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Document 62021CJ0528

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 27 avril 2023.
M.D. contre Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Budapesti és Pest Megyei Regionális Igazgatósága.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Fővárosi Törvényszék.
Renvoi préjudiciel – Politique d’immigration – Article 20 TFUE – Jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2008/115/CE – Normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Articles 5, 11 et 13 – Effet direct – Droit à un recours juridictionnel effectif – Décision d’interdiction d’entrée et de séjour adoptée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen européen mineur – Menace pour la sécurité nationale – Absence de prise en compte de la situation individuelle de ce ressortissant d’un pays tiers – Refus d’exécuter une décision juridictionnelle suspendant les effets de cette décision d’interdiction – Conséquences.
Affaire C-528/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:341

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

27 avril 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique d’immigration – Article 20 TFUE – Jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2008/115/CE – Normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Articles 5, 11 et 13 – Effet direct – Droit à un recours juridictionnel effectif – Décision d’interdiction d’entrée et de séjour adoptée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen européen mineur – Menace pour la sécurité nationale – Absence de prise en compte de la situation individuelle de ce ressortissant d’un pays tiers – Refus d’exécuter une décision juridictionnelle suspendant les effets de cette décision d’interdiction – Conséquences »

Dans l’affaire C‑528/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), par décision du 19 juillet 2021, parvenue à la Cour le 26 août 2021, dans la procédure

M.D.

contre

Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Budapesti és Pest Megyei Regionális Igazgatósága,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la quatrième chambre, Mme L. S. Rossi, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2022,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents, assistés de M. K. A. Jáger, en qualité d’expert,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes C. Cattabriga, A. Katsimerou, E. Montaguti, Zs. Teleki et M. A. Tokár, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20 TFUE, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des articles 5, 11 et 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M.D. à l’Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Budapesti és Pest Megyei Regionális Igazgatósága (direction régionale de Budapest et du comitat de Pest de la direction principale de l’organisme national des étrangers, Hongrie) (ci-après l’« autorité de police des étrangers ») au sujet de la légalité de la décision par laquelle cette autorité a adopté une décision d’interdiction d’entrée et de séjour à l’égard de M.D.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La CAAS

3

L’article 25 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19), telle que modifiée par le règlement (UE) no 265/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mars 2010 (JO 2010, L 85, p. 1) (ci-après la « CAAS »), dispose :

« 1.   Lorsqu’un État membre envisage de délivrer un titre de séjour, il interroge systématiquement le système d’information Schengen. Lorsqu’un État membre envisage de délivrer un titre de séjour à un étranger qui est signalé aux fins de non-admission, il consulte au préalable l’État membre signalant et prend en compte les intérêts de celui-ci ; le titre de séjour n’est délivré que pour des motifs sérieux, notamment d’ordre humanitaire ou résultant d’obligations internationales.

Lorsque le titre de séjour est délivré, l’État membre signalant procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement.

[...]

2.   Lorsqu’il apparaît qu’un étranger titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’une des Parties Contractantes est signalé aux fins de non-admission, la Partie Contractante signalante consulte la Partie qui a délivré le titre de séjour afin de déterminer s’il y a des motifs suffisants pour retirer le titre de séjour.

Si le titre de séjour n’est pas retiré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement.

[...] »

Le règlement (CE) no 1987/2006

4

L’article 34 du règlement (CE) no 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2006, L 381, p. 4), dispose :

« 1.   Un État membre signalant est responsable de l’exactitude et de l’actualité des données, ainsi que de la licéité de leur introduction dans le SIS II.

2.   Seul l’État membre signalant est autorisé à modifier, compléter, rectifier, mettre à jour ou effacer les données qu’il a introduites.

[...]»

La directive 2008/115

5

Les considérants 2, 22 et 24 de la directive 2008/115 énoncent :

« (2)

Le Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004 a recommandé la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.

[...]

(22)

Conformément à la convention des Nations unies de 1989 relative aux droits de l’enfant, [adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989,] l’“intérêt supérieur de l’enfant” devrait constituer une considération primordiale pour les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive. Conformément à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, [signée à Rome le 4 novembre 1950,] le respect de la vie familiale devrait constituer une considération primordiale pour les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive.

[...]

(24)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la [Charte]. »

6

L’article 2, paragraphe 2, de cette directive dispose :

« Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers :

a)

faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée conformément à l’article 13 du code frontières Schengen, ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ;

b)

faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition. »

7

L’article 3, points 3 et 6, de ladite directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3)

“retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

son pays d’origine, ou

un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

[...]

6)

“interdiction d’entrée” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour ».

8

L’article 5 de la même directive est libellé comme suit :

« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

a)

de l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)

de la vie familiale,

c)

de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement. »

9

L’article 6 de la directive 2008/115 dispose :

« 1.   Les État membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

2.   Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d’un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d’un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s’applique.

[...]

6.   La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour et/ou une décision d’éloignement et/ou d’interdiction d’entrée dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III ainsi que d’autres dispositions pertinentes du droit communautaire et du droit national. »

10

Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, de cette directive :

« S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. »

11

L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7. »

12

L’article 11, paragraphe 1, de la même directive prévoit :

« Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée :

a)

si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

b)

si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée. »

13

L’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115 est libellé comme suit :

« 1.   Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2.   L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale. »

Le droit hongrois

La loi I

14

L’article 33 de la 2007. évi I. törvény a szabad mozgás és tartózkodás jogával rendelkező személyek beutazásáról és tartózkodásáról (loi no I de 2007, relative à l’entrée et au séjour des personnes jouissant de la liberté de circulation et de séjour), du 18 décembre 2006 (Magyar Közlöny 2007/1.) (ci-après la « loi I »), dispose :

« Le droit d’entrée et de séjour des personnes relevant du champ d’application de la présente loi ne peut être restreint, conformément au principe de proportionnalité, que sur la base d’un comportement personnel de l’intéressé qui représente une menace réelle, directe et grave pour l’ordre public, la sécurité publique, la sécurité nationale ou la santé publique. »

15

L’article 42, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« L’expulsion au titre de la police des étrangers ne peut être ordonnée à l’encontre d’un ressortissant d’un État membre de l’[Espace économique européen (EEE)] ou d’un membre de sa famille qui :

a)

séjourne légalement depuis plus de dix ans sur le territoire de la Hongrie,

b)

est mineur, sauf si l’expulsion se fait dans l’intérêt du mineur. »

La loi II

16

L’article 43 de l’a harmadik országbeli állampolgárok beutazásáról és tartózkodásáról szóló 2007. évi II. törvény (loi no II de 2007, relative à l’entrée et au séjour des ressortissants des pays tiers), du 18 décembre 2006 (Magyar Közlöny 2007/1.) (ci-après la « loi II »), prévoit :

« 1.   L’autorité de police des étrangers prononce une interdiction autonome d’entrée et de séjour à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers séjournant dans un lieu inconnu ou à l’étranger,

a)

à l’égard duquel la Hongrie s’est engagée, en vertu du droit international, à faire respecter l’interdiction d’entrée et de séjour ;

b)

dont l’interdiction d’entrée ou de séjour a été prononcée par le Conseil de l’Union européenne ;

c)

dont l’entrée et le séjour portent atteinte ou mettent en péril la sécurité nationale, la sécurité publique ou l’ordre public ;

[...]

3.   L’initiative de l’interdiction autonome d’entrée et de séjour pour le motif énoncé au paragraphe 1, sous c), [...] peut également être prise par les organes de maintien de l’ordre désignés dans le décret du gouvernement, dans leur propre sphère de compétence, en vue d’accomplir les missions liées à la protection des intérêts définis dans la loi. Si l’interdiction autonome d’entrée et de séjour et l’expulsion au titre de la police des étrangers sont prononcées pour les motifs visés au paragraphe 1, sous c), [...] les organes de maintien de l’ordre désignés dans le décret du gouvernement, dans les cas affectant leurs missions et leurs compétences, formulent une proposition quant à la durée de l’interdiction d’entrée et de séjour. L’autorité de police des étrangers ne peut s’écarter du contenu de la proposition. »

17

L’article 44, paragraphe 1, de cette loi dispose :

« La durée de l’interdiction autonome d’entrée et de séjour au titre de l’article 43, paragraphe 1, sous a) et b), est alignée sur la durée de l’obligation ou de l’interdiction sur laquelle se fonde la décision. La durée de l’interdiction autonome d’entrée et de séjour au titre de l’article 43, paragraphe 1, sous c) à f), est définie par l’autorité de police des étrangers qui prend la décision et est d’une durée maximale de trois ans au plus, susceptible d’être prolongée le cas échéant de trois années supplémentaires au maximum. Il est immédiatement mis fin à l’interdiction d’entrée et de séjour si le motif pour lequel elle a été prononcée a disparu. »

