Aperçu: Le virus d’Epstein-Barr est un facteur de risque de la SP

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Selon les chercheurs, l’apparition de la SP pourrait s’expliquer par une combinaison de facteurs génétiques, environnementaux et liés au mode de vie. Or, on soupçonne depuis longtemps que le virus d’Epstein-Barr (VEB), virus à l’origine de la mononucléose infectieuse (communément appelée « maladie du baiser »), compte parmi les facteurs de risque de la SP.

Des études de recherche ont fourni quelques données probantes sur le lien entre l’infection par le VEB et la SP. On sait que les personnes qui ont reçu un diagnostic clinique de mononucléose infectieuse voient leur risque d’avoir la SP plus que doubler et que le taux d’anticorps anti-VEB produits à la suite d’une infection par ce virus est plus élevé chez les personnes qui ont reçu un diagnostic de SP que chez celles qui ne sont pas atteintes de cette maladie1. Plus précisément, l’apparition de la SP est précédée par une réponse immunitaire accrue dirigée contre une protéine du VEB appelée « EBNA12-4 ». On sait également que c’est l’adolescence, et non l’enfance, qui serait la période critique pendant laquelle une infection par le VEB est associée à un risque accru de SP5. Or, comme 90 % des adultes sont porteurs du VEB, il est difficile d’établir une relation de causalité entre l’infection par ce virus et l’apparition de la SP. On n’a pas non plus élucidé les mécanismes sous-jacents à une telle relation.

Une équipe de recherche de l’Université de Harvard vient de publier un article qui fera date, car il fournit les données probantes les plus solides qui soient sur l’existence d’une association entre l’infection par le VEB et l’apparition de la SP. Après avoir analysé les échantillons sanguins et les données cliniques de 10 millions de jeunes adultes membres du personnel militaire états-unien sur une période de 20 ans, cette équipe a découvert que presque tous les sujets atteints de SP avaient été infectés par le VEB avant l’apparition de la SP. En fait, l’infection par le VEB multiplierait par 32 la probabilité d’avoir la SP. L’étude menée par cette équipe semble indiquer également que l’infection par le VEB serait l’un des facteurs déclencheurs initiaux de la SP ou qu’elle créerait à tout le moins des conditions nécessaires à l’apparition de cette maladie6. Certes, l’infection par le VEB est probablement nécessaire au déclenchement de la SP, mais elle ne suffit pas à elle seule. On pense en effet que d’autres facteurs entrent en ligne de compte. Pour en savoir plus à ce propos, nous vous invitons à cliquer ici.

En s’employant à mieux comprendre le lien qui existe entre l’infection par le VEB et la SP, un groupe de recherche de l’Université Stanford a établi récemment qu’à la suite d’une infection par le VEB, il y avait formation d’anticorps dirigés spécifiquement contre l’un des constituants de la protéine virale EBNA1 chez les personnes atteintes de SP. Ces anticorps anti-EBNA1 sont également capables de détecter une protéine du système nerveux central, appelée « GlialCAM » (de l’anglais glial cell adhesion molecule; molécule d’adhésion exprimée par les cellules gliales), qui est l’un des constituants de la gaine de myéline (enveloppe protectrice des fibres nerveuses qui est souvent endommagée chez les personnes atteintes de SP). Cette étude permet donc de croire que l’infection par le VEB peut déclencher une réponse immunitaire attribuable à un mimétisme moléculaire7. Après cette infection, le système immunitaire produit des anticorps dirigés contre le virus envahisseur et les protéines de ce virus. Mais ces anticorps ciblent également la myéline de l’hôte, parce que l’une des protéines qui la constituent ressemble à une protéine virale, ce qui déclenche une réponse auto-immune. Le mimétisme moléculaire serait donc l’un des mécanismes suivant lesquels l’infection par le VEB peut déclencher la SP.

Ces nouvelles observations pourraient servir de catalyseurs pour la mise au point de solutions ciblant le VEB et susceptibles par là même d’aider non seulement les personnes qui vivent avec la SP, mais aussi celles qui pourraient recevoir un tel diagnostic un jour. La mise au point d’un vaccin efficace contre le VEB permettrait-elle de prévenir l’apparition de la SP? Il n’y a pas encore de vaccin contre le VEB sur le marché; cela dit, il existe déjà un certain nombre de candidats vaccins qui en sont à divers stades d’élaboration. Par exemple, les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis sont en train de mettre au point des candidats vaccins contre le VEB, et l’entreprise biotechnologique Moderna a récemment annoncé l’admission du premier sujet à son essai de phase I sur un vaccin contre le VEB. Les antiviraux qui ciblent les cellules infectées par le VEB peuvent-ils constituer un traitement efficace pour les personnes qui vivent avec la SP? Les traitements antiviraux pourraient traiter l’infection par le VEB. De fait, une nouvelle indication contre le VEB pourrait être attribuée à un certain nombre d’antiviraux qui sont déjà utilisés chez l’humain. À ce jour, les antiviraux ont permis le traitement et la prise en charge efficace d’autres maladies infectieuses telles que l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et l’hépatite C. Atara Biotherapeutics s’affaire à la mise au point d’une immunothérapie par lymphocytes T (ATA188), qui fait actuellement l’objet d’un essai de phase II (étude EMBOLD) au cours duquel les chercheurs veulent évaluer l’innocuité et l’efficacité de ce produit chez des personnes atteintes de SP progressive. Plus précisément, les auteurs de cette étude espèrent déterminer la capacité de cette immunothérapie par lymphocytes T à cibler de manière sélective des antigènes du VEB qui pourraient intervenir dans le processus pathologique sous-jacent à la SP. En effet, si on cerne mieux le rôle que le VEB joue dans ce processus, on sera plus à même d’optimiser les stratégies de prévention et de traitement.


