa préservation est devenue le symbole d’un pouvoir fort et de plus en plus contre l’autorité. Lorsque la police a repris le parc Gezi, d’autres espaces ont été utilisés comme forum de discussions, à la manière des cités grecques. Des cercles de pensées qui se forment, et rassemblent des personnes souhaitant exprimer leurs opinions. Les parcs sont devenus un symbole de l’expression de la critique populaire132. Ils pourraient être défini aussi comme un nouveau dispositif de l’espace Habermassien. 128 DURAND C, « Henri Lefebvre, Le droit à la ville, Paris, Éditions Anthropos, 1968 [compte rendu]», in L’Homme et la société, Volume 8, Numéro 1, 1968. URL: http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1968_num_8_1_3129 [Consulté le 17 Décembre 2016] 129 DE SOUZA MARTINS J, « Henri Lefebvre et “le retour à la dialectique», HUCITEC, 1996. URL: http://www.jy-martin.fr/spip.php?article64 [Consulté le 17 Décembre 2016] 130 «Le pouvoir de la rue au XIXe siècle», Conférence au petit palais, 03 Ocobre 2008. URL: http://www.commune-rougerie.fr/le-pouvoir-de-la-rue-au-xi,fr,8,61.cfm [Consulté le 17 Décembre 2016] Pharmacie du mouvement Gezi .134 131 KIZILBOGA F, CELLARD M, «En Turquie, que reste-il de la révolte de Gezi?», in France 24, 27 Mai 2016. URL: https://www.youtube.com/watch?v=ipcrLmSu2xg [Consulté le 01 Octobre 2016] 132 EKMEKCIOGLU C, «Istanbul, ou la nouvelle Athènes», 09 Août 2013. URL: http://www.cafebabel.fr/societe/article/istanbul-ou-la-nouvelle-athenes.html [Consulté le 19 Décembre 2016] 74 133 STEINHOFF F. 134 STEINHOFF F. 75 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » Le Printemps Arabe L’étude des révoltes du printemps arabe offre une occasion de comprendre le rapport entre la foule révoltée et la place publique que Can Onaner135 a évoqué dans son article et que nous avons cité dans notre introduction. A la suite d’une recherche rapide sur le printemps Arabe, ce qui ressort est l’importance de l’espace vide comme milieu de parole et de débat, ainsi la place prend une symbolique importante. Dans ces révoltes du printemps Arabe, la place publique au singulier semble prendre une plus grande importance, à côté de celle de la place virtuelle portée par Facebook, Twitter. La sphère publique qui a commencé sur la toile, a finit par descendre dans la rue et se regrouper sur une place publique pour faire valoir la force de la révolte au sein de la ville; «Les réseaux sociaux en appellent à un territoire qui est celui de la place vide, un espace de manifestation qui symbolise l’espace commun par excellence, un «milieu».136 Le sociologue Jacques Bouchard analyse la puissance de la foule, et comment elle investit l’espace public: «Contre l’impuissance et l’injustice, l’intégration de la mort au quotidien par une multitude qui décide de s’exposer en affrontant la police et qui tire de ses morts le regain de son engagement va entraîner l’envahissement des rues et des places jusqu’à atteindre l’espace public central, celui de la place des Martyrs comme celui de l’avenue Bourguiba ou de la place Tahrir. A partir de ce moment, la révolution est engagée et devient irréversible. Le caractère éphémère de la foule s’efface devant ses capacités de retour dans les lieux centraux : là où le pouvoir est alors radicalement contesté dans sa puissance. Cependant et malgré la multiplication des sacrifices, le mouvement des foules peut ne jamais atteindre le centre et se trouver livré à des massacres « périphériques » qui en se répétant maintiennent un affrontement radical avec le pouvoir. Mais une fois que la puissance de la foule centrale s’est imposée, son effacement n’est pas simple.»137 Can Onaner138 cite l’article139 du chroniqueur Kamel Daoud qui analyse le symbole de la place Tahrir au Caire. La place Tahrir «place de la libération» en arabe, a un contenu révolutionnaire avant les révoltes de 2011. Avec les manifestations, cette place va devenir la première partie libre de la dictature, et donnera un symbole de sacralité à l’espace public. Ce symbole va se reproduire partout dans le Peuple de la révolution d’espoir: Place Tahrir .141 monde arabe: «En Algérie par exemple, des grévistes de la faim ont donné le nom de «place Tahrir» à leur forum ...Au Yémen, la révolte menée contre Ali Abdellah Salah débutera donc par un baptême de l’espace, puisque la place publique près de l’université de Sanaa empruntera le nom de place Tahrir, puis place Ettagh’yir (le changement)...140» 135 ONANER C, art.cit. 136 MONGIN O, «Métamorphose de l’espace public», in Esprit. Reconquérir l’espace public, Paris, Novembre 2012. 137 BEAUCHARD J, «Révoltes et révolutions arabes: contagion et transition», le 21 septembre 2011. URL: https://jacquesbeauchard.wordpress.com/2011/09/21/revoltes-et-revolutions-arabes-contagion-et-transition/ [Consulté le 20 Décembre 2016] 138 ONANER C, art.cit. 139 DAOUD K, «Les révolutionnaires arabes sont dans la place. Dans le monde arabe, le nouveau mouvement révolutionnaire se décline en calendrier de «jours de colère» et en places publiques sacralisées.», le 14 Avril 2011. URL: http://www.slateafrique.com/1353/nouveaux-revolutionnaires-arabes-dans-la-place [Consulté le 20 Décembre 2016] 76 140 ibid 141 GRESH A, «Place Tahrir, quatre mois après» in Maghreb et Moyen Orient, le 15 juin 2011. URL: http://calame-incisif.over-blog.com/article-place-tahrir-quatre-mois-apres-76838836.html [Consulté en Décembre 2016] 77 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » A travers cette analyse, Can Onaner142 met en lien la révolte et la place qui semblent être liés à «une opération de répétition symbolique. La révolte populaire et le mouvement de la foule semblent être guidés par une pulsion inhérente et irrationnelle qui trouve ses repères dans les signes offerts par la ville, ses espaces vides et son architecture.» L’espace vide est alors fondamental pour la fondation du débat politique, c’est une des conditions pour que la sphère publique puisse exister. Dans ce contexte, Jacques Beauchard143 explique que: «Dans chacune des sociétés arabes en révolte, l’objectif central est aujourd’hui l’établissement d’un espace public comme bien commun, d’où la valeur symbolique des places du centre-ville, là où la parole de l’agora est contagieuse : geste prémonitoire, après la chute de Moubarak, on vit les manifestants de la place Tahrir se mettre à la nettoyer en sorte à lui rendre toutes ses qualités.» Can Onaner rajoute que: «Ce qui importe est alors l’espace et sa dimension mythique-symbolique davantage que le projet politique lui-même.»144 Il est vrai que le printemps arabe a commencé en Tunisie, à travers la Révolution du jasmin qui a changé le monde arabe, mais cette appellation n’a pas remis à la mode le symbole des révolutions de l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale: «Révolution des Roses en Géorgie, Orange en Ukraine, des Tulipes au Kirghizistan». Par la suite, le mouvement dans le monde arabe se décline en calendrier de révolte, en nommant chaque jour de révolte avec une sémantique spécifique. « les révolutionnaires égyptiens ont inventé une dénomination proche des «jours de Dieu» (les jours de combat) dans le lexique guerrier musulman, et qui évoquent les temps mythiques de la traversée des flots et de la fuite devant Pharaon. Il faut être arabe pour ressentir toute l’emphase et la charge émotionnelle de ces trouvailles qui rappellent l’époque des grandes poésies fondatrices pré-Islamiques. A l’anonyme Mouvement du 25 février répondra le vendredi de la colère, el Ghadab. Suivront, un peu partout dans le monde arabe révolté, d’autres journées aux noms aussi tonitruants que poétiques. Le vendredi du départ, Errahil; le vendredi d’Ennihaya, (la fin) en Libye; celui d’Ettahaddi (le défi); le jour du rassemblement, Attadjamou’, et, enfin, le vendredi d’El wadaa, (l’adieu) et celui d’Enassr (la victoire).»145 Ce qui a marqué le printemps arabe est donc cette répétition de symboles liés aux noms des places L’espace vide comme lieu du débat politique: place Tahrir .146 et aux noms des dates des révoltes. La similitude entre le printemps arabe et le mouvement Gezi est cette mobilisation par les réseaux sociaux qui a permit de faire descendre une foule d’individus dans les rues et s’approprient la place comme lieu de protestation et d’immobilisation. Les deux modèles ont démontré une colère de la population envers un régime autoritaire. Cependant, «les structures