18

Aux termes de l’article 45, paragraphe 1de ladite loi :

« 1)   Avant d’adopter une décision d’expulsion au titre de la police des étrangers d’un ressortissant d’un pays tiers disposant d’un titre de séjour en considération de ses liens familiaux, l’autorité de police des étrangers prend en considération les aspects suivants :

a)

la durée du séjour ;

b)

l’âge et la situation familiale du ressortissant d’un pays tiers et les éventuelles conséquences de son expulsion pour les membres de sa famille ;

c)

les liens du ressortissant d’un pays tiers avec la Hongrie ainsi que l’absence de relations avec son pays d’origine. »

19

L’article 87/B, paragraphe 4, de la même loi énonce :

« L’autorité de police des étrangers saisie de l’affaire est liée par l’avis de l’autorité spécialisée pour ce qui est de la question de l’expertise concernée. »

La loi modificative

20

L’article 17 de la 2018. évi CXXXIII. törvény az egyes migrációs tárgyú és kapcsolódó törvények módosításáról (loi no CXXXIII de 2018, concernant la modification de certaines lois relatives à la migration et d’autres lois reliées), du 21 décembre 2018 (Magyar Közlöny 2018/208.) (ci-après la « loi modificative »), est entré en vigueur le 1er janvier 2019. Il énonce :

« La loi I est complétée au moyen de l’article 94 suivant :

“94.   § 1) Dans les procédures relatives aux ressortissants de pays tiers membres de la famille de citoyens hongrois entamées ou recommencées après l’entrée en vigueur de la [loi modificative], il y a lieu d’appliquer les dispositions de la loi II.

[...]

4) La carte de séjour ou la carte de séjour permanent d’un ressortissant d’un pays tiers disposant d’une carte de séjour ou d’une carte de séjour permanent en cours de validité en tant que membre de la famille d’un citoyen hongrois doit être retirée

[...]

b)

si le séjour du ressortissant d’un pays tiers porte atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou à la sécurité nationale de la Hongrie.

5) Dans les questions d’expertise définies au paragraphe 4, sous b), les autorités spécialisées désignées doivent être contactées, conformément aux règles de la loi II sur la délivrance d’un permis d’établissement, en vue de demander un avis d’expertise.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

21

M.D. est un ressortissant d’un pays tiers, arrivé en Hongrie au cours de l’année 2002. Il s’est établi dans cet État membre avec sa mère ainsi qu’avec sa compagne et leur enfant mineur, né en 2016, tous deux de nationalité hongroise. Ces trois personnes sont à la charge de M.D. Celui-ci travaillait dans une boulangerie qu’il exploitait. Il possède quatre autres boulangeries en Hongrie et a établi sa société en Slovaquie.

22

Le 31 mai 2003, un titre de séjour sur le territoire hongrois a été octroyé à M.D. Ce titre de séjour a été prolongé à plusieurs reprises.

23

Le 12 juin 2018, M.D. a introduit une demande de carte de séjour permanent, qui a été rejetée par l’autorité de police des étrangers, statuant en première instance. M.D. ayant été condamné à une peine d’emprisonnement pour délit de trafic de migrants commis en aidant au franchissement de la frontière sans autorisation, cette autorité a introduit une requête en matière de sécurité nationale, à la suite de laquelle l’Alkotmányvédelmi Hivatal (Office pour la protection de la Constitution, Hongrie) a estimé que le comportement de M.D. devait être considéré comme constituant une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale.

24

Par une décision du 27 août 2018, l’autorité de police des étrangers a constaté que le droit de séjour de M.D. avait pris fin. Cette décision a été confirmée par une décision du 26 novembre 2018 de la même autorité, statuant en seconde instance. Ces deux décisions ont été fondées sur l’avis de l’Office pour la protection de la Constitution mentionné au point précédent.

25

Le 3 janvier 2019, l’autorité de police des étrangers a adopté une décision de retour concernant M.D. et lui a imposé une interdiction d’entrée et de séjour de cinq ans. Cette décision a toutefois été retirée le 18 février 2019, en raison de sa contrariété avec l’article 42, paragraphe 1, de la loi I.

