Greffée du cœur, son combat ne fait que commencer

Marika Bourgault a reçu un nouveau cœur en 2008. Son fils était alors âgé de 3 ans. En mars dernier, elle apprend qu’il devra aussi passer par la greffe. Elle traversera l’épreuve avec lui. Mais avant, tous deux relèveront le Défi Chaîne de vie et iront porter le drapeau de l’organisme au sommet du mont Gleason.

Marika Bourgault, résidente de Saint-Albert, a créé la Fondation de cœur en cœur l’an dernier (https://bit.ly/2DZPKFr) dans le but de donner un coup de pouce financier aux personnes en attente d’une greffe cardiaque ou plus démunies après en avoir subi une. Depuis, elle a appris que son fils, âgé de 13 ans et atteint, comme elle l’a été, d’une cardiomyopathie hypertrophique, devrait aussi recevoir un nouveau cœur. «Je ne l’ai pas bien pris», confirme-t-elle, en étranglant un sanglot.

Elle se rappelle l’épreuve vécue, il y a quelque 10 ans, de l’attente angoissante de cet organe indispensable à sa survie, puis du téléphone qui changera son existence. Le décès d’un jeune garçon de 14 ans permettra à Marika Bourgault et à plusieurs autres de continuer à vivre. «Je connais cette période d’attente pendant laquelle je désirais rester en vie. Je voulais passer l’Halloween avec mon fils, par exemple, puis j’essayais de me rendre au coin de la rue, mais je me retrouvais pliée en deux, incapable d’avancer. Apprendre que mon fils passera par là…»

Mme Bourgault savait qu’il présentait la même anomalie génétique héréditaire qu’elle. Or, elle ne s’imaginait pas que ça dégénèrerait aussi rapidement. «Plus le gêne se transfert, plus il est fort», a-t-elle appris dernièrement.

Deux versants

Le temps qui précède et qui suit le don d’organe constitue une période de terreur et d’appauvrissement pour ceux qui ne possèdent pas d’assurance. «J’ai vu des gens perdre leur maison. Après 15 semaines de chômage, il n’y a plus d’argent qui rentre. Et ce n’est pas rare de se rendre trois ou quatre fois par semaine à l’hôpital, pour une pneumonie, une gastro, une otite ou une amygdalite», rapporte-t-elle. Voilà pourquoi elle a décidé de s’engager, l’an dernier, afin de donner un coup de main aux gens qui nécessitent une greffe.

Lorsque Chaîne de vie l’a approchée, elle ne pouvait refuser de mettre l’épaule à la roue. La méthode dialogique de l’organisme, dont le but est de sensibiliser les jeunes au don d’organes, l’a immédiatement interpellée. Pas de ton moralisateur, simplement des discussions et des témoignages au bénéfice des futurs adultes qui devront un jour prendre des décisions.

«Aujourd’hui, mon fils a encore sa mère parce que quelqu’un a signé sa carte. Une personne peut sauver huit vies et en aider 15 autres», soulève-t-elle. Les gens doivent donc parler de leur choix avec leur entourage, qui pourra un jour trancher à l’aune d’une réelle réflexion partagée.

Marika Bourgault sera accompagnée de son fils pour l’ascension du 14 octobre. «Ça ne sera peut-être pas super rapide, mais il la montera», annonce-t-elle. Voilà son désir et sa mère parcourra cette route avec lui, pas à pas. «Je lui ai expliqué que la greffe, c’était comme une montagne. On y va un pas à la fois, mais une fois rendu à destination, c’est magique.»

Plusieurs combats se pointent à l’horizon pour celle qui en connait bien les difficultés. Il y aura la greffe inévitable de son enfant, d’abord, dont elle aurait bien pris la place, afin de lui épargner cette épreuve.

Or, un jour viendra où elle devra à nouveau changer de cœur. «Un cœur, ce n’est pas pour la vie. La plupart des greffés, comme moi qui n’avais que 25 ans, ont besoin d’un deuxième cœur avant la fin de leur vie. La prise de médicaments et la greffe elle-même font en sorte qu’il est très rare qu’une personne passe sa vie avec le même cœur», confie-t-elle. Ainsi, lorsque l’on atteint le sommet, l’autre versant de la montagne apparaît, ainsi que le prochain pic à rejoindre. Alors on se tient sur cette pointe, en fragile équilibre, aussi longtemps que possible.

Gravir une montagne pour parler du don d’organes

L’organisme Chaîne de vie, qui vise à faire des jeunes des ambassadeurs de la discussion familiale au sujet du don d’organes, invite la population du Centre-du-Québec à atteindre le sommet du mont Gleason, le 14 octobre.

Le Défi Chaîne de vie se déroulera simultanément sur 15 montagnes québécoises, à l’occasion de la Journée mondiale du don d’organes et de la greffe. L’objectif de l’aventure est de sensibiliser les adolescents à la discussion familiale à ce sujet, mais aussi d’amasser des fonds pour l’achat de matériel pédagogique destiné aux écoles ainsi que pour la formation des enseignants. Elaine Laforest, enseignante au Collège Saint-Bernard, à Drummondville, intègre l’unité de travail Chaîne de vie dans ses classes d’anglais de 4e secondaire. Elle explique que le mouvement cible cette tranche d’âge parce que ces jeunes s’avèrent assez matures pour saisir les tenants et aboutissants du choix du don d’organes et de tissus. Le dialogue avec leurs proches devient par la suite essentiel pour faire valoir leur décision.

Au Québec, 1000 personnes se retrouvent en attente d’une greffe chaque année. Le quart des familles de donneurs potentiels hésitent à autoriser le don d’organes, faute d’avoir abordé le sujet avec le principal intéressé avant son décès.

L’ascension du mont Gleason pour cette cause se fera pour une troisième année. Le public peut appuyer les équipes régionales en grimpant avec eux ou en versant un don sur defi.chainedevie.org. Marika Bourgault, greffée du cœur et porte-étendard pour la région Centre-du-Québec, invite les entreprises à créer leur groupe pour relever le Défi. Il en coûte 25 $ par participant de 18 ans et plus qui s’inscriront sur le site Web, et 30 $ pour ceux qui gagneront la montagne la journée même et qui désirent payer sur place.