Intelligence artificielle

Pas seulement à Montréal, à Matane aussi

L’expertise en intelligence artificielle ne se limite pas à Montréal. Depuis 2011, le Centre de développement et de recherche en intelligence numérique (CDRIN) et son équipe réalisent de petits miracles loin des grands centres, à Matane. Entretien avec Isabel Cayer, à la direction générale de l’organisme.

Concrètement, que faites-vous au CDRIN ?

On travaille avec trois grands secteurs d’activité, dont le principal est la créativité numérique : tout ce qui touche au jeu vidéo, au visuel, à l’animation, à l’expérience immersive. L’éducation et la santé sont nos deux domaines secondaires. On fait de la recherche appliquée, du développement expérimental, de l’aide technique et de la formation spécialisée. On arrive très tôt dans l’idéation d’une entreprise qui voudrait intégrer une nouvelle technologie ou améliorer sa productivité. On revoit la littérature, on teste les concepts, on fait un prototype. On a aussi une mission de développement régional, entre autres par notre affiliation au cégep de Matane.

Combien êtes-vous dans l’équipe ?

On a 15 employés à temps plein. L’équipe est complètement dispersée sur la carte du Québec et même au-delà. C’est tout un défi d’organisation. Pour faire de l’intelligence artificielle (IA) à Matane, on a besoin d’experts à Toronto, en France, à Montréal... Notre situation de télétravail a commencé en 2013-2014. C’est difficile de recruter et de garder les talents en IA. Ça prend des projets passionnants, qui font rêver.

Qui sont vos principaux clients ?

Les secteurs avec lesquels nous travaillons ne sont pas en région. Ils sont à Montréal et à Québec. On dessert les industries du jeu et de l’animation des effets visuels et tous les acteurs en périphérie, comme les fournisseurs technologiques. Depuis quelques années, on tente aussi d’amener l’IA à l’extérieur de Montréal. On a donc développé une autre clientèle, celle des organisations et des centres de recherche liés à la mer. Ce marché a été développé pour nous permettre de faire des actions en région. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a un arrimage naturel qui s’est fait entre les deux secteurs. On a par exemple réussi à utiliser les technologies du jeu dans le projet Mer numérique (qui visait à mieux comprendre le fleuve Saint-Laurent en analysant ses données) en en faisant une expérience immersive.

Pourquoi avez-vous décidé de vous implanter à Matane plutôt qu’à Montréal ?

La réponse remonte à très loin ! Le cégep de Matane avait à ses débuts un grand département d’art et photographie. De fil en aiguille, plusieurs formations collégiales en art numérique, comme en animation 3D ou en synthèse d’images, ont été ajoutées. Le Campus Ubisoft, associé au cégep de Matane, forme des techniciens en animation, modélisation et niveaux de jeu. Et le CDRIN, en tant que centre collégial de transfert en technologie, est associé au département d’art numérique.

Avez-vous des exemples de projets en intelligence artificielle que vous avez réalisés ou qui sont en cours ?

On a notamment fait une application pour reconnaître et classer automatiquement des poissons pélagiques, à partir des images des fous de Bassan et de leur pêche quotidienne. Le même chercheur a aussi observé les oiseaux pour comprendre l’état de la colonie et les comportements de ses membres. L’IA permet de le faire de façon moins invasive, de loin. Ce projet va être annoncé dans les prochaines semaines. Dans l’industrie du divertissement, on a un projet d’envergure qui devrait s’échelonner sur trois ans avec six studios de jeux vidéo et d’effets visuels à Montréal. L’IA force ici à la collaboration pour mutualiser les données. Les studios se penchent ensemble sur six axes de recherche et développement pour tout le secteur. On a aussi fait la reconstruction numérique en 3D du Scotsman, une épave au large du Bic. C’est grâce à la Mer numérique qu’on a recruté nos experts et développé notre connaissance en IA. Ces mêmes infrastructures, ce même savoir, servent maintenant à Montréal. Je trouve ça fantastique que la région soit au service de la ville. C’est rare que ça arrive.

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