26

Par un arrêt du 28 mai 2019, le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie) a annulé la décision du 26 novembre 2018 de l’autorité de police des étrangers et étendu les effets de cette annulation à la décision du 27 août 2018 de cette autorité, au motif que cette dernière n’avait pas démontré que les conditions cumulatives prévues à l’article 33 de la loi I étaient réunies, puisqu’elle avait fondé sa décision sur un avis de l’Office pour la protection de la Constitution, qui n’était pas intervenu à la procédure en cause en tant qu’autorité spécialisée. En outre, l’autorité de police des étrangers n’avait pas apprécié toutes les circonstances de l’espèce, ce qu’elle aurait dû faire, même si M.D. constituait une menace réelle, directe et grave pour la sécurité publique ou pour l’ordre public. Par ailleurs, ladite juridiction a ordonné à la même autorité d’apprécier, dans le cadre d’une nouvelle procédure, l’ensemble des circonstances de l’espèce, et spécifiquement le fait que M.D. et sa compagne avaient établi une vie familiale en Hongrie avec leur enfant mineur, citoyen hongrois.

27

Par une décision du 29 août 2019, à l’issue de cette nouvelle procédure, l’autorité de police des étrangers a retiré à M.D. sa carte de séjour, en se fondant sur un avis de l’Office pour la protection de la Constitution et du Pest Megyei Rendőr-főkapitányság (commissariat principal du comitat de Pest, Hongrie), selon lequel le comportement personnel de M.D. représentait une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale. L’autorité de police des étrangers, statuant en seconde instance, a confirmé cette décision, en soulignant notamment que, en vertu de l’article 87/B, paragraphe 4, de la loi II, applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi modificative, elle ne pouvait s’écarter de cet avis.

28

La Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie) a rejeté le recours introduit par M.D. contre ladite décision.

29

La Kúria (Cour suprême, Hongrie) a confirmé cet arrêt, en considérant que les données avancées étaient suffisantes pour établir que le séjour de M.D. en Hongrie constituait une menace réelle et directe pour la sécurité nationale de cet État membre et que, compte tenu de l’existence de cette menace, l’appréciation de la situation personnelle de M.D. ne pouvait conduire à une évaluation positive de la demande de ce dernier.

30

Le 14 octobre 2020, l’autorité de police des étrangers a adopté une décision d’interdiction d’entrée et de séjour, d’une durée de trois ans, à l’égard de M.D. et a introduit un signalement relatif à cette interdiction dans le système d’information Schengen (ci-après le « SIS »).

31

Cette autorité a considéré que, conformément à l’article 94, paragraphe 1, de la loi I, inséré dans cette dernière par la loi modificative, M.D. relevait du champ d’application de la loi II. Elle a également indiqué que l’Office pour la protection de la Constitution recommandait l’expulsion de M.D. ainsi que l’adoption, à son égard, d’une interdiction d’entrée et de séjour d’une durée de dix ans. Ladite autorité a également relevé qu’un permis de séjour d’une durée de deux ans avait été octroyé à M.D. par les autorités slovaques, à compter du 26 février 2019.

32

À la lumière de ces éléments, l’autorité de police des étrangers a estimé que le comportement de M.D. représentait une menace pour la sécurité nationale de la Hongrie.

33

La décision d’interdiction d’entrée et de séjour adoptée à l’égard de M.D., visée au point 30 du présent arrêt, n’a pas été précédée de l’adoption d’une décision de retour, M.D. ayant quitté le territoire hongrois le 24 septembre 2020.

34

Saisie par M.D. d’un recours contre cette décision d’interdiction d’entrée et de séjour, la juridiction de renvoi souligne, en premier lieu, que ladite décision, bien qu’elle ait été adoptée alors que M.D. ne séjournait plus en Hongrie, doit être considérée comme une interdiction d’entrée, au sens de l’article 11 de la directive 2008/115.

35

Cette juridiction indique, d’une part, que le permis de séjour octroyé à M.D. par les autorités slovaques n’a pas pu être prolongé, en raison de la même décision et du signalement de M.D. dans le SIS, et, d’autre part, que, à la date de l’introduction de la présente demande de décision préjudicielle, M.D. résidait en Autriche et ne pouvait pas rentrer en Hongrie, l’autorité de police des étrangers refusant d’exécuter l’ordonnance définitive par laquelle ladite juridiction avait suspendu les effets de la décision d’interdiction d’entrée et de séjour en cause.

