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Chronique «Historiques»

Aux héros de la raison

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Face à la course à l’échalote de celles et ceux qui veulent exister politiquement, on peut à juste titre désirer que l’année soit placée sous le signe de la rationalité. Pourtant, tout ce qui fait l’ordinaire de la raison a disparu.
par Johann Chapoutot, Historien, professeur d’histoire contemporaine à Paris-Sorbonne
publié le 21 octobre 2021 à 4h54

La «raison» a bonne presse en ce moment. Face au festival de dingueries que proposent les réseaux dits sociaux et les chaînes d’«information» en continu, face au déboutonnage des polémistes qui appellent à la fin de l’Etat de droit, face, enfin, à la course à l’échalote de celles et ceux qui leur emboîtent le pas pour exister politiquement, on peut légitimement souhaiter, en effet, qu’une année politique comme celle qui s’annonce (élections nationales, présidentielle et législatives) soit placée sous le signe de la raison. C’est, du reste, le principe de la démocratie : de la confrontation pacifique des arguments doit émerger ce qui est conforme à l’intérêt général – ce qui requiert parfois une ascèse intellectuelle quasi héroïque si l’intérêt général à long terme (la survie de l’espèce humaine, par exemple) est contraire aux vœux de la majorité présente (se gaver d’écrans plats, de voyages en avion et de 4x4). Héroïsme de la raison, qui pense contre les passions les plus viles, celles qui conduisent à vivre et à penser comme des porcs (mais ne diffamons pas les cochons, qui n’y peuvent rien) : ce n’est pas pour rien que la République fut pensée, dans les années 1780 et 1790 sous l’égide du stoïcisme romain et de ses vertus sacrificielles.

C’est, du reste, par Rome que la raison est advenue en politique, à la Renaissance et à l’époque classique : des philosophes comme Pierre-François Moreau, des historiens comme Joël Cornette et Denis Crouzet ont bien montré l’importance du n

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