politiques sont différentes. La Turquie a un système parlementaire avec des élections 142 ONANER , art.cit. 143 BEAUCHARD Jacques, art.cit. 144 ONANER Can, art.cit. 145 DAOUD K, art.cit. 78 146 BLÉTRY N, «Les disparitions forcées en Egypte, «c’est pire que sous Moubarak»», in Mediapart, le 25 janvier 2016. URL: https://www.mediapart.fr/journal/international/250116/les-disparitions-forcees-en-egypte-c-est-pire-que-sous-moubarak?onglet=full [Consulté en Décembre 2016] 79 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » libres depuis 1946. Le printemps arabe, symbolisé par la première occupation de la place Tahrir, visait la dissolution des régimes autoritaires et exprimait une demande de la majorité à être entendue, via des élections démocratiques. Les contestations en Turquie concernent la défense des voix minoritaires mises de côté dans une politique de la démocratie de majorité électorale.»147 Mais peut-on encore parler de démocratie en Turquie? La sphère du printemps arabe est une sphère critique qui, à cause de la dictature a fini par rassembler une foule qui est descendue dans les rues et a occupé les places. En Turquie, cette sphère critique n’existait pas, c’est un groupe réduit qui s’est réuni pour manifester contre la destruction du parc Gezi. Ce groupe s’est fait violemment chasser par la police, puis les réseaux sociaux ont mobilisés la foule et communiqué la révolte. C’est au moment où la place a accueilli la foule que des groupes de réflexions se sont créés. Ce sont des espaces publiques de sociabilité148 qui ont rassemblé ces individus, impliqués dans la lutte. Ces sphères publiques bouleversent le carcan de la sociabilité communautaire comme la définit F.Tönnies149. Cette lutte privilégie la dimension collective dans des espaces libres et communs. Ce rapport entre individualité et collectivité montre à quel point les manifestations interrogent sur le lien entre espaces publics de sociabilité ou d’individualité et espace public de citoyenneté ou de sphère d’expression collective. Nuit Debout Le projet de loi de travail El-Khomri a constitué un élément déclencheur du mouvement nuit debout. Cependant, ce mouvement s’est construit autour de différentes revendications. Déclenchée de base pour protester contre la loi du travail, il a pris une autre dimension et dénonçait de manière générale, les inégalités de plus en plus importantes, État d’urgence encore prolongé en France, et pour la lutte contre la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Toutes ces revendications ont un point commun: Promouvoir une nouvelle façon de gouverner selon une conception démocratique et Une assemblée générale du mouvement «Nuit Debout».151 anticapitaliste.150 Pas de leader à la tête du mouvement, très peu d’intellectuels engagés sur le terrain, pas de violence, seulement des discussions et des échanges. Un phénomène urbain qui nous rappelle la définition de 147 GÖLE N, «Démocratie de la place publique : l’anatomie du mouvement Gezi», in L. Atlani-Duault et S. Dufoix, Socio. Chercheurs à la barre, Numéro 3, 2014. URL: https://socio.revues.org/727 [Consulté le 20 Octobre 2016] 148 FREY JP, mémoire.cit. 149 TÖNNIES F, op.cit. 150 AKYUREK O, «Nuit Debout, un sursaut démocratique menaçant l’ordre public?», in Aujourd’hui la Turquie, le 15/06/2016 URL: http://aujourdhuilaturquie.com/fr/nuit-debout-un-sursaut-democratique-menacant-lordre-public/ [Consulté le 23 Décembre 2016] 80 151 « Le mouvement Nuit Debout perd en popularité, selon un sondage », in France info, le 9 mai 2016. URL: http://www.francetvinfo.fr/societe/nuit-debout/nuit-debout-les-francais-ne-croient-pas-en-son-avenir-selon-un-sondage_1451613.html [Consulté en Décembre 2016] 81 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » l’espace public.152 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » Après avoir déclaré l’État d’urgence, le gouvernement français a adressé aux préfets une circulaire leur demandant d’interdire «à titre général ou particulier, toute réunion ou manifestation de nature Selon B.Grégoire153, «L’occupation de l’espace public par les acteurs de Nuit debout est à la fois à provoquer ou à entretenir le désordre». Pourtant, Nuit Debout est un mouvement citoyen, qui symbolique et pragmatique, immatérielle et désintéressée, naïve et forte.» défend la liberté d’expression pour véhiculer des aspirations nouvelles. Ce mouvement n’est-il pas la représentation d’une véritable démocratie rêvée en France?158 Elle est symbolique, car la place de la République représente un symbole de résistance depuis les événements terroristes survenus à Paris en 2015. Avec des citoyens réunis sur place et prêt à Les similarités entre les événements en France et ceux de la Turquie et des pays arabes, à savoir la défendre et à protéger la République. dialectique entre la mobilisation par les réseaux sociaux et l’appropriation des espaces publics. Dans Elle est pragmatique, car les citoyens utilisent les outils les plus pratiques pour s’exprimer, les réseaux le but d’être dans un lieu où tous les citoyens peuvent se rassembler, et former une opinion publique, sociaux sont un des premiers outils utilisés. afin de partager des ressentis,des émotions, des difficultés, des points de vues et d’en dérouler un Elle est immatérielle, car le but principal est de défendre la cause citoyenne et la liberté d’expression. constat par rapport à une situation particulière, qui concerne l’intérêt général. Un espace intermédiaire Elle est naïve, car elle souhaite rappeler la définition de l’espace public, ce lieu d’expression citoyenne entre la société civile et l’État, tell qu’Habermas159le définit. par essence, d’échanges et de débats, que nous avions seulement oublié. Elle est forte, car c’est un retour aux origines de la démocratie. La maire de Paris, Anne Hidalgo Retournement de situation a reproché à Nuit Debout de «privatiser» l’espace public154, mais dès lors que le mouvement ne constitue une barrière entre l’espace qu’il occupe et la parole de l’individu, l’évocation du terme Cette partie est une tentative de définir l’espace public à travers les manifestions qui ont eu lieu en «privatiser» n’a pas lieu d’être, elle rajoute à cela, la nécessité de sécuriser ces espaces pour leur mai-juin 2013 en Turquie. Aujourd’hui, le mouvement Gezi possède des prolongements, qui rendent donner un caractère public155.Thierry Paquot156, évoque dans son ouvrage que, toute cette «révolution encore complexe la définition de l’espace public. En effet, les événements qui ont eu lieu continuent communicationnelle, la mutation des supports médiatiques (appartenant à une poignée d’entreprises)» de résonner dans l’actualité turque et ont pris une nouvelle tournure. et surtout «le déploiement de la vidéosurveillance, (...)» qui «effacent les espaces publics, entravant ainsi l’émergence d’expériences alternatives». Il ne s’agit pas d’être contre les mesures de sécurité, La justice a finit par annuler le projet de la caserne ottomane, car il ne respectait pas les règles mais surtout de comprendre que, ce ne sont pas ces mesures qui créent l’espace public. d’urbanisme. Depuis, Taksim est devenue une place forte, contrôlée en permanence par les autorités, et tout rassemblement est interdit dans cette place160. De plus, «Des modifications ont été appliqués Lors des manifestations de Nuit debout, des mesures intermédiaires ont été prises. Par exemple, le à l’arrêté sur les rassemblements publics et les manifestations en Turquie. Des changements qui 2 mai dernier, la préfecture de police a restreint les heures d’occupation de la place de la République, restreignent considérablement le droit de manifester.»161 interdisant le rassemblement au-delà de 22 heures, contre minuit auparavant, ainsi que l’introduction ou le transport d’alcool sur les lieux du rassemblement.157 Comme nous l’avons déjà évoqué, Erdogan a toujours contrôlé et censuré ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Il bloque l’accès quand il le souhaite, mais dans la nuit de la tentative de putsch du 15 juillet, alors que les putschistes avaient investi la chaîne de télévision publique et que l’accès aux réseaux sociaux était restreint, Erdogan n’a trouvé qu’un seul moyen pour délivrer son message au 152 BRUZULIER G, «L’espace public: fondement de la démocratie», in Site Cité. Atelier d’écriture pour les jeunes architectes, le 29/04/2016 URL: https://siteetcite.com/2016/04/29/lespace-public-fondement-de-la-democratie/ [Consulté le 23 Décembre 2016] peuple et surtout, à ses partisans. Il apparaît à la télévision (CNN Türk) sur un écran de smartphone et s’exprime via Facetime162. Il invite ses partisans à descendre dans les rues pour résister à la tentative 153 ibid 154 CASSELY J.L, «Anne Hidalgo reproche à Nuit Debout de «privatiser» l’espace public (et elle en connaît un rayon sur le sujet)», in Slate, le 06/04/2016 URL: http://www.slate.fr/story/116409/nuit-debout-privatisation-espace-public-mairie-paris [Consulté le 23 Décembre 2016] 158 ibid 159 HABERMAS J, op.cit. 160 LELANDAIS GE, art.cit. 155 SPORTOUCH Y, «Anne Hidalgo se trompe: Nuit Debout, ou la naissance d’un espace public»,publié le 08/04/2016. URL: http://www.huffingtonpost.fr/yoann-sportouch/anne-hidalgo-se-trompe-nuit-debout-ou-la-naissance-dun-espace/ [Consulté le 23 Décembre 2016] 161 BOZKURT Z, VILLALON C, «Restriction du droit au rassemblement en Turquie», in Aujourd’hui la Turquie, le 31 Août 2015. URL: http://aujourdhuilaturquie.com/fr/restriction-du-droit-au-rassemblement-en-turquie/ [Consulté le 26 Décembre 2016] 156 PAQUOT T, op.cit. 162 KRISTANADJAJA G, KEFI R, «Turquie : les réseaux sociaux, le Président Erdogan et Facetime», in Libération, le 16 juillet 2016. 