Les législatives seraient-elles devenues aux yeux des Français une échéance secondaire dans la vie démocratique ? Si cette fin de campagne a donné lieu à une politisation des enjeux du scrutin sur fond de duel entre la Nupes et Ensemble !, elle dissimule, dans un effet trompe-l’œil, un rapport de plus en plus distancié à l’Assemblée nationale. L’abstention record observée au premier tour (52,49 %), dimanche 12 juin, témoigne d’une désaffection profonde pour la représentation nationale, dans la continuité de cette crise qui frappe les institutions de la Ve République.
Sur le terrain, les députés, qui sont rarement reconnus par leurs concitoyens, témoignent très souvent de la méconnaissance vis-à-vis de leur fonction. En novembre 2021, une étude de la Fondation Jean Jaurès a souligné que seulement 44 % des Français ont confiance dans leur Assemblée nationale, un chiffre stable depuis plusieurs années. Et que 59 % d’entre eux continuent de trouver l’institution utile. Une chute significative en comparaison des 80 % mesurés lors de la même enquête, en 1985.
Pourtant, sans majorité – absolue ou même relative –, un président de la République ne peut pas imposer sa seule volonté sur la politique nationale. Une fois ce mythe déconstruit, selon lequel la tête de l’exécutif serait autorisée à décider de tout, tout seul, en tout temps, le désinvestissement démocratique n’est que le symptôme d’un mouvement de fond, lié à une rupture de confiance.
Mécanique déformante
Ce n’est plus un mystère. Les sciences politiques ont démontré une corrélation nette entre le mode de scrutin et la participation électorale. Dans les pays nordiques notamment, les élections législatives restent l’un des scrutins les plus mobilisateurs (autour de 80 %). Chez nos voisins européens, le pouvoir s’exerce de façon plus collégiale à travers des scrutins mixtes ou proportionnels qui donnent lieu à des coalitions, faisant vivre le pluralisme politique dans les chambres parlementaires.
Car c’est bien là l’une des premières raisons au peu de participation aux législatives, le mode de scrutin majoritaire écrase l’expression individuelle des différentes sensibilités. A quoi bon voter si l’on sait d’ores et déjà que son bulletin s’effacera dans la mécanique déformante du scrutin majoritaire ?
En outre, le désintérêt d’une partie des électeurs pour le jeu politique a atteint son acmé après deux ans de crise sanitaire, l’irruption de la guerre en Ukraine et le sentiment de déclin qui gagne toujours un peu plus l’opinion publique. A cela s’est ajoutée la restructuration des différents camps politiques en trois blocs après la présidentielle. Pour les non-initiés, reconnaître les visages et les idées qui se cachent derrière la valse de ces nouvelles étiquettes neutralisées – Ensemble !, Renaissance, Horizons, Nupes, Reconquête !, et même Rassemblement national – n’a rien d’évident.
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