36

La juridiction de renvoi relève, en deuxième lieu, que la loi I, tout en transposant la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35), avait un champ d’application qui s’étendait, notamment, aux ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un ressortissant hongrois n’ayant pas exercé sa liberté de circulation. Ainsi, cette loi permettait à ces ressortissants de pays tiers de séjourner en Hongrie dans les mêmes conditions que les ressortissants de pays tiers, membres de la famille de ressortissants d’États membres de l’EEE ayant fait usage de leur liberté de circulation. Toutefois, la loi modificative, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, a exclu les ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un ressortissant hongrois, du champ d’application de la loi I et a rendu applicable à leur entrée et à leur séjour la loi II, qui, jusqu’alors, régissait uniquement l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers qui n’étaient pas membres de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’EEE.

37

Conformément à l’article 17 de cette loi modificative, la loi II est également applicable aux procédures qui, comme en l’occurrence, ont été recommencées après l’entrée en vigueur de ladite loi modificative. Or, en vertu de cette loi II, la carte de séjour ou de séjour permanent d’un ressortissant d’un pays tiers peut être retirée plus facilement que sous l’empire de la loi I, en particulier dans le cas où le comportement de ce ressortissant porte atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou à la sécurité nationale de la Hongrie. Ainsi, dans un tel cas, l’expulsion du ressortissant concerné d’un pays tiers doit être ordonnée, sans que les circonstances familiales ou personnelles de ce ressortissant soient prises en considération.

38

Or, la juridiction de renvoi relève, notamment, que, par son arrêt du 11 mars 2021, État belge (Retour du parent d’un mineur) (C‑112/20, EU:C:2021:197), la Cour a jugé que l’article 5 de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 24 de la Charte, impose aux États membres de prendre dûment en compte l’intérêt supérieur de l’enfant avant d’adopter une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, même lorsque le destinataire de cette décision est non pas un mineur, mais le père de celui-ci.

39

La juridiction de renvoi souligne, en troisième lieu, que les ressortissants hongrois, membres de la famille de M.D., n’ont pas exercé leur droit à la libre circulation au sein de l’Union européenne et que, par conséquent, M.D. ne peut fonder un droit de séjour dérivé ni sur la directive 2004/38 ni sur l’article 21 TFUE.

40

Cette juridiction fait toutefois observer que, en cas d’exécution immédiate de l’expulsion d’un ressortissant d’un pays tiers ordonnée pour des raisons de sécurité nationale, les membres de la famille de ce ressortissant disposant, comme en l’occurrence, de la citoyenneté de l’Union doivent, eux aussi, quitter le territoire hongrois, puisque, à défaut, l’unité familiale serait rompue de manière permanente, dès lors que le motif lié à la sécurité nationale s’oppose également à la délivrance d’un visa. Or, ladite juridiction rappelle que le refus d’accorder un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner ledit ressortissant d’un pays tiers, membre de sa famille, et de quitter le territoire de l’Union.

41

La même juridiction considère qu’aucune disposition de droit hongrois ne prévoit que les circonstances personnelles et familiales doivent être examinées avant l’adoption d’une décision d’interdiction d’entrée et de séjour à l’égard de ressortissants de pays tiers ne disposant pas d’un titre de séjour. M.D. se trouve, ainsi, dans une situation moins favorable non seulement que celle des ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union ayant fait usage de son droit à la libre circulation, mais aussi que celle des ressortissants de pays tiers qui ne sont pas membres de la famille d’un citoyen de l’Union, la situation de ces derniers ressortissants de pays tiers étant régie par les directives transposées par la loi II, mais qui ne sont pas applicables à des ressortissants de pays tiers qui, comme M.D., sont membres de la famille d’un citoyen de l’Union.

42

En quatrième lieu, la juridiction de renvoi se demande si, dans l’hypothèse où la nouvelle réglementation hongroise serait incompatible avec le droit de l’Union et en l’absence d’une autre réglementation nationale spécifique, il peut être tenu compte de l’article 42, paragraphe 1, de la loi I, qui s’appliquait à M.D. jusqu’au 1er janvier 2019, ou si elle peut écarter le droit national et fonder sa décision directement sur la directive 2008/115.

43

En dernier lieu, cette juridiction estime qu’il n’existe pas de jurisprudence de la Cour quant au refus de l’autorité de police des étrangers de donner exécution à une ordonnance telle que celle par laquelle elle a ordonné la suspension de la décision d’interdiction d’entrée et de séjour adoptée à l’égard de M.D., visée au point 30 du présent arrêt.