157 AKYUREK O,art.cit. 82 83 L’espace public: Mise en scène et occupation « Entre religion et politique » du coup d’État. Ainsi, il se sert des réseaux sociaux comme une nouvelle forme d’expression, et ses partisans ont investis la place Taksim en masse, pour afficher leurs soutien à Erdogan, le lendemain du putsch raté163. Huit jours après cette tentative de putsch, la place Taksim a rassemblé les partisans et l’opposition (CHP) qui défendent la démocratie.164 Cette période de crise en Turquie, permet néanmoins d’apporter des éléments de réponse à la question sur les liens entre l’espace public et les espaces publics. Une nouvelle forme d’expression Comme on a pu l’analyser plus haut, D’après le travail de Dogan Kuban165, il n’existe pas un véritable espace public en Turquie. Au cours du XXe siècle, avec la venue de la République, les cafés et les théâtres se développent et permettent l’expression de groupes politiques. Et si aujourd’hui, le gouvernement restreint le droit au rassemblements, pour garder le pouvoir et contrôler la société. Les différentes sphères doivent impérativement créer leur espace publique critique pour continuer cette lutte. On peut observer aussi que l’espace public en Turquie n’est pas individualiste. Avec la mobilisation des sphères ethniques, religieuses et culturelles,la sphère critique s’est élargie. Des opposants et des différentes communautés se sont rassemblées lors des manifestations. Les cafés les salons, et les journaux n’étaient pas les moyens de publicité dans le cas du mouvements Gezi, on peut donc définir de nouveaux dispositifs. Les réseaux sociaux qui ont un rôle primordiale dans la communication. A travers l’accès direct et individuel à l’information, en plus de la possibilité de s’exprimer librement sur une plate forme générale. De nombreux espaces ont été mis en place, comme les scènes de concert, les bibliothèques, des endroits de partage de nourriture et de médicaments. La création de ces espaces libres d’accès, d’usage et de pensée est un dispositif d’expression publique. Les murs de la ville ont aussi servis comme support de graffitis. Une forme de publication individuelle aussi à l’image des publications des murs Facebook et Twitter. Ces dispositifs nous aident à comprendre le lien entre réseaux sociaux et les espaces urbains collectifs de la ville. Les partisans d’Erdogan célèbrent leur président à la place Taksim.166 Pendant les manifestations, les actes ne sont pas restés dans la sphère critique ou dans l’espace URL:http://www.liberation.fr/planete/2016/07/16/turquie-les-reseaux-sociaux-le-president-Erdogan-et-facetime_1466594 [Consulté le 26 Décembre 2016] 163 DESCOURS G, «Turquie: les partisans d’Erdogan célèbrent l’échec du putsch», in Le Figaro, le 15 juillet 2016. URL:http://www.lefigaro.fr/international/2016/07/15/01003-20160715LIVWWW00312-en-direct-turquie-coup-detat-armee.php [Consulté le 26 Décembre 2016] 164 SEMO M, «A Istanbul, la gauche a repris la place Taksim pour dénoncer « diktat et dictature »», in Le Monde, le 24 juillet 2016. URL: http://www.lemonde.fr/international/article/2016/07/24/a-istanbul-la-gauche-a-repris-la-place-taksim-pour-denoncer-diktat-et-dictature_4974100_3210.html [Consulté le 26 Juillet 2016] 165 KUBAN D, op.cit, 1993-1995. 84 166 « des milliers de partisans d’Erdogan célèbrent leur président place Taksim, à Istanbul», in France 24, le 19 juillet 2016. URL: http://www.france24.com/fr/20160720-video-reportage-turquie-partisans-erdogan-celebrent-president-place-taksim-istanbul [Consulté le en Juillet 2016] 85 virtuel, mais se sont concrétisés dans l’urbain visible de tous. Immobilisation, occupation, actes sonores ont été présent dans l’espace publique physique. L’analyse du mouvement Gezi nous permet d’observer l’évolution de la publicité de l’espace public aujourd’hui. En effet la publicité de l’espace public n’est pas récente et l’espace virtuel apporte une nouvelle forme d’expression. Il faut noter particulièrement, l’importance de l’introduction de la sphère individuelle dans l’expression de la sphère publique. Chaque individu, pourrait à travers; un graffiti, une publication facebook ou une expression sonore; participer à l’expression de l’espace public. Alors que la publicité prenait des formes d’expression collective (syndicat, parti, groupe,...), cette dernière un ensemble d’individualités communicantes. Le lien fort entre: l’espace public et les espaces publics Malgré le rôle majeur des réseaux sociaux, les lieu physiques restent des espaces très importants durant les manifestations. Cette analyse nous aide à comprendre le lien entre l’espace public et les espaces publics. En effet, les réseaux sociaux ont un rôle majeur à mobiliser la foule et communiquent la révolte de Nous ne voulons pas la révolution homophobe.168 manière à créer un symbole fort qui se répand dans tout le pays. Meydan un terme turc, qui désigne un espace de plaisance, libre d’accès167. La traduction de ces espaces avec l’arrivée de la Turquie moderne sera les places, qui ont le rôle d’être libres, afin de s’exprimer dans un lieu ouvert à tous les individus. Il n’y a pas que les places qui jouent ce rôle d’être libre, les escaliers et les murs,sont devenus aussi des espaces d’expression artistiques, grâce aux graffitis et aux ouvres d’art qui investissent les rues. Ces espaces sont le symbole d’une singularité d’un lie, où l’on peut se regrouper et parler librement ou de s’y exprimer en intervenant avec des couleurs. Le symbole est par définition un rayonnement de ce qui n’est pas remarquable à travers un lieu ou une forme. Ici, L’escalier, le mur, la couleur deviennent des moyens d’expression de la colère contre une politique. Ces symboles peuvent être aperçus comme un moyen de redonner vie à l’espace public et suscitent la formation d’un jugement et la création d’une perception collective. Les symboles du mouvement Gezi ont exprimé un refus de privatisation de l’espace public. Rappelons que les manifestations sont liées aux projets d’urbanisation d’Istanbul. C’est la privatisation de l’espace public par le gouvernement qui rend les espaces publics symboliques Escaliers de Cihangir.169 et signifiants pour l’espace public. Leur suppression met en évidence le lien fort entre espace public et espaces publics. 