Portrait

François Lecointre, chef d’état-major des Armées, quittera ses fonctions en juillet

La France en guerre au Malidossier
Il sera remplacé par l’actuel patron de l’armée de terre, qui devra mener à bien la transformation de l’engagement militaire français au Sahel.
par Pierre Alonso
publié le 14 juin 2021 à 18h51

Le général François Lecointre ne terminera pas le mandat d’Emmanuel Macron comme chef d’état-major des Armées, et ce n’est pas un hasard. Dès l’automne, le militaire avait exprimé son souhait de quitter ses fonctions rapidement, en tout cas avant l’échéance électorale de 2022. «La première raison, c’était d’éviter la politisation de [cette] fonction. Je ne souhaitais pas que le chef d’état-major des Armées parte en même temps que le président de la République. […] Le chef d’état-major est un chef militaire, je ne souhaitais pas qu’il soit associé à un politique. Je pense qu’il faut éviter qu’on imagine que le chef d’état-major des Armées est choisi pour ses opinions politiques», a-t-il expliqué dimanche sur RTL.

Il aura passé quatre ans à la tête des Armées, une durée supérieure à la moyenne de ses prédécesseurs. Le général Thierry Burkhard, actuel patron de l’armée de terre, prendra sa succession en juillet, assurant ainsi un «tuilage», une continuité militaire avant le grand rendez-vous politique de l’année prochaine. Une pluie d’hommages de l’Elysée et de la ministre des Armées, Florence Parly, ont salué son départ.

François Lecointre avait pris ses fonctions peu après l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et juste après la violente crise qui avait opposé le chef de l’Etat, et des armées, au général de Villiers, crise qui s’était soldée par la démission de celui-ci. Lecointre, 55 ans à l’époque, n’était pas forcément le favori. Dès sa nomination, son passé opérationnel est ressorti. Fils d’un commandant de sous-marin nucléaire lanceur d’engin, saint-cyrien ayant choisi l’infanterie de marine, il a servi en Centrafrique, pendant la guerre du Golfe, au Rwanda pendant l’opération Turquoise, et surtout à Sarajevo, comme casque bleu. Il racontera dans un documentaire l’effroyable bataille pour reprendre aux forces serbes le pont de Vrbanja. Un combat au corps à corps, souvent présenté comme la dernière offensive «baïonnette au canon» de l’armée française.

«Singularité militaire»

Est-ce cette expérience si particulière ? Le général Lecointre est resté profondément hanté par la mort. Il en parle avec émotion lorsqu’il s’agit des hommes sous ses ordres tombés au combat et de leurs familles endeuillées. Et il l’évoque avec gravité pour définir la «singularité militaire» à laquelle il est farouchement attaché : les militaires peuvent donner la mort sur ordre.

Opérationnel, l’officier a aussi connu les états-majors et les sphères «politico-militaires» au ministère de la Défense et à Matignon, sous Manuels Valls, Bernard Cazeneuve puis Edouard Philippe. Avant de retourner à Balard, dans le bureau au centre de l’Hexagone. Depuis son poste de chef d’état-major des Armées, il a poursuivi l’engagement en Irak et en Syrie, qui a décru après la reprise du territoire que contrôlait l’Etat islamique, a lancé l’opération Agénor dans le golfe Persique et Irini en Méditerranée pour faire respecter l’embargo sur les armes à destination de la Libye.

Il a surtout hérité de la guerre de la France au Sahel. Aucune des stratégies tentées depuis 2017 n’a permis de faire baisser durablement la violence. Le général Lecointre paraissait lucide sur les limites de Barkhane. «Je ne pense pas qu’il soit possible de régler le problème au Mali en moins de dix à quinze ans, si tant est que nous le puissions», avait-il déclaré en 2018 à l’Assemblée nationale. «Dans dix ans l’Europe sera toujours engagée au Sahel et sans doute plus qu’aujourd’hui», répétait-il encore récemment.

Emmanuel Macron vient d’annoncer la fin de Barkhane et la mise en place d’un nouveau dispositif militaire français au Sahel. Si les options ont été mûrement étudiées sous les ordres de Lecointre, c’est son successeur qui les mettra en musique, sans être comptable des déclarations inquiètes de son prédécesseur. Le général Lecointre aspire désormais à faire autre chose. Ces dernières semaines ont été mouvementées avec l’affaire des tribunes signées par d’anciens officiers, dans laquelle il s’est personnellement exposé en demandant des sanctions. Lorsqu’il aura quitté l’uniforme, François Lecointre songe à faire du bénévolat : visiteur de prison.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus