De l’Antarctique à la Scandinavie en passant par l’Océanie, la contamination des cours d’eau par des résidus de médicaments est présente sur tous les continents. Les auteurs d’une étude d’une ampleur exceptionnelle, à paraître dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) datés du 22 février, ont recherché au total 61 substances couramment utilisées. Ils en ont détecté au moins une dans la totalité des 258 rivières analysées, à part en Islande et dans un village yanomami au Venezuela. Leurs travaux couvrent 106 pays, dont 36 n’avaient jamais fait l’objet d’une surveillance, et concernent plus de 470 millions de personnes et de nombreux écosystèmes.
Parce qu’elle a des effets délétères sur les organismes aquatiques – la féminisation et le changement de comportement de poissons, notamment –, parce qu’elle est préoccupante vis-à-vis de la résistance aux antimicrobiens, « la pollution pharmaceutique constitue une menace mondiale pour l’environnement et la santé humaine », alertent les scientifiques. Qu’elle émane de la fabrication, ou de la consommation et de l’élimination de médicaments, la contamination excède les limites considérées comme sûres dans un quart des sites étudiés, 25,7 % précisément.
Parmi les substances qui dépassent fréquemment les seuils considérés comme non délétères pour les écosystèmes, et présentes presque partout, reviennent souvent un antimicrobien (le sulfaméthoxazole), des antidépresseurs (l’amitriptyline, le citalopram), des antihistaminiques (la loratadine, la fexofénadine, le kétotifène).
Concentrations d’antibiotiques
Le plus grand dépassement a été observé pour un antibiotique, le métronidazole, à Barisal, au Bangladesh, non loin de l’arrivée d’eaux usées provenant d’une usine de médicaments. Sa concentration était plus de 300 fois supérieure à la « cible sûre », selon la terminologie de l’étude. Les scientifiques s’inquiètent au demeurant des concentrations d’antibiotiques, qui favorisent l’émergence de bactéries résistantes.
Pour réaliser cette analyse d’un millier de sites, l’université de York au Royaume-Uni s’est adressée à ses nombreux contacts. Au total, 127 auteurs de 86 organismes y ont participé, en utilisant des échantillonnages harmonisés. « Nous avons contribué avec des prélèvements réalisés dans une rivière du Beaujolais que nous suivons habituellement, témoigne Arnaud Chaumot, chercheur au laboratoire d’écotoxicologie de Villeurbanne (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Inrae). Même si les analyses ne sont pas parfaitement réparties dans le monde, elles sont suffisamment larges pour refléter à quelle échelle le problème se pose. »
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