167 BILSEL C, «L’espace public existait-il dans la ville ottomane ? Des espaces libres au domaine public à Istanbul (XVIIe-XIXe siècles)» in Etudes Balkaniques, Numéro 14, 2007. URL: https://etudesbalkaniques.revues.org/233 [Consulté le 24 Octobre 2016] 86 168 STEINHOFF F. 169 STEINHOFF F. 87 Partie III « Cette relecture de l’histoire ottomano-turque dont les sous-entendus politiques sont à peine voilés, survient au moment même où l’Empire connaît un regain d’intérêt et de sympathie populaires, qui se manifeste de multiples façons. [...] Cette Ottomanomania véhicule aussi un nationalisme certain et souvent revendiqué. Au moment où la Turquie, s’appuyant sur une croissance économique solide et un activisme diplomatique remarqué, devient une puissance régionale aux ambitions internationales déclarées, les réalisations précédemment citées s’emploient à réconcilier les valeurs incontournables de la République avec celles de l’Empire multiséculaire qui l’a précédée »170 170 MARCOU J, « Le néo-ottomanisme, clef de lecture de la Turquie contemporaine ? », in Les clés du Moyen-Orient, 2012 URL: http://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-neo-ottomanisme-clef-de-lecture.html [Consulté en Septembre 2015] 88 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques 3.1. Véhiculer une image gratifiante de la ville dans la ville»175. Antoine Fleury définit plusieurs typologies, d’espaces publics à Istanbul. Depuis les années 1980, la mairie métropolitaine cherche à produire de nouveaux espaces publics Comme nous l’avions évoqué dans la première partie, les projets urbains à Istanbul ont pour objectif qui répondent à une politique de marketing urbain. Dans un contexte de concurrence internationale de donner une image moderne à la ville. On retrouve cette image à différentes échelles: la ville et dans le but de promouvoir une image glorifiante de la ville. Les rues de Sultanahmet qui ont été 171 souhaite s’inscrire dans la scène mondiale et devenir une «ville internationale» , elle doit également requalifiées, la revalorisation de la rue Istiklal Caddesi, transformée en rue piétonne, ou même le Parc de s’affirmer au sein du territoire turc en tant que capitale économique et culturelle, sans oublier l’échelle Gülhane en sont l’exemple. A côté de ces espaces publics, demeurent ce que Antoine Fleury a appelé intra-métropolitaine, avec la volonté de chaque mairie d’arrondissement de conduire le plus de «Les espaces publics hérités», ceux de la ville historique. Qui représentent un ensemble de centralités projets, proposés par la mairie métropolitaine, afin de bénéficier de retombées économiques172.Nous à l’échelle de la métropole, comme à l’échelle des quartiers. Les quartiers de Fener et Balat en sont sommes devons une ville qui se met en compétition internationale, grâce à des politiques urbaines qui l’exemple. Ces centralités sont bien souvent commerciales et la cause d’une congestion générée 173 s’inscrivent dans une nouvelle phase qualifiée de «capitalisme postfordiste» . La ville est donc, dans par les flux des voitures, des transports en commun et des piétons. S’ajoute à cela, des centres une logique de profit. Et les projets urbains sont considérés comme des produits,qui doivent être à commerciaux qui sont imposés comme des lieux de vie à l’échelle métropolitaine. Ils s’implantent l’image de la métropole. en périphérie et ils ne sont pas accessibles à tous. Les centres commerciaux éloignés du centre et les espaces publics centraux sont délaissés au profit d’espaces «vitrine vis-à-vis de l’extérieur». Ces Par ailleurs, les grandes opérations immobilières, qui au départ étaient concentrées en périphérie, derniers entraînent une nuisance des espaces publics accessibles. En conséquence, des terrains tendent à s’installer dans les centres ville. Le projet de réaménagement du parc Gezi en une caserne vagues et des friches s’investissent par la population, et deviennent des lieux de rassemblement.176 est un exemple concret de projet urbain qui a faillit faire perdre, un des espaces publics les plus forts de la ville au profit du capitalisme. «Toutes ces évolutions débouchent sur une volonté de restructurer A partir des années 1990, les espaces publics d’une nouvelle urbanité émergent. Ces espaces seront la ville en éloignant vers sa périphérie les populations les plus défavorisées et démunies, et notamment diffusés par des acteurs publics et privés. Ce sont des espaces piétonniers, et des espaces verts. les minorités, considérées comme étant des « catégories à risque ». Des frontières apparaissent dans On retrouve les espaces piétonniers dans les quartiers centraux et axes commerciaux fréquentés, la ville, à la fois entre les quartiers et les habitants. Jamais sans doute la ville ne fut autant concernée 174 par des logiques de séparation, à la fois sociales et spatiales.» comme par exemple le cas de BakŞrköy avec Carousel. Quand aux espaces verts, les aménagements commencent sur les rivages de la Corne d’Or, du Bosphore et sur les littoraux de la Mer de Marmara. A partir du milieu des années 1990, les acteurs publics tentent une nouvelle approche. Il ne s’agit La politique urbaine en Turquie implique donc une volonté d’aménager des espaces qui diffusent une plus de véhiculer une image de la métropole à travers des espaces vitrines, mais plutôt de «prendre image valorisante de la ville. en compte l’environnement, tout en se mettant au « service » (hizmet) des habitants». Toutefois, les La place des espaces publics dans l’aménagement d’Istanbul? rapports entre ceux qui pratiquent l’espace public et ceux qui le produisent ne sont pas simples. Cela est du au rôle puissant des acteurs privés. Certains acteurs privés étant déjà en relation avec le pouvoir municipal. Ceux-ci sont appelés à réaliser des prestations autres que celles initiales et dans un «En quelques décennies, Istanbul est devenue une mégapole de plus de dix millions d’habitants, temps très court. Par exemple, les rues du quartier de Taksim qui ont été entièrement réaménagées avec des fonctions métropolitaines qui s’affirment. Parmi les nombreux défis qui se présentent, ce à l’occasion du sommet de l’OTAN, en 2004. Cela peut engendrer une qualité pauvre des espaces changement d’échelle oblige à repenser fondamentalement la forme et le rôle des espaces publics publics. 171 Pérouse JF. 2007, art.cit. 172 PÉROUSE JF, «Gouverner Istanbul Aujourd’hui», in Rives méditerranéennes, Numéro 2, 1999. URL: https://rives.revues.org/152 [Consulté le 27 Décembre 2016] 173 DECROLY JM, DESSOUROUX C et VAN CRIEKINGEN M, « Editorial : Les dynamiques contemporaines de privatisation des espaces urbains dans les villes européennes », in Belgeo, Numéro 1, 2003. URL: http://belgeo.revues.org/15280 [Consulté le 27 Décembre 2016] 175 FLEURY A, «Les espaces publics d’Istanbul entre choix d’acteurs et pratiques citadines», in J. BOISSONADE, S. GUEVET, F. POULAIN, P. BONNIN, Boissonade, Ville visible, ville invisible. La jeune recherche urbaine en Europe, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 155-162. URL: https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00355863/document [Consulté le 27 Décembre 2016] 176 FLEURY A, 2008, art.cit. 174 LELANDAIS G.E, ««Quartiers de contestation... quartiers d’exclusion»: Politiques d’urbanisation et résistances populaires à Istanbul», in Cultures et Conflits, Numéro 76. URL: https://conflits.revues.org/17812?lang=es [Consulté le 27 Décembre 2016] 90 91 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Un présupposé politique? écologie assez spécifique, s’appuyant sur deux postulats: La culture occidentale est la cause des «Le territoire incorporé au processus identitaire d’une collectivité offre au pouvoir politique qui la gouverne l’opportunité d’une mise en scène efficace, d’une affirmation de légitimité. Tout simplement parce que le territoire forme la figure visible et lisible de l’identité sociale. [...] La mise en scène politique et idéologique des territoires (locaux, régionaux, nationaux...) participe donc pleinement à la concrétisation efficace et parlante de l’idée identitaire, y compris dans son acception strictement personnelle et sociale.»182 problèmes environnementaux, et l’Islam est la solution face à cette crise. En plus, dans la pensée Guy Di Méo On peut supposer que la volonté de vouloir valoriser l’image de la ville, ainsi que de répondre aux besoins des habitants, influencent l’aménagement des espaces publics. Comme nous l’avions déjà évoqué, le parti Islamiste est à la tête de la mairie métropolitaine depuis 1994. Selon O. Erdur177, les partis Islamistes ont tendance à réclamer fortement une protection de l’environnement, tout en critiquant l’occident et le mode de vie moderne et séculier. Erdur note qu’une des premières actions des Islamistes après la conquête de la Municipalité Métropolitaine, est de peindre les pavés entourant la mairie. Car la couleur verte est la couleur de l’Islam et la couleur qui symbolise la protection de l’environnement. Ainsi les Islamistes défendent l’écologie. C’est une Islamiste, l’espace public physique doit être le lieu des bons comportements et de la moralité. Ce discours témoigne que les thèmes environnementaux sont une instrumentalisation par le pouvoir Islamiste178. Cette préoccupation flagrante de l’environnement