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Au lycée français de Zurich, la tablette a réussi son examen de passage

Depuis trois ans, l’établissement a intégré le numérique dans le quotidien des élèves de la maternelle au lycée. Un choix qui permet de s’adapter au rythme de chacun.

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Publié le 15 octobre 2019 à 07h00, modifié le 15 octobre 2019 à 10h25

Temps de Lecture 6 min.

Les élèves et leur professeur ont appris à utiliser la tablette en cours.

C’est un mardi matin comme un autre au lycée français de Zurich (Suisse), et pourtant : le cours de maths des CM1 ressemble à s’y méprendre à une après-midi jeux vidéo entre copains. Les élèves, chacun sur leur tablette, participent à un « challenge » sur l’application Kahoot. A chaque fois que la bonne réponse apparaît au tableau, elle est accueillie par un « yesss !!! » collectif. Ce moment festif n’est autre qu’un exercice de calcul mental, pour lequel les tablettes ont remplacé les ardoises. Et elles ont fait beaucoup plus que cela, insiste l’enseignante, Cécile Collet. Elle montre une série de graphiques sur sa tablette : « Je peux voir les performances de chaque élève à la fin du jeu, explique-t-elle. Ça peut me servir, ensuite, à organiser la remédiation. »

L’usage des tablettes prend tout son sens, en effet, dans l’exercice suivant. Grâce à la tablette, chacun a le sien : les plus avancés en calcul s’entraînent à réaliser des opérations complexes sur l’application Mathador, tandis que les moins bons révisent avec Mathéros, l’appli où les points gagnés permettent d’équiper le super-héros de son choix. L’élève sait tout de suite s’il a trouvé la bonne réponse, qui s’éclaire en vert. « Le feedback immédiat est un critère de progrès, on le voit dans toute la recherche contemporaine », commente le proviseur adjoint du lycée, François Latouche, qui chapeaute le projet numérique de l’établissement. L’enseignante, elle, peut se permettre d’aller aider individuellement certains élèves pendant que tous progressent à leur rythme.

Recette « miracle »

Cela fait trois ans, désormais, que le lycée français de Zurich s’est lancé dans un « projet numérique » de grande ampleur. Tous les élèves, du CP à la terminale, sont équipés d’une tablette, et le numérique est présent à chaque cours. Les CE1 en cursus franco-allemand – le lycée, situé en Suisse alémanique, propose un parcours bilingue – s’en servent pour créer leur « portrait chinois » numérique. En histoire, les troisièmes s’en servent pour présenter un projet de recherche ; en langues vivantes, les cinquièmes écoutent des consignes et des mots de vocabulaire ; en sciences économiques et sociales (SES), les secondes lisent le cours sur une tablette. A l’école maternelle, les élèves n’ont pas leur propre matériel, mais ils se servent quinze minutes par jour des six tablettes dont chaque classe est équipée, entre autres pour des exercices de correspondance grapho-phonologique.

Dès les petites classes, les enseignants ont recours à des logiciels d’exercices numériques.

Comment expliquer cette conversion rapide et massive au numérique ? La recette miracle aura été de s’appuyer sur quelques professeurs volontaires. Dans l’équipe pédagogique, certains utilisent le numérique depuis longtemps. En 2016, ils se plaignent de ne pas avoir accès à plus de matériel. « Les professeurs de langue se servaient des smartphones des élèves en cours », se souvient le proviseur adjoint. Mais le principe du « bring your own device » (« apportez votre propre appareil »), en vogue dans les cours de langues vivantes – y compris en France –, trouve vite ses limites : les enfants n’ont pas tous le même téléphone, ce qui complique la mise en place des exercices. Sans compter que la plupart des règlements, dont celui du lycée français de Zurich, interdisent les smartphones.

Eviter l’effet gadget

Des projets pilotes voient très vite le jour : le lycée équipe une classe de primaire et trois enseignants du secondaire, en anglais et en espagnol. Un « noyau dur » d’enseignants bénéficie de soixante heures de formation sur le numérique. Après ce groupe de volontaires, le lycée prend le parti de former toute son équipe, pour éviter l’effet gadget et prévenir le défaitisme : « Un enseignant qui n’est pas formé, vous pouvez lui donner tout le matériel possible, il ne s’en servira pas », prévient ainsi François Latouche. A la rentrée 2017, le projet est déployé sur tout l’établissement.

Les technophiles ont eu vite fait de convaincre les technophobes. Parmi ces derniers, on comptait jadis Leïla Djelali, qui enseigne au CP. « Avant ce projet, je ne savais pas allumer une tablette, avoue-t-elle. Chacun est arrivé avec son propre passif par rapport au numérique. Aujourd’hui, et grâce à l’entraide de l’équipe, j’ai énormément appris. »

« Si on se rend compte qu’on pourrait faire la même chose avec un cahier et un crayon, on laisse tomber ». Joaquin Ruiz, professeur d’espagnol.