FOIRE AUX QUESTIONS

Faudrait-il que les membres de ma famille ou moi-même nous fassions tester pour savoir si nous avons été infectés par le VEB?

Il n’est pas nécessaire de se faire tester, puisque plus de 90 % des adultes sont porteurs du VEB. Il semble que l’infection par le VEB soit une condition nécessaire à l’apparition de la SP, mais qu’elle ne suffise pas à elle seule. On ne comprend pas encore pourquoi seules certaines personnes ayant été infectées par le VEB finissent par recevoir un diagnostic de SP – cela pourrait notamment s’expliquer par l’implication d’autres facteurs.

Est-ce possible d’avoir la SP sans avoir eu la mononucléose infectieuse?

L’infection par le VEB durant l’adolescence est à l’origine d’une mononucléose infectieuse chez plus de la moitié des personnes concernées. Or, cette infection ne se manifeste pas toujours par une mononucléose infectieuse. Nombreuses sont les personnes porteuses du VEB qui ne sauront jamais qu’elles ont été infectées par ce virus. Par conséquent, il est possible d’avoir la SP sans jamais avoir eu la mononucléose infectieuse.

La Société canadienne de la SP finance-t-elle des études sur le VEB et la SP?

La Société canadienne de la SP finance plusieurs études de recherche dont l’objectif consiste à élucider le rôle joué par le VEB dans l’apparition de la SP. À titre d’exemple, Marc Horwitz, Ph. D., et son équipe de l’Université de la Colombie-Britannique sont en train de créer des modèles murins (souris, en l’occurrence) qui ont un système immunitaire semblable à celui d’un humain, afin d’examiner comment l’infection par le VEB influe sur les populations de cellules immunitaires et comment elle accentue la prédisposition à la SP et le risque de progression de cette maladie. À ce jour, ils ont démontré qu’une maladie semblable à la SP apparaît plus tôt et évolue vers une forme plus grave chez les souris infectées par le VEB que chez les souris qui n’ont pas été exposées à ce virus. Pour en savoir plus à ce propos, reportez-vous à la section « Travaux de recherche subventionnés par la Société de la SP » de notre site Web.

Comment ces nouveaux travaux de recherche sur le rôle du VEB comme facteur déclencheur initial de la SP contribuent-ils à la découverte d’un remède contre la SP?

À la lumière des données probantes qui indiquent que l’infection par le VEB serait l’un des facteurs déclencheurs initiaux de la SP, le milieu de la recherche et l’industrie pharmaceutique pourront porter leurs efforts sur des stratégies de prévention et de traitement de la SP qui ciblent le VEB.

À quel moment un vaccin contre le VEB sera-t-il offert? 
Tous les essais sur les vaccins ou les traitements contre le VEB en sont à leurs premières phases (phase I ou II), et le passage à la phase suivante n’est pas prévu avant plusieurs années. Les personnes qui aimeraient se tenir informées sur ces essais ou y être admises dans les centres canadiens participants (s’il y en a) sont invitées à consulter la section « Traitements à l’étude » du site Web de la Société canadienne de la SP pour obtenir un complément d’information à ce sujet.

RÉFÉRENCES :

1, HANDEL, A. E. et coll. « An updated meta-analysis of risk of multiple sclerosis following infectious mononucleosis », PLoS One, 2010 Sep 1; 5(9):e12496. doi: 10.1371/journal.pone.0012496. PMID: 20824132; PMCID: PMC2931696.

2. SUNDSTRÖM, P. et coll. « Antibodies to specific EBNA-1 domains and HLA DRB1*1501 interact as risk factors for multiple sclerosis », J Neuroimmunol, 2009 Oct 30; 215(1-2):102-7. doi: 10.1016/j.jneuroim.2009.08.004. Diffusé en ligne le 5 septembre 2009. PMID: 19733917.

3. SUNDQVIST, E. et coll. « Epstein-Barr virus and multiple sclerosis: interaction with HLA », Genes Immun, 2012 Jan; 13(1):14-20. doi: 10.1038/gene.2011.42. Diffusé en ligne le 21 juillet 2011. PMID: 21776012.

4. LÜNEMANN, J. D. et coll. « Elevated Epstein-Barr virus-encoded nuclear antigen-1 immune responses predict conversion to multiple sclerosis », Ann Neurol, 2010; 67(2):159-169. doi:10.1002/ana.21886.

5. ASCHERIO, A. et K. L. MUNGER. « Epidemiology of Multiple Sclerosis: From Risk Factors to Prevention-An Update », Semin Neurol, 2016 Apr; 36(2):103-14. doi: 10.1055/s-0036-1579693. Diffusé en ligne le 26 avril 2016. PMID: 27116717.

6. BJORNEVIK, K. et coll. « Longitudinal analysis reveals high prevalence of Epstein-Barr virus associated with multiple sclerosis », Science, 2022 Jan 21; 375(6578):296-301. doi: 10.1126/science.abj8222. Diffusé en ligne le 13 janvier 2022. PMID: 35025605.

7. LANZ, T. V. et coll. « Clonally expanded B cells in multiple sclerosis bind EBV EBNA1 and GlialCAM », Nature, 2022 Jan 24; doi: 10.1038/s41586-022-04432-7. [Publication en ligne avant impression]. PMID: 35073561.