au sein du pouvoir, se traduit dans le territoire stambouliote, à travers l’aménagement de plusieurs lieux en espaces verts à partir des années 1990.179 Les actions du pouvoir Islamiste se multiplient, dans le but d’affirmer une identité turque authentique: le rural est opposé à l’urbain, l’ottoman à l’occidental et le traditionnel au moderne. Cependant, cet objectif est instable avec ces principes. Notamment dans les espaces fréquentés par les touristes et qui tiennent à exiger certains repères180. Ce qui fait une atmosphère hybride et hétérogène, plutôt la politique Islamiste vise à ouvrir les espaces publics laïques aux musulmans pratiquants. Alors que « Quand les bulldozers effacent le terroir, quand les jeunes gens partent à la ville ou quand s’installent les « allochtones », c’est au sens le plus concret, le plus spatial, que s’effacent, avec les repères du territoire, ceux de l’identité.»183 République Kémaliste, comme nous l’avions déjà évoqué, a écarté toutes les référence musulmanes Marc Augé que authentique. La restriction de l’alcool est peut être la seule mesure dans laquelle le pouvoir politique assume son identité Islamique181. Cette politique est justifiée comme une lutte contre la discrimination des musulmans pratiquants, qui ne peuvent pas fréquenter les lieux où l’alcool est servi. Ils expriment cet acte, comme une ouverture des espaces de sociabilité à tout les individus. Ainsi, Ide la sphère publique.. 177 ERDUR O, «Reappropriating the “Green”: Islamist Environmentalism» in New Perspectives on Turkey, Numéro 17, 1997, p.151-166. 178 ibid 179 FLEURY A, 2008, art.cit. 180 ÇINAR A.I, « Liberal, Islam, localism and hybridity in the administration of Istanbul », in New Perspectives on Turkey, Numéro 16, 1997, p.23-40. 182 DI MÉO G, «L’identité : une médiation essentielle du rapport espace / société», in Géocarrefour, Volume 77, Numéro 2, 2002, p. 178-181. URL: http://www.persee.fr/docAsPDF/geoca_1627-4873_2002_num_77_2_1569.pdf [Consulté en Septembre 2016] 183 AUGÉ M, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, 1992. 181 ibid 92 93 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Cependant, les projets urbains lancés par le pouvoir politique, ne se départissent pas de la modernité. concernant cette notion de dispositif de Foucault. C’est que dès lors qu’il y a divers éléments hétérogènes Mais cette modernité a pour ambition d’être différente de la modernité occidentale. C’est une modernité (aménagements architecturaux, décisions réglementaires, lois,mesures administratives,...), la relation avec des valeurs de la religion musulmane. entre ces divers éléments hétérogènes produit dans le corps social un effet de la normalité ou au La notion de dispositif élaborée dans le vocabulaire Foucaldien appliquée à l’aménagement d’Istanbul contraire de l’anormalité. La notion de dispositif de Foucault désigne des opérateurs matériels, c’est-à-dire des techniques, des stratégies et des formes d’assujettissement mises en place par le pouvoir, afin d’exercer son Nous avons vu précédemment que l’espace public stambouliote, apparaît comme un assemblage contrôle sur la société187. Le terme pouvoir chez Michel Foucault, est plus vaste que ce processus d’espaces verts et de nouvelles structures imposées. A partir de ce constat, la notion élaborée par le de soumission des citoyens à l’État ou de domination d’un groupe sur un autre. Il définit les rapports philosophe Michel Foucault nous semble la plus convenable. de force multiples qui aboutissent aux formes de pouvoir: «le pouvoir, ce n’est pas une institution, et ce n’est pas une structure, ce n’est pas une certaine puissance dont certains seraient dotés: c’est le 184 La notion de dispositif apparaît dans le vocabulaire Foucaldien. Dans le texte «la volonté de savoir» , nom qu’on prête à une situation stratégique complexe dans une société donnée».188 Michel Foucault cherche à analyser le dispositif de la sexualité qui repose sur: «un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des Il précise que de nouveaux mécanismes de pouvoir ont remplacé la «monarchie juridique». Un terme décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des qui qualifie la représentation du pouvoir en termes de droit:«s’il est vrai que le juridique a pu servir à propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit, représenter de façon sans doute non exhaustive, un pouvoir essentiellement centré sur le prélèvement voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces et la mort, il est absolument hétérogène aux nouveaux procédés de pouvoir qui fonctionnent non pas éléments».185 au droit mais à la technique, non pas à la loi mais à la normalisation, non pas au châtiment mais au contrôle, et qui s’exercent à des niveaux et dans des formes qui débordent l’État et ses appareils»189 Il s’agit pour Michel Foucault de repérer dans ce livre186, la volonté de savoir, les tactiques du pouvoir et leur fonctionnement, à partir de trois foyers. Depuis le XXIIe siècle des discours normatifs Michel Foucault n’a jamais théorisé des dispositifs d’aménagements. Mais suite aux analyses sur l’espace sur la sexualité se sont développés dans trois foyers, qui sont: l’église, qui développe la technique public et le marketing urbain à Istanbul, on pourrait supposer que les dispositifs d’aménagement mis en de la confession et lie pour la première fois la sexualité à la vérité. L’école sous l’aspect particulier de place dans cette ville, se positionnent comme un nouveau processus de pouvoir, qui permettraient au l’internat, qui produit tout le long du XIXe une réflexion sur l’éducation sexuelle. Et enfin, l’État avec la gouvernement Islamiste, de contrôler et de normaliser les rapports sociaux et les pratiques spatiales, biopolitique. C’est un nouveau investissement du social, qui consiste en un ensemble de procédures, qui ont lieu au sein des espaces publics. Un dispositif devenu possible grâce aux techniques des qui concernent la population. Ses problèmes spécifiques et ses variables propres: natalité, morbidité, projets urbains et architecturaux. durée de vie, fécondité, État de santé, fréquence des maladies. Cette définition que donne Michel Foucault en 1976 du dispositif, prête une grande attention à la manière dont l’espace; son mode d’occupation, sa répartition et sa mise en ordre, s’inscrit dans un certain type de rationalité. C’est l’un des aspects particuliers, qui caractérisent la notion de dispositif et la distinguent. Michel Foucault voit comment les projets architecturaux, les projets d’occupation des territoires et les plans d’urbanisme constituent une clé de lecture intéressante, pour la rationalité d’un dispositif. Un autre point important 184 FOUCAULT M, Histoire de la sexualité, Tome I : La volonté de savoir, Chapitre 4 «Le dispositif de sexualité», Paris, Gallimard,1976. 185 FOUCAULT M, «Le jeu de Michel Foucault», (Entretien avec D. Colas, A. Grosrichard, G. Le Gaufey, J. Livi, G. Miller, J. Miller, J.-A. Miller, C, Millot, G. Wajeman), Ornicar? Bulletin Périodique du champ freudien, Numéro 10, juillet 1977, reprit in Dits et écrits, vol. 3, texte n°206. URL: http://1libertaire.free.fr/MFoucault158.html [Consulté en Septembre 2016] 186 FOUCAULT M, 1976, op.cit. 94 187 REVEL J, Le vocabulaire de Foucault, Paris, Ellipses, 2009. URL: https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwikuK6VsLfRAhUGqxoKHVkkB_cQFggaMAA&url=http%3A%2F%2F1libertaire.free.fr%2FVocabulairedeFoucault.rtf&usg=AFQjCNEcT2stA3oXjZBKSWYZJmcwv0ec_g&sig2=4-Iuly3Xscq8HFk_ibo9Lg [Consulté en Août 2016] 188 FOUCAULT M, 1976, op.cit. 189 ibid 95 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Limites de la municipalité métropolitaine d’Istanbul Zones urbanisées 3.2. Face à des risques environnementaux et sociaux En projet Avant 1987 Troisième aéroport prévu de 1987 à 1998 Nouveau pont de 1998 à 2008 Trajet envisagé de l’autoroute du nord de la mer de Marmara, voie de transit international (TRACECA) Aéroport actuel Projet Kanal Istanbul Mer Noire 20 km Le 26 août 2016, Erdogan a coupé le ruban du troisième et nouveau pont érigé sur le Bosphore, et le 20 décembre 2016 il a inauguré une autoroute à deux étages, qui relie l’Europe à l’Asie destinée à désengorger la ville190. «Néanmoins, le caractère exorbitant du prix à payer de ces «transformations Mer de Marmara urbaines» en termes de risques environnementaux, voire sociaux» ne va pas sans susciter des Mer