Sur le plan pédagogique, le numérique a représenté une petite révolution : pour éviter que la tablette ne reste au rang de l’accessoire, il a fallu réfléchir à ses pratiques, les remettre en cause, les adapter. Avec une règle d’or, celle de la valeur ajoutée : « Si on se rend compte qu’on pourrait faire la même chose avec un cahier et un crayon, on laisse tomber », explique ainsi Joaquin Ruiz, professeur d’espagnol.

Des élèves participent à un « challenge » de mathématiques via une application sur tablette.

L’équilibre – précieux, aux yeux des enseignants – entre la pédagogie traditionnelle et le numérique a aussi permis de rassurer les parents. Un défi de taille, dans un projet qui repose entièrement sur le « one-to-one », c’est-à-dire le fait que chaque enfant possède sa tablette personnelle et l’emporte chez lui. Dans le petit monde de la pédagogie numérique, on fait la différence avec le « share », lorsque les enfants utilisent des tablettes qui ne sont pas à eux. Un casse-tête que François Latouche a voulu éviter : « On a essayé au début, et c’était très compliqué. Les enfants perdaient des contenus, l’élève suivant effaçait les devoirs du précédent. Le “one-to-one” est l’option la plus efficace, même s’il faut des garde-fous. »

Usage chronométré

Les parents, en effet, se sont d’abord inquiétés. Quid des nombreuses alertes de la communauté scientifique autour des conséquences des écrans sur le développement ? Pour leur répondre, le lycée a organisé des réunions d’information et mis en place un protocole sévère : l’usage des tablettes serait limité à quinze minutes par jour en maternelle, la tablette s’arrêterait automatiquement après une heure d’usage à la maison en primaire – juste le temps de faire ses devoirs.

« On est typiquement dans ces compétences du XXIe siècle qu’il faut apprendre le plus tôt possible ». François Latouche, proviseur adjoint du lycée.

Conscient des risques liés aux contenus inappropriés et aux réseaux, le lycée a mis en place un contrôle des usages. Un pare-feu empêche l’accès à certains sites et les historiques sont ineffaçables. Chaque enfant signe, dès le CP, une « charte » de « citoyenneté numérique » : il s’engage à ne pas utiliser des contenus non libres de droit, à ne pas fréquenter de sites inappropriés, à respecter autrui, etc. « On est typiquement dans ces compétences du XXIe siècle qu’il faut apprendre le plus tôt possible », juge François Latouche. La « charte », adaptée aux jeunes enfants, est signée dès le CP.

La formule du lycée français de Zurich est-elle transposable dans l’Hexagone ? A condition de s’en donner les moyens, car l’accompagnement a un prix : le projet numérique coûte à cet établissement privé autour de 350 000 francs suisses (320 000 euros) par an – soit au moins trois fois plus que le budget qu’un gros établissement public français consacre au numérique. Et les ressources globales du lycée sont un peu plus élevées qu’en France – 11 900 euros par élève et par an à Zurich (contre environ 10 000 en France), financés par les familles ou, pour certains expatriés, par les entreprises qui les emploient, selon un barème progressif qui va de 5 000 à 25 000 euros selon le quotient familial.

« Il est vrai que tout cela a un coût, en matériel, en temps de formation et en personnel », précise François Latouche. Une équipe de trois personnes assure le support technique. Un « coût d’entrée » dissuasif pour un établissement public, même si l’équipe de direction du lycée assure faire désormais des économies d’échelle.

Les lauréats des trophées EdTech MGEN 2019

Les gagnants des Trophées MGEN EdTech 2019 ont été dévoilés lundi 14 octobre à Paris. Sur les 94 participants, 9 finalistes ont défendu leur projet face à un grand jury composé de représentants du Groupe MGEN, d’experts du secteur de l’éducation et de la formation ainsi que de personnes issues de l’écosystème EdTech. Les projets ont également été soumis aux adhérents, salariés et militants de la MGEN, pour le Prix coup de cœur.

Les gagnants sont :

Onzic (premier prix)

Cette plate-forme permet aux lycéens de transformer leurs cours en rap. L’apprentissage est ainsi plus simple, rapide et « cool ». Onzic va prochainement être accessible aux collégiens et aux étudiants.

Mila (second prix et Prix coup de cœur)

Mila est un dispositif interactif musical pour les enfants atteints de troubles de l’apprentissage. Lancé par la start-up Bmotion Technologies, Mila est conçu par un collectif d’ingénieurs, de neurologues et d’orthophonistes.

Les Petits Mandarins (second prix ex aequo)

Conforme aux programmes de l’éducation nationale, la plate-forme interactive d’apprentissage Les Petits Mandarins aide l’enseignant à redynamiser l’enseignement du chinois qui connaît un fort taux de désengagement des apprenants.

Le premier prix était doté de 15 000 euros, le second de 10 000 et le Prix coup de cœur de 10 000 euros. Ces trois projets seront également accompagnés dans leur développement pendant un an.

Les autres finalistes étaient : L’Académie des entrepreneurs, Lalilo, Myfuture, Pitchboy, Pixis et United Schools.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec les trophées EdTech de la MGEN.

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