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Tours : le producteur des spectacles des Bodin's, de Gims et d'autres artistes se dit "à deux doigts du crash"

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Claude Cyndecki est parmi les plus gros producteurs indépendants de spectacles en France. Depuis 1996, Cheyenne Productions, fondée à Tours, a travaillé avec les Bodin's, Gims, Mylène Farmer, Dany Boon...Mais après avoir repoussé 1 500 représentations, Cheyenne est "à deux doigts du dépôt de bilan".

Le patron de Cheyenne Productions a reporté près de 1 500 spectacles depuis fin février. Une perte de plus de cinq millions d'euros qui met ce producteur indépendant au bord du dépôt de bilan. Le patron de Cheyenne Productions a reporté près de 1 500 spectacles depuis fin février. Une perte de plus de cinq millions d'euros qui met ce producteur indépendant au bord du dépôt de bilan.
Le patron de Cheyenne Productions a reporté près de 1 500 spectacles depuis fin février. Une perte de plus de cinq millions d'euros qui met ce producteur indépendant au bord du dépôt de bilan. © Radio France - Boris Compain

La crise sanitaire met en danger l'existence même de Cheyenne Productions. Depuis 1996, cette société tourangelle fait partie des plus gros producteurs indépendants de spectacles : Cheyenne produit les spectacles des Bodin's, mais a aussi travaillé avec Mylène Farmer, Elton John, Dany Boon ou Stevie Wonder, parmi beaucoup d'autres. La société compte 25 salariés, mais certains soirs, il y a jusqu'à 2.000 personnes qui travaillent sur les différentes tournées qu'elle organise. Avant le Covid-19, Cheyenne Productions réalisait 30 à 40 millions d'euros de chiffres d'affaire par an.

Où en est Cheyenne Productions aujourd'hui ?

Claude Cyndecki : on est à deux doigts du dépôt de bilan, à deux doigts du crash. Depuis le 29 février, j'en suis à peu près à 1.500 spectacles reportés. Stars 80 c'est le 3e report, Gims aussi, deuxième report pour I Muvrini. C'est un enfer car on ne sait pas si on doit reporter à l'été 2021, à fin 2021, voire carrément à 2022. En fait, ce Covid fait que nous avons perdu confiance en nous et ma peur c'est qu'on perde aussi la confiance du public.

Dans une lettre ouverte au mois d'août, vous aviez critiqué la frilosité des banques en expliquant que vous n'aviez pas pu bénéficier du prêt garanti par l'Etat (PGE), ça s'est amélioré depuis? 

C.S : ah non, c'est une catastrophe. On a beaucoup travaillé avec des avocats, avec des banquiers, avec l'Etat aussi et le médiateur de l'Etat qui est fantastique. C'est la froideur des banquiers qui m'a effrayé et c'est pour ça que vraiment, je dis que notre seul partenaire et notre seul soutien c'est le public. En fait, c'est un contrat moral que nous avons avec ce public qui a acheté un billet et on lui promet que nous allons revenir dès qu'on nous l'autorisera. On nous interdit de travailler. Je parlais de mort lente au printemps dernier...Aujourd'hui, vous parlez avec un mort-vivant. Mais ce n'est pas la faute du gouvernement ou des autorités. C'est ce putain de virus qui nous empêche de faire se rassembler les gens. C'est catastrophique.

Vous avez mesuré vos pertes financières? 

C.S : ah oui. J'en suis rendu à environ cinq ou six millions d'euros de perte. Je suis un entrepreneur privé, je ne peux pas supporter une telle perte. 

Mais pourquoi aucune banque n'accepte de vous accorder le PGE?

C.S : c'est très simple : premièrement, je suis entrepreneur dans le milieu de la culture et dans ce secteur, il n'y a pas que des coups gagnants. Deuxièmement, Ils me demandent quand je pourrai recommencer à travailler et à rembourser le prêt...et c'est vrai que c'est une bonne question. Et enfin, de toute ma carrière, je n'ai jamais demandé l'aide d'une banque. Je n'ai jamais fait un emprunt ou un crédit. Je me suis toujours autofinancé avec mes fonds propres. Donc aujourd'hui ils me disent "Mr Cyndecki, nous ne sommes pas en affaire avec vous. Pourquoi prendrions-nous le risque de vous prêter de l'argent alors qu'on ne sait pas si vous pourrez le rembourser?".

Comment réagissez-vous à ça?

C.S : j'ai dit "Fuck Off les gars". Vous avez juste en face de vous quelqu'un qui bosse dans cette industrie depuis 35 ans, qui a une société qui est saine depuis 25 ans. Je n'ai jamais fait un emprunt dans ma vie, jamais fait un chèque en bois et aujourd'hui qu'on est en pleine crise, et ce n'est pas Cheyenne Productions qui est crise, c'est le monde entier qui est en crise, vous nous refusez votre aide. Voilà ou j'en suis aujourd'hui.

L'avenir de Cheyenne Productions concerne directement ou indirectement combien d'emplois?

Sincèrement, à certaines périodes de l'année, de novembre à mars-avril, il y a certains week-end jusqu'à 2.000 personnes qui travaillent sur 10 ou 11 tournées de Cheyenne qui cartonnent. Les techniciens, les manutentionnaires locaux. C'est ça la grande réussite de Cheyenne. C'est une réussite sociale et tant que je vivrai, je ferai des choses qui réunissent des gens. Même si ça devait se faire sans Cheyenne, il y aura une reprise un jour, mais il ne faut pas que cette crise sanitaire serve les intérêts des "majors", ces grosses entreprises multinationales cotées en bourse. Je revendique mon indépendance car c'est fort de diversité. Quand vous allez travailler avec une grosse boîte américaine qui a le marché mondial en main, elle va vous proposer des billets à 200 euros pour aller voir Jay-Z et Beyoncé au stade de France. Vous ne voyez rien et vous vous faites chier donc il faut défendre notre différence, notre diversité culturelle française et nos intermittents, qui sont des gens de qualité que nous devons défendre.  

Vous êtes inquiet pour beaucoup d'entre eux?

C.S : je ne suis même plus inquiet, je ne dors plus la nuit. Qui va pouvoir tenir? Les prestataires qui nous fournissent le son, la lumière ou les décors par exemple, ce sont des gens qui investissent pour nous fournir ce dont nous avons besoin pour faire de beaux spectacles. Beaucoup sont très endettés et leur parc de matériel ne travaille plus. Qui va pouvoir tenir?

L'Etat a annoncé la semaine dernière 85 millions d'euros pour soutenir la filière du spectacle vivant. Il y avait déjà eu d'autres annonces avant. Ca vous semble suffisant? 

C.S : depuis le départ, je suis en accord avec le gouvernement, ne serait-ce que pour ce dispositif du chômage partiel pour nos salariés et nos intermittents, c'est fantastique. Nous sommes le seul pays au monde à bénéficier de ça pour toutes les filières, sans même parler uniquement des gens du spectacle.

Vous avez tout de même une note d'optimisme?

C.S : je suis quelqu'un de fondamentalement optimiste, c'est dans mon A.D.N. Je suis le producteur des Bodin's, et en mars j'avais été obligé de rapatrier toute l'équipe de Thaïlande où le tournage de leur troisième film devait commencer. Là, par je ne sais quel magie, j'ai réussi à leur obtenir des visas professionnels : nos artistes et les techniciens sont à Bangkok depuis trois semaines. Ils sont sortis de quarantaine il y a une semaine et ça y est, on donne le premier clap et on met les caméras en marche. On se remet au travail et on va enfin pouvoir sortir ce troisième film des Bodin's qu'on attend tant.

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