Noire antagonismes émanant de certaines composantes de la société stambouliote».191 Golfe d’Izmit Garipçe Forêt de Arnavütköy Sevgililer Forêt de Belgrade Politique des grands projets Poyrazköyü 19 Kayabasi Zones urbanisées 32 Bahcesehir Espaces forestiers 25 Halkali Il semble qu’Istanbul soit fière de sa victoire. Ces deux projets très controversés sont depuis ISTANBUL Aéroport Atatürk longtemps, des sujets du débat polico-urbain d’Istanbul. Ils faisaient en effet partie du dossier des Risques sur les ressources en eau d’Istanbul Principales gated communitiesen 2010 10 Atasehir 10 km jeux olympiques, afin de prouver aux organisateurs sur la capacité de la ville à résoudre les problèmes Mer de Marmara Construction prévue d’un troisième pont sur le Bosphore de congestion. Mais la Turquie a échoué à cette épreuve. Le troisième pont a été construit au nord Cartes Nicolas Ressler, 2012. Programmes de logements TOKI (de plus de 9 000 logements) 25 Nombre de logements construits ou prévus, en milliers Trajet envisagé de l’autoroute du nord de la mer de Marmara Le Marmaray (métro) et tunnel autoroutier sous le Bosphore, prévu pour 2013 du Bosphore, proche de la Mer Noire. Il fait 260 kilomètres, et fait partie d’un nouvel axe autoroutier Infrastructures de transport et croissance urbaine: une stratégie traversant la forêt de Belgrade sur la partie européenne. Cette forêt conditionne le climat de la région du développement du Nord-Ouest de la métropole stambouliote?194 et contient les principales réserves d’eau de la ville. Cette emplacement du pont est synonyme d’une Mer Noire opportunité intéressante d’urbanisation. La modestie des riverains, des deux villages Garipeçe et Plate-forme de lutte pour la vie à la place du troisième pont. 2010 Poyraskoy concernés par la construction de ce pont, n’a pas permis une opposition de ce projet, face Forêt de Sevgililer au pouvoir de l’AKP192. Et avec l’arrivée du tunnel autoroutier d’Eurasie, sous le Bosphore, on pourrait Forêt de Belgrade supposer que la voiture passe avant l’environnement pour les islamistes. L’autre grande infrastructure à venir est un troisième aéroport. La mégapole en a deux déjà, l’aéroport international d’Atatürk, sur la partie européenne. Le deuxième, sabiha gökçen, dans la périphérie Barrage de Sazlidere Barrage d’Alibey Lac de Küçükçekmece asiatique est tourné vers les vols low-cost et les transit-nationaux. Une construction d’un troisième Barrage d’Elmali ISTANBUL Quartier d’Arnavütköy. Seconde partie des années 1990 aéroport apparait donc nécessaire, mais pas n’importe quel aéroport: le gouvernement a l’ambition de construire le premier du monde,«Nous voulions un design hors du commun, tenant compte de Mer de Marmara l’héritage culturel exceptionnel d’Istanbul»193. Ce projet sera aussi situé au nord de la mégapole, s’étendant le long de la Mer Noire, côté européen. Déstructurant ainsi une partie de la forêt de 20 km Belgrade. Espaces urbanisés 190 JÉGO M, «A Istanbul, un tunnel relie l’Europe à l’Asie», in Le Monde, le 20 décembre 2016. URL: http://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2016/12/20/a-istanbul-un-tunnel-relie-l-europe-a-lassie_5051593_4497271.html [Consulté le 3 janvier 2017] Espaces forestiers (ou agricole ou d’habitat illégal) Projets de nouveaux périphériques et de ponts abandonnés Parcelles forestières classées en zone 2B Tracé envisagé de l’autoroute du nord de la mer de Marmara Lacs et barrages d’approvisionnement en eau d’Istanbul Forte opposition aux projets d’infrastructures de transports Carte Nicolas Ressler, 2012. Projets d’infrastructures et pression urbaine : 191 MORVAN Y, «L’aménagement du grand Istanbul : entre ambition géopolitique mondiale et enjeux fonciers locaux. Le troisième pont sur le Bosphore», in Horodote. Géopolitique de la Turquie, Paris, La découverte, Numéro 148, 2013. URL: http://www.herodote.org/IMG/pdf/Morvan.pdf [Consulté le en Février 2014] Des enjeux environnementeaux et fonciers.195 192 MORVAN Y, art.cit. 193 CHASSAGNE J, «Istanbul va accueillir le plus grand aéroport du monde», in The good life, le 26 mai 2016. URL: http://thegoodlife.thegoodhub.com/2016/05/26/istanbul-va-accueillir-plus-grand-aeroport-monde/ [Consulté en Janvier 2017] 96 194 RESLER N, «Géopolitique de la Turquie», in Hérodote, Numéro 148, 2013. 195 ibid 97 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Mais ces projets extravagants ne sont rien devant le projet pharaonique de Kanal Istanbul196. Il s’agit économique; et les capitaux sont dépensés partout ailleurs. Selon Stéphane Yérasimos, «le centre de construire pour 2023, pour un siècle de la République turque, un second Bosphore. C’est un traditionnel de l’agglomération devient de moins en moins un passage obligé pour la plus grande canal qui reliera la Mer Noir à la Mer de Marmara par un détroit artificiel, il fera 50 km de long, 25 m partie de la population. Ainsi le Stambouliote d’aujourd’hui et encore plus celui de demain est et sera de profondeur et 150 m de large et devrait coûter entre 10 et 20 milliards de dollars. Cette dépense une personne qui visitera le centre de la ville une ou deux fois par an pour des raisons culturelles, trouve une justification aux yeux d’Erdogan, du fait de la nécessité de trouver une solution, aux risques touristiques où éventuellement pour un achat exceptionnel. Dans ces conditions l’agglomération peut environnementaux que représentent les cargos et supertankers sur le détroit le plus fréquenté au s’étirer à l’infini, du moment que sa centralité disparaît et que son unité devient une fiction».200 monde, dans une ville dense comme Istanbul197. Mais le but est surtout d’urbaniser l’agglomération au Nord et à l’Ouest, suivant les tracés du nouveau pont et son autoroute, ainsi que le futur projet d’aéroport. 3.3. L’espace public et le développement urbain comme causes et enjeux de la révolte Vers une multipolarisation Le développement urbain d’Istanbul, l’oblige à se restructurer ailleurs que dans un centre qui serait saturé. En effet, c’est ce qui se passe, avec la concentration des commerces et des activités de Au-delà d’être l’espace physique de la révolte et les supports visuels de l’événement, l’architecture services le long d’axes majeurs. Comme l’avenue Büyükdere du quartier d’affaire de Levent. Mais et les infrastructures jouent un rôle très important pendant la révolte. Avant d’être un dispositif de la aussi à travers le développement de villes satellites en périphérie où le long du littoral. En effet, Istanbul révolte, elles en sont la cause, puisqu’elles sont les armes du pouvoir dans une société capitaliste. En est en train de connaître une aire urbaine fragmentée, gouvernée par la municipalité du Grand Istanbul, effet, comme nous l’avions évoqué auparavant; se sont les projets architecturaux et infrastructurels mais surtout administrée par les différentes mairies d’arrondissements de la ville. d’Erdogan qui ont été à l’origine de la révolte. Comme nous l’avions déjà évoqué dans la première partie, les dynamiques d’Istanbul sont semblables Selon l’historien et géographe Sylvain Kahn, « le conflit de la place Taksim est un conflit mégapolitain. à d’autres grandes villes mondiales. Ces dynamiques caractérisées par Jaques Donzelot198 dans la Il pourrait surgir dans tout autre mégapole : ces agglomérations de plus de dix millions d’habitants ville à trois vitesses; avec des conséquences urbaines et sociales similaires. Il s’agit de la relégation, sont des villes-monde. Elles polarisent les ressources et les hommes. Elles créent et redistribuent les avec «le confinement spatial des populations pauvres et/ou d’immigration récente»: ce sont les anciens richesses. Elles sont les fabriques d’une société mondiale. Les mêmes type d’enjeux s’y déploient. Ce quartiers historiques et les gecekondu, ne sont pas encore touchés par la rénovation urbaine; ensuite conflit stambouliote est donc de dimension planétaire. Comme l’écrit l’anthropologue et photographe la périurbanisation, à travers «l’hypermobilité contrainte», mais choisie, afin de rester dans une nature Anne Jarrigeon, « la condition urbaine implique de faire nôtre des espaces qui, au sens strict, ne nous protectrice de l’entre soi: ce sont les logements collectifs; et il s’agit finalement de la gentrification des appartiennent pas ». La querelle mégapolitaine oppose deux conceptions de l’espace public. C’est à quartiers centraux et stratégiques. dire