"Avec David Bowie, j'ai eu l'impression qu'on me faisait passer le grand oral de l'école des rock-critiques !"

Encore du rock, toujours du rock

Philippe Manœuvre a toujours écrit sur le rock.

"Encore le rock, toujours le rock. Jamais rien d'autre. Je me suis fait une raison. J'ai essayé plusieurs fois de commencer des romans, ce n'est pas la peine. Des choses qui me sont arrivées me paraissent déjà assez incroyables. J’ai eu une vie tellement incroyable avec mes rockeurs, qu'aujourd'hui, les gens viennent me voir pour des anecdotes et ça leur plaît beaucoup."

Dans son nouveau livre Flashback Acide, Philippe Manœuvre raconte comment les Scorpions l’ont emmené avec eux en Union soviétique quand ils ont fait leurs premiers concerts de métal avant la chute du mur de Berlin. Deux ans avant la chute du mur, les Russes ont autorisé dix concerts de métal en Union soviétique. C’était l’arrivée du métal en URSS. Ils connaissaient jusque-là Billy Joel et Elton John. Philippe Manœuvre a également consacré un chapitre sur David Bowie qu'il a rencontré six fois pour de longues interviews.

"A l'époque, en 75, on entrait dans sa chambre à 14 heures, on ressortait à 18h. C'était vraiment de longues interviews. A un moment, avec David Bowie, j'ai eu l'impression qu'on me faisait passer le grand oral de l'examen de sortie de l'école des rock-critiques."

Pendant ces six heures d’interview, Philippe Manœuvre et David Bowie ne parlaient pas seulement de rock, mais aussi de cinéma. David Bowie a demandé à Philippe Manœuvre s’il connaissait le cinéma japonais, et il s’est souvenu d’un film qu’il avait vu au ciné-club.

"Je lui ai dit : "J'ai un film que j'aime beaucoup, c'est Onibaba, women killers.""

Ce film en noir et blanc, entre le fantastique et le gothique, est de 1964  et raconte l’histoire de deux femmes tueuses qui attirent les samouraïs. L’une est jeune et l’autre âgée ; la jeune attire les samouraïs et celle plus âgée les tue. Elles revendent par la suite les armures. Un jour, pour faire peur à la tueuse âgée, la jeune met une armure mais n’arrive plus à la décoller de son visage.

"J'étais tombé pile poil sur le film japonais préféré de David Bowie. Son assistante est entrée en disant : "Bon les gars, la récréation est terminée. Il va falloir poser la dernière question." David Bowie a réagi en disant que je devais rester. Aujourd'hui, si quelqu'un arrive à coincer l'équivalent de David Bowie, les maisons de disques lui accorderait dix minutes et quatre phrases. "

Le rock existe-t-il toujours ?

Selon Philippe Manœuvre le rock existe toujours mais est en train de muter car les maisons de disques, les majors ont décidé de ne plus signer de groupes de rock. Cela ne les intéresse plus et se tournent désormais vers la musique urbaine comme Orelsan, Booba et d’autres rappeurs.

"Je constate que le rock n’a jamais été aussi populaire en France. C'est vraiment un truc populaire ! J’habite dans une petite fermette en Picardie et dans ma campagne, j'entends beaucoup de gens jouer du rock dans les granges avec des groupes de blues, de hard ou de métal. Je trouve ça génial."

Les maisons de disques ont arrêté le vinyle pour le CD, mais de plus en plus de personnes reviennent aux vinyles. Pour Philippe Manœuvre, les maisons de rock sont en train d’arrêter le rock mais il n’y a qu’eux qui sont passés à autre chose. Beaucoup de personnes écoutent encore du rock aujourd’hui.

La critique rock

Philippe Manoeuvre parle de la critique rock :"On était des punks. A un moment, on a commencé à dire que les Stones on en avait marre et on a été très méchant vis-à-vis d’eux ou des artistes qui nous semblaient devenir bourgeois. Il y avait une espèce de bourgeoisie. "

Le critique est arrivé dans le rock en 1973 et a publié son premier article un an après. Les punks sont arrivés en 1976 et Philippe Manœuvre se sentait appartenir à cette génération. Toutefois, des groupes se sont accrochés comme les Rolling Stones, fondateurs de la lignée des bad boys. D’après Philippe Manœuvre, les Sex Pistols sont leurs petits frères et les rockeurs de cette génération encore actifs aujourd’hui sont Bob Dylan, les Stones, Paul MacCartney ou encore Neil Young.

Par ailleurs, Bob Dylan a été prix Nobel de littérature. Philippe Manœuvre trouve cette récompense amplement méritée : "J'ai applaudi des deux mains ce prix Nobel. L'écriture d'une chanson, c'est la même que celle d'un poème ou d’un roman. Je ne vois pas de différence et je trouve cela très noble. Écrire une chanson avec des phrases qui vont rester dans la tête des gens, comme "Pour vivre hors-la-loi il faut être honnête". Ce sont des phrases qui ont beaucoup d'importance pour ma génération. Sad-Eyed Lady of the Lowlands ou La fille aux yeux tristes des bas pays est la dernière chanson de l’album Blonde on Blonde de Bob Dylan ; et quand je l'écoute, ça me fait rêver. Bob Dylan ça vieillit bien et puis maintenant je suis un peu vieux ou plutôt un peu moins jeune donc souvent dans ma petite ferme je fais un feu de cheminée et j’écoute Bob Dylan. Je recommande à tout vos auditeurs Love and Theft, un de ses albums de l’an 2000. "

Marc Zermati, fondateur du punk en France téléphone à Philippe Manœuvre huit jours avant sa mort. Tout le monde attendait le nouvel album de Bob Dylan et Marc Zermati lui dit "Tu sais, Dylan, c'est le seul qui continue à chercher ce qu'on cherchait dans les années 60. C'est le seul artiste qui n'est pas sur scène à nous égrener ses gold. C'est le seul à continuer à jouer des nouveaux morceaux et à faire des nouveaux albums aussi importants aujourd'hui qu'ils étaient hier."

Actualité : Philippe Manœuvre a sorti son nouveau livre Flashback Acide, aux éditions Robert Laffont en novembre 2021.