44

Dans ces conditions, la Fővárosi Törvényszék (Cour de Budapest-Capitale) a décidé de surseoir à statuer de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Faut-il interpréter les articles 5 et 11 de la directive 2008/115 ainsi que l’article 20 TFUE, lus en combinaison avec les articles 7, 20, 24 et 47 de la Charte, en ce sens qu’est contraire à ces dispositions une pratique d’un État membre en vertu de laquelle, même dans les procédures recommencées, sur injonction, dans des procédures introduites antérieurement, est ordonnée l’application d’une modification de la réglementation, en conséquence de laquelle le ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union est placé sous un régime procédural beaucoup plus défavorable, au point de perdre son statut, acquis du fait de la durée de son séjour jusque-là, de personne non susceptible d’être expulsée même pour des raisons tenant à l’ordre public, à la sécurité publique et à la sécurité nationale, puis, sur la base des mêmes faits et des mêmes raisons de sécurité nationale, de voir rejeter sa demande de carte de séjour permanent et de se voir retirer la carte de séjour qui lui avait été délivrée, puis encore, de se voir imposer une interdiction d’entrée et de séjour, sans que sa situation personnelle et familiale ait été prise en compte dans le cadre d’une quelconque procédure, et en particulier, dans ce contexte, le fait qu’il a également à sa charge un citoyen hongrois mineur, cette décision ayant pour conséquence soit la rupture de l’unité familiale, soit l’obligation pour les citoyens de l’Union membres de la famille du ressortissant d’un pays tiers, parmi lesquels un enfant mineur, de quitter le territoire de l’État membre ?

2)

Faut-il interpréter les articles 5 et 11 de la directive 2008/115 ainsi que l’article 20 TFUE, lus en combinaison avec les articles 7 et 24 de la Charte, en ce sens qu’est contraire à ces dispositions une pratique d’un État membre en vertu de laquelle la situation personnelle et familiale du ressortissant d’un pays tiers n’est pas examinée avant que soit décidée l’interdiction d’entrée et de séjour, au motif que le séjour du ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union constitue une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale du pays ?

S’il convient de donner une réponse affirmative aux première et deuxième questions :

3)

Faut-il interpréter les articles 5 et 13 de la directive [2008/115] ainsi que l’article 20 TFUE, lu en combinaison avec les articles 20 et 47 de la Charte, ainsi que le considérant 22 de la directive 2008/115, imposant l’obligation de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que considération primordiale, et le considérant 24 de la même directive, qui impose que soient garantis les droits fondamentaux et principes consacrés par la Charte, en ce sens que, si une juridiction nationale, se fondant sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, constate que le droit d’un État membre ou la pratique de l’autorité de police des étrangers fondée sur celui-ci est contraire au droit de l’Union, elle peut, dans le cadre de l’examen de la base juridique de la décision d’interdiction d’entrée et de séjour, tenir compte, en tant que droit acquis du requérant dans la présente affaire, du fait que, sous le régime de [la loi I], le requérant remplit les conditions nécessaires à l’application de l’article 42 [de cette loi], c’est‑à-dire avoir séjourné légalement en Hongrie pendant plus de dix ans, ou bien cette juridiction doit-elle, dans le cadre de l’examen du caractère infondé de la décision d’interdiction d’entrée et de séjour, se fonder, s’agissant d’apprécier la situation personnelle et familiale, sur l’article 5 de la directive 2008/115, à défaut de dispositions en ce sens dans la [loi II] ?

4)

Une pratique d’un État membre en vertu de laquelle, dans le cadre du contentieux concernant un ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union bénéficiant d’un droit de recours, l’autorité de police des étrangers n’exécute pas une décision de justice définitive ordonnant une protection juridictionnelle immédiate contre l’exécution de la décision, en invoquant le fait qu’elle a déjà déposé un signalement relatif à une interdiction d’entrée et de séjour dans le [SIS], avec pour conséquence que le ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union n’est pas en mesure d’exercer son droit de recours en personne et d’entrer en Hongrie pendant la durée de la procédure, avant qu’une décision définitive soit prise dans son affaire, est-elle compatible avec le droit de l’Union, et en particulier avec le droit à une voie de recours effective consacré à l’article 13 de la directive 2008/115 et avec le droit à un procès équitable consacré à l’article 47 de la Charte ? »

La procédure devant la Cour

45

La juridiction de renvoi a demandé que la présente affaire soit soumise à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

46

Par une décision du 16 septembre 2021, la cinquième chambre a décidé, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à la demande tendant à ce que la présente affaire soit soumise à la procédure préjudicielle d’urgence.