deux conceptions de la liberté de circuler et de l’urbanité. Ce n’est pas une querelle des anciens et des modernes. C’est une querelle entre modernes. Les opposants au chantier de la place Taksim Aujourd’hui, le centre historique d’Istanbul tient une place secondaire; la plupart de ses habitants ont sont porteurs d’un espace public ouvert et de type forum. Le parc qui borde la place est un espace 199 été déplacés en périphérie. Selon Murat Güvenç , «la marginalisation du centre historique, au profit de farniente, et de conversation ombragée. C’est un espace public où on peut délibérément prendre d’une multipolarisation complexe» est la conséquence de «l’internationalisation du capital immobilier et son temps, et le perdre. La place Taksim elle-même, en plein centre-ville, est un espace privilégié [de] la décentralisation de certaines activités.» En effet, le centre historique est «Disneylandisé» selon d’anonymat, de liberté individuelle et de rassemblements collectifs – comme on le voit actuellement. Murat Güvenç, il est mis à l’abri, pour le tourisme qui constituait une part importante de la croissance Bien que piétonne, la place réaménagée serait porteuse d’un espace public couvert et assigné à des activités spatialement agencées: lèche-vitrine, restauration, consommation, commercialisation, labeur, production. L’espace public y serait une ressource monnayable, valorisable, utile – comme le temps 196 Vidéo présentant le mégaprojet: URL: https://www.youtube.com/watch?v=q9aKoBeQDiM [Consulté en Septembre 2016] 197 MORVAN Y, «Kanal Şstanbul, un « projet fou » au service d’ambitions politiques», publié le 27 juin 2011. URL: http://www.metropolitiques.eu/Kanal-Istanbul-un-projet-fou-au.html [Consulté en Novembre 2016] 98 qu’on y consacre.»201 198 DONZELOT J, art.cit. 200 YÉRASIMOS S. « Istanbul, Métropole Inconnue », in Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, Numéro 24, 1997. URL: http://cemoti.revues.org/1466 [Consulté en Octobre 2016] 199 GÜVENÇ M. «Une approche historique et socio-spatiale», in Urbanisme, Numéro 374, septembre-octobre 2010. 201 KAHN S. «Bataille planétaire à Istanbul entre deux conceptions de l’espace public» in Les Idées claires de Sylvain Kahn, 99 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques Selon Can Onaner202, c’est une confiscation physique, esthétique, mais aussi financière de l’espace Dans un article intitulé «Où va la Turquie?», le philosophe Mezri Haddad207, analyse la politique actuelle public que les manifestants ont dénoncé. Que ce soit en interdisant les terrasses des cafés et bars d’Erdogan. Jusqu’à la date du putsch raté, malgré le chantage subi par la Turquie, suite à l’accord dans les quartiers animés de Beyoglu, ou bien en critiquant les gens qui s’embrassent dans la rue. avec l’Europe, concernant la crise migratoire. Les relations entre l’Europe et la Turquie étaient plutôt C’est le mode de vie quotidien des citoyens que le gouvernement met en danger. cordiales pour des intérêts économiques et stratégiques réciproques. Cet accord permettra a priori la La Turquie, un pays entre dynamique et fermeture Sylvain Kahn203, analyse deux usages opposés de l’espace public (entre supermarché et forum). En 204 reprise des négociations, pour l’entrée de la Turquie en Europe. Grâce à cet accord, le gouvernement turc a gagné le soutien de son opinion public. Dans le même article, Mezri Haddad affirme que Erdogan, reproche aux chefs d’États européens effet, il existe en Turquie une «scission entre deux visions du rapport public-privé» . Une ancienne et d’avoir fait preuve d’indifférence, face à cet événement, qui vient de marquer l’histoire de la Turquie, occidentale, considérant l’espace public comme lieu d’expression libre et une orientale, où le rapport et aux États unis d’abriter son ennemi Fethullah Gülen, accusé d’être derrière ce putsch. Mezi entre le public et le privé est conforme à des normes, pour des questions de pudeur et d’intimité. Haddad explique que, «ce qui ne va plus, c’est la Turquie elle-même ou plus exactement son régime politique islamiste qui, au bout de quinze années de règne sans partage, a subi l’usure du pouvoir et Il est donc intéressant de faire le parallèle avec la politique du gouvernement turc actuel. En effet, un l’érosion de l’idéologie. Si la crise interne de juillet dernier a été le symptôme d’un régime essoufflé et des fondements de la République Kémaliste est la laïcité. Mais cette laïcité est en train de faire machine contesté, la réaction disproportionnée d’Erdogan à ces événements a dévoilé la véritable nature de ce arrière sous le pouvoir d’Erdogan. Comme nous l’avons déjà évoqué, les libertés d’expression et de «despotisme oriental», qui passait pour le plus libéral et le plus démocratique du monde musulman.»208 presse sont bafouées. Les journalistes, les opposants politiques et les chercheurs se font arrêter et sont incarcérés. Erdogan défend un Islam conservateur, qui domine toutes les autres croyances. La dérive autocratique d’Erdogan, le conflit avec le mouvement Gülen, la haine entre turcs et kurdes, les liens entre la Turquie et l’État islamique, le soutient de la terreur209, le terrorisme (19 attentats en Le gouvernement actuel prône un espace public à la fois libéral d’un point de vue économique: 2016)210, sont des sujets qui inquiètent l’Union Européenne et les États unis. La situation de la Turquie, «l’espace public comme supermarché», et un conservateur d’un point de vue des mœurs «l’espace doit remettre en cause l’accord avec l’Union Européenne, car le rejet de la candidature de la Turquie public derrière le moucharabieh». Selon cette conception, l’espace politique est éloigné des aires à l’UE, peut avoir des risques majeurs. publiques pour s’organiser dans les espaces intimes: mosquées, bains maures,etc. Ces espaces n’appartiennent pas souvent au domaine public205. L’échange social et politique étant dans Aujourd’hui, la Turquie voit son avenir avec la Russie et l’Iran. Les trois pays ont publié une déclaration des intérieurs, les grands espaces vides peuvent donc être occupés par du commerce et de la commune qui convenait de cesser le feu à l’ensemble de la Syrie, de garantir un accès sans obstacle propagande politique. à l’aide humanitaire, et la libre circulation des citoyens syriens sur leurs territoires. Ces trois pays veulent devenir les garants de paix entre le régime syrien et l’opposition. Ils veulent exclure toutes les autres Le modèle turc a toujours été un exemple d’alliance entre, élections démocratiques , islam et essor puissances et garantir l’avenir militaire et politique de la Syrie à court et moyen terme. La Turquie, a économique. Plusieurs pays arabes ont voulu s’inspirer de ce modèle. Mais depuis le putsch raté bien évidemment ses propres intérêts derrière cet engagement, notamment; empêcher les kurdes de du 15 juillet 2015 en Turquie, considéré comme un «complot de l’étranger» , les relations entre la devenir autonomes et nombreux sur sa frontière et cibler l’État islamique.211 206 Turquie et ses alliés ont pris un autre tournant. 207 ibid France Culture, publié le 03/06/2013. URL:https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires-de-sylvain-kahn/bataille-planetaire-istan bul-entre-deux-conceptions-de [Consulté en Octobre 2016] 202 ONANER C, art.cit. 203 KAHN S, art.cit 204 ONANER C, art.cit. 205 ibid 206 HADDAD M, «Où va la Turquie avec Erdogan?», in Le Figaro, le 16 octobre 2016. URL: http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/10/16/31001-20161016ARTFIG00100-o-va-la-turquie-avec-Erdogan.php [Consulté en Novembre 2016] 100 208 ibid 209 GÜLBEYAZ H, «La Turquie face à la terreur», in ARTE, Allemagne, 2016. URL: http://www.arte.tv/guide/fr/065356-000-A/la-turquie-face-a-la-terreur [Consulté en Novembre 2016] 210 MACÉ C, Interview «Jean-François Pérouse: «Erdogan est désormais entré en guerre ouverte avec l’État islamique»», in Libération, le 01 janvier 2017. URL: http://www.liberation.fr/planete/2017/01/01/jean-francois-perouse-Erdogan-est-desormais-entre-enguerre-ouverteavec-l-etat-islamique_1538545 [Consulté le 02 Janvier 2017] 211 CLEMENCEAU F, «Russie-Turquie-Iran, une alliance d’intérêts divergents sur la Syrie», in Europe 1, le 20 décembre 2016. URL: http://www.lejdd.fr/International/Russie-Turquie-Iran-une-alliance-d-interets-divergents-sur-la-Syrie-834151 [Consulté le 02 Janvier 2017] 101 Où va la Turquie? Géopolitique