Le ghosting, jusqu’alors utilisé dans le cadre des rencontres amoureuses, s’est immiscé dans le monde du travail. Au lieu d’envoyer un mail de refus après un ou plusieurs entretiens, les recruteurs, comme les candidats, se mettent simplement à couper le contact sans explications pendant la phase de recrutement. La BBC a essayé d’expliquer ce phénomène.

Laura est une des nombreuses candidates à avoir fait l’expérience du “ghosting”, après avoir proposé sa candidature à une société de musique internationale établie à Londres. Un entretien au téléphone, puis un en personne, et plus de nouvelles. Pourtant Laura était confiante : “On m’a dit que j’avais eu le poste”, raconte-t-elle. Mais elle a simplement été ignorée malgré ses relances.

La pratique est fréquente. Selon les résultats d’une étude menée sur 1 500 travailleurs en 2022 par Greenhouse Software, une société américaine qui propose un logiciel de recrutement pour les entreprises, 75 % des candidats ont déjà été “ghostés” après un entretien. D’ailleurs, c’est assumé : en 2021, seuls 27 % des employeurs américains déclarent ne pas avoir “ghosté” de candidat pendant l’année passée, selon un sondage mené par Indeed, une plateforme d’offres d’emploi. Ils ne sont pas les seuls à le faire car les candidats s’y mettent aussi de plus en plus. Ils étaient 28 % à avoir déjà eux aussi “ghosté” les recruteurs en 2021, soit 9 % de plus qu’en 2019.

Une pratique accentuée par la pandémie

Yuletta Pringle, conseillère en ressources humaines et membre de l’association américaine Society for Human Resource Management, attribue cette hausse à “la grande démission”. “Avec la pénurie de main-d’œuvre, les employeurs cherchent à recruter à tout prix, ce qui signifie qu’ils doivent envoyer une tonne d’offres d’emploi en ligne et ne peuvent pas toujours répondre à tout le monde,” explique-t-elle. Naturellement du côté des candidats, avec cette forte demande, il est possible de chercher le “poste idéal” et de faire la même chose.

Une autre raison peut expliquer le phénomène : la digitalisation du processus de recrutement. “Avant la pandémie, seule une petite partie des entretiens d’embauche se faisaient en ligne. Maintenant, 99 % des premiers entretiens se font à travers des appels sur Zoom”, souligne Craig Freedberg, directeur régional des ressources humaines pour le cabinet de conseil Robert Half, à Londres. “Il peut parfois être plus difficile de créer du lien avec quelqu’un virtuellement”, ajoute-t-il. Sans ce contact humain, et avec l’afflux d’offres, comme de candidats, les employeurs et leurs potentiels futurs employés ont donc plus de facilité à s’ignorer en cours de recrutement, sans donner la moindre explication.

Cette absence de réponse peut laisser une mauvaise impression, “comme mettre fin à une relation professionnelle avant même qu’elle ait commencé”, précise la BBC. Certains employeurs luttent donc contre la tendance, tel Christoph Hardt, cofondateur de la société de conseil CoMatch, qui considère être “clairement anti-ghosting”.

En effet, sans explications, le silence peut faire des dégâts. Pour certains candidats, le fait d’avoir été ignoré peut provoquer une remise en question professionnelle qui n’avait pas lieu d’être. Comme ce fut le cas pour Laura.