47

Le 1er octobre 2021, le président de la Cour a décidé que la présente affaire serait jugée par priorité, conformément à l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédurede la Cour.

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

48

Selon le gouvernement hongrois, les questions préjudicielles doivent être déclarées irrecevables dans la mesure où elles visent, d’une part, à déterminer si le droit de l’Union s’oppose au retrait du droit de séjour de M.D. sur le territoire hongrois, alors que ce retrait ne fait pas l’objet du litige pendant devant la juridiction de renvoi et, d’autre part, à interpréter la directive 2008/115, alors que la décision d’interdiction d’entrée et de séjour en cause au principal ne relève pas du champ d’application de cette directive, puisqu’elle a été adoptée après que M.D. a quitté le territoire hongrois.

49

À cet égard, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Examen d’office de la rétention), C‑704/20 et C‑39/21, EU:C:2022:858, point 61 ainsi que jurisprudence citée].

50

En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle et de la réponse apportée par la juridiction de renvoi à la demande d’informations qui lui a été adressée, d’une part, que cette juridiction est appelée à contrôler uniquement la régularité de la décision d’interdiction d’entrée et de séjour adoptée à l’égard de M.D., la décision ayant retiré le droit de séjour de ce ressortissant d’un pays tiers sur le territoire hongrois étant devenue définitive et, d’autre part, que cette interdiction d’entrée et de séjour vaut pour l’ensemble du territoire de l’Union.

51

Il s’ensuit que, comme le soutient le gouvernement hongrois, les questions préjudicielles ne présentent une utilité pour la solution du litige en cause au principal que dans la mesure où elles concernent la décision d’interdiction d’entrée et de séjour dont M.D. a fait l’objet et que, partant, elles ne sont recevables que dans cette mesure.

52

S’agissant, en revanche, de l’utilité d’interpréter la directive 2008/115 dans le cadre du litige au principal, il y a lieu de rappeler que, lorsque, comme dans la présente affaire, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, l’objection tirée de l’inapplicabilité de cette disposition à l’affaire au principal n’a pas trait à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais relève du fond des questions (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, ASADE, C‑436/20, EU:C:2022:559, point 41 et jurisprudence citée).

Sur le fond

Sur les première et deuxième questions

53

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20 TFUE et les articles 5 et 11 de la directive 2008/115, lus en combinaison avec les articles 7, 20, 24 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre adopte une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant de cet État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, au motif que le comportement de ce ressortissant d’un pays tiers constitue une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale dudit État membre, sans que soit examinée la situation personnelle et familiale dudit ressortissant d’un pays tiers.

54

À titre liminaire, il convient de relever que, selon le gouvernement hongrois, la réglementation hongroise applicable permet de prendre en compte, dans une situation telle que celle en cause au principal, la situation personnelle et familiale d’un ressortissant d’un pays tiers avant qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union soit adoptée à son égard.

55

Cela étant, ainsi qu’il a été rappelé au point 49 du présent arrêt, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union sont posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude. Dès lors, l’examen d’un renvoi préjudiciel doit être effectué au regard de l’interprétation du droit national fournie par la juridiction de renvoi et non de celle invoquée par le gouvernement d’un État membre [arrêt du 20 octobre 2022, Centre public d’action sociale de Liège (Retrait ou suspension d’une décision de retour), C‑825/21, EU:C:2022:810, point 35].

56

Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions en partant de la prémisse, qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, selon laquelle le droit national ne permet pas de prendre en compte, dans une situation telle que celle en cause au principal, la situation personnelle et familiale du ressortissant concerné d’un pays tiers avant d’adopter une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union à son égard.

– Sur l’article 20 TFUE

57

En premier lieu, il importe de rappeler que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union [arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C‑34/09, EU:C:2011:124, point 42, et du 27 février 2020, Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real (Conjoint d’un citoyen de l’Union), C‑836/18, EU:C:2020:119, point 37].

58

À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il existe des situations très particulières dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants de pays tiers n’est pas applicable et que le citoyen de l’Union concerné n’a pas fait usage de sa liberté de circulation, un droit de séjour doit néanmoins être accordé à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille de ce citoyen, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union, si, comme conséquence du refus d’un tel droit, ledit citoyen se voyait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C‑34/09, EU:C:2011:124, points 43 et 44, ainsi que du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille – Ressources insuffisantes), C‑451/19 et C‑532/19, EU:C:2022:354, point 45].

59

Toutefois, le refus d’accorder un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers n’est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union que s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble [arrêts du 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308, point 52, ainsi que du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille – Ressources insuffisantes), C‑451/19 et C‑532/19, EU:C:2022:354, point 46 ainsi que jurisprudence citée].

60

En deuxième lieu, à l’instar du refus ou de la perte d’un droit de séjour sur le territoire d’un État membre, une interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, imposée à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, peut aboutir à priver ce citoyen de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut, lorsque, en raison de la relation de dépendance existant entre ces personnes, cette interdiction d’entrée contraint, dans les faits, ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble, pour accompagner le membre de sa famille, ressortissant d’un pays tiers ayant fait l’objet de ladite interdiction (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2016, CS, C‑304/14, EU:C:2016:674, point 32).

61

En l’occurrence, l’enfant mineur de M.D., tout comme la mère de celui-ci, bénéficient, en tant que citoyens de l’Union, des droits consacrés à l’article 20 TFUE. Partant, il ne saurait a priori être exclu que l’interdiction d’entrée et de séjour imposée à M.D. aboutisse à ce que ces citoyens de l’Union soient, dans les faits, privés de la jouissance effective de l’essentiel des droits qu’ils tirent de leur statut de citoyen de l’Union. Tel serait le cas s’il existait, entre M.D. et son enfant mineur ou sa compagne, une relation de dépendance, aux fins de l’application de l’article 20 TFUE, tel qu’il a été interprété par la Cour, qui contraindrait cet enfant mineur ou cette compagne à quitter, eux aussi, dans les faits, le territoire de l’Union [voir, notamment, arrêts du 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308, points 65 et 71 à 75, ainsi que du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille – Ressources insuffisantes), C‑451/19 et C‑532/19, EU:C:2022:354, points 56 ainsi que 64 à 69].

62

À cet égard, il importe de préciser que, selon la juridiction de renvoi, M.D. disposait d’un droit de séjour en Slovaquie à la date à laquelle son titre de séjour sur le territoire hongrois lui a été retiré. Partant, un tel retrait ne paraît pas avoir pu contraindre, dans les faits, l’enfant mineur de M.D. et sa compagne, mère de cet enfant, à quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, rien ne laissant apparaître que ces citoyens de l’Union auraient été dans l’impossibilité de séjourner légalement en Slovaquie.

63

Sur la base des informations dont dispose la Cour, il n’est dès lors pas certain que le retrait du titre de séjour de M.D. par les autorités hongroises ait pu méconnaître l’article 20 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou, C‑86/12, EU:C:2013:645, points 34 et 35).

64

En revanche, en adoptant la décision d’interdiction d’entrée et de séjour en cause au principal, dont les effets ont une dimension européenne, les autorités hongroises ont privé M.D. de tout droit de séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2018, E, C‑240/17, EU:C:2018:8, point 42).

65

Il résulte des considérations qui précèdent qu’un État membre ne peut interdire l’entrée sur le territoire de l’Union à un ressortissant d’un pays tiers dont un membre de la famille est un citoyen de l’Union, ressortissant de cet État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sans que l’existence d’une relation de dépendance, telle que décrite au point 61 du présent arrêt, entre ce ressortissant d’un pays tiers et ce membre de la famille ait été vérifiée. Il incombe, au contraire, aux autorités nationales compétentes d’apprécier, notamment, sur le fondement des éléments que le ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union concernés doivent pouvoir librement leur apporter et en procédant, si besoin est, aux recherches nécessaires, s’il existe, entre ces deux personnes, une telle relation de dépendance [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2020, Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real (Conjoint d’un citoyen de l’Union), C‑836/18, EU:C:2020:119, point 53].

66

En troisième lieu, il importe de relever que M.D. a été privé de son droit de séjour sur le territoire hongrois au motif que son comportement constituait une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale et que l’adoption, à son égard, d’une décision d’interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire de l’Union a été fondée sur le même motif.

67

Dans cette mesure, il convient de rappeler que les États membres peuvent déroger, sous certaines conditions, au droit de séjour dérivé, découlant de l’article 20 TFUE, pour le membre de la famille d’un citoyen de l’Union visé au point 58 du présent arrêt, en vue de garantir le maintien de l’ordre public ou la sauvegarde de la sécurité publique. Tel peut être le cas lorsque ce ressortissant d’un pays tiers représente une menace réelle, actuelle, et suffisamment grave pour l’ordre public