locale et risques La Turquie a toujours profité de sa position stratégique entre l’orient et l’occident, mais depuis le début de la guerre civile en Irak et en Syrie, cette position médiane semble tourner au désavantage du pays. En effet, cette organisation et la politique qui servait les propres intérêts du gouvernement font de l’espace public turc, un espace de terreur et de menace par le gouvernement et le terrorisme. Restes du mouvement Gezi, sur la statue d’Atatürk: place Taksim.212 212 STEINHOFF F. 102 103 Conclusion «Sauver la ville implique de renoncer à la plus grande rente du monde»213 Defne Gürsoy 213 OKTAY Ekinci, Président de l’ordre des architectes en Turquie, «La bête noire des spéculateurs de l’immobilier», in GÜRSOY D, HÜKÜM U, «Istanbul. Émergence d’une société civile», Paris, Autrement, 2006, p.34-41. Résonance et perspectives Résonance et perspectives Quel avenir pour un pays aux mains d’un gouvernement dans une perpétuelle échappée vers l’avant, tentant de prendre le contrôle en prenant toujours des devants, en voulant toujours aller plus haut, plus fort? La ville se perd, et des logiques rationnelles la transforme en un objet d’intérêts politiques, économiques et inanciers. Il s’agit sûrement d’un point de vue subjectif, que bien d’autres estiment que le pays gagne ici en «On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité des incertitudes qu’il est capable de supporter» cohérence et en stabilité. Notamment, Erdogan et ses partisans. Les turcs qui se sont mobilisés Emmanuel Kant après le putsch raté du 15 juillet 2016, à la place Taksim, à Istanbul, pour aficher leur soutien au Président215, ou la partie populaire de la population qui s’est retrouvée dans ce changement, avec la tentation du retour à l’Empire ottoman216, ou encore quelques habitants d’Istanbul qui trouvent que, les transformations faites dans la ville, sont nécessaires d’un point de vue pratique d’organisation de la ville, comme d’un point de vue esthétique d’idéalisation et de propreté. Pourtant ces mêmes habitants n’arrivaient pas à exprimer ce qui faisait authenticité et l’identité d’Istanbul217. Ce dernier témoignage prouve la perte de repères, généralisée par la naïveté des valeurs d’urbanité. Le développement urbain et l’internationalisation de la ville, pousse probablement vers une construction basée sur un fantasme. L’autorité exercée par le pouvoir politique et économique sur le développement urbain de la ville, empêche l’exercice du jugement citoyen. Ce n’est plus un secret de dire que la liberté d’expression continue à aller mal en Turquie, que le gouvernement abuse bien souvent de son autorité, en imposant des projets et en dictant aux citoyens comment ils doivent se comporter. Ceci dit, le gouvernement d’Erdogan, a aussi trouvé ses détracteurs. Le mouvement Gezi en est la preuve. Les protestations ont existé, d’un point de vue citoyen et institutionnel. L’ordre des architectes s’est opposé à des projets, des collectifs d’habitants également. Des conférences et expositions se sont organisées. Des documentaires ont émergé, comme Ekümenopolis218,qui avait pour but de sensibiliser les populations aux transformations qui se passent à Istanbul. Avec l’arrive du mouvement Gezi, les consciences se sont réveillées, une puissance fédératrice inédite s’est manifestée. Ce mouvement a suscité avant tout l’espoir et a permis de révéler différentes problématiques et divers enjeux. Les citoyens ont réclamé leur droit à la ville. «Tout se passe comme si elle subissait les effets pervers de la «ville globale» décrits par Saskia Sassen (spéculation immobilière, forte ségrégation interne, inégalité d’accès à la mobilité, délocalisation et expulsion de certaines populations, etc.) avant même de pouvoir en tirer des bénéfices, comme si elle en prenait la forme sans en avoir complètement acquis le fond.»214 Martine Candelier-Cabon et Benoit Montabone 215 KIZILBOGA F, ASSAD H, «Des milliers de partisans d’Erdogan célèbrent leur Président place Taksim, à Istanbul», in France 24, le 27 juillet 2016. URL: http://www.france24.com/fr/20160720-video-reportage-turquie-partisans-erdogan-celebrent-president-place-taksim-istanbul [Consulté le 02 Janvier 2017] 216 DROUELLE F, «Turquie 2013. Occupy Gezi», in France inter, le 17 janvier 2017. URL: https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-17-janvier-2017 [Consulté le 02 Janvier 2017] 217 MARTIN N, mémoire.cit, p.83. 218 AZEM I, « Ekümenopolis: Ucu Olmayan Sehir (Ekumenopolis : Istanbul, ville sans limite», Turquie, Allemagne 2011. URL: https://www.youtube.com/watch?v=SM4grsAfXdY [Consulté en 2013] 214 CANDELIER-CABON M., MONTABONE B., art.cit. 106 107 Résonance et perspectives L’étude de la révolte, a laissé envisager deux stratagèmes comme médium d’expression critique du peuple. Les réseaux sociaux et l’occupation des places, des parcs et des rues, qui peuvent être considérés comme des nouveaux dispositifs de l’espace public Habermassien. Même avec de nouveaux dispositifs, l’espace public est particulièrement visible en temps de révolte. Il se redéfinit et n’exprime plus, que la simple opposition «public vs privé». Il inclue l’opinion privée des protestataires et permet l’expression critique publique, tout en mettant les individualités de chacun. Les manifestations ont permis à l’espace public turc de se recomposer , grâce à l’expression de chaque individu. Mais cet espace, s’est composé sur des espaces publics physiques. Ainsi «Espaces publics» au pluriel est lié à «espace public» au singulier. Face à cette situation, la question qui se pose pour une futur architecte, est de savoir comment l’architecture et les architectes peuvent intervenir dans cette lutte de pouvoir sur l’espace public: dans quelle mesure, l’architecte, peut contribuer à la mise en place d’espaces publics plus ouverts et plus libres: un espace politique? On pense que l’architecte, ayant une culture de l’espace physique, pourrait contribuer à la définition de cet espace public comme l’a définit Habermas. Étudier l’espace public en tant de crise, nous a permis de prendre conscience, de l’importance du vide, de l’espace libre. Qui sont des symboles de la résonance et de la liberté d’expression à la cité. Comme le suggère cette image, du centre culturel d’Atatürk envahi par une foule de manifestants, ce bâtiment noir à l’architecture moderne et massive est devenu un signe aussi de la révolte, conçu pour les élites républicaines, friands d’opéra et de musique classique, il est devenu un signe révolutionnaire, regardant la place Taksim. Centre culturel d’Atatürk lors du mouvement Gezi.219 219 STEINHOFF F. 108 109 Annexes Sources Annexes Revues -Manière de Voir - Le Monde Diplomatique. Turquie. Des Ottomans aux islamistes, N°132, Décembre 2013 - Janvier 2014. - Hermès, «Le Nouvel Espace Public», n°4, 1989 Ouvrages - AUGÉ Marc, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992. ŞERDOGAN Asli, Le silence même n’est plus à toi, chroniques traduites du turc par : LAPEYRE DE CABANES J, actes sud, 2017. - DELBAERE Denis, La fabrique de l’espace public. 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Cette analyse nous aide à comprendre le lien entre l’espace public et les espaces publics. L’étude de l’espace public en tant de crise, nous permet de prendre conscience, de l’importance du vide et de l’espace libre. Qui sont des symboles de la résonance et de la liberté d’expression dans la ville. Abstract This thesis, is an attempt to define the public place through the mouvement that took place in MayJune, 2013 in Turkey. Today, Gezi Park protests possesses repercussions, which make the definition of the Turkish public space complex. Indeed, the events which took place continue to resound in the Turkish current events and took a new form. The analysis of Gezi Park protests allows us to observe the evolution of the publicity of the public space today. Indeed, publicity of public place is not recent and the virtual space brings a new shape of expression. It is necessary to note the importance of the introduction of the individual sphere in the expression of the public sphere. This analysis helps us to understand the link between the public space and the public spaces. The study of the public place in so much crisis, allows us to become aware, of the importance of the space and the free space. Which are symbols of the echo and the freedom of expression in the city. 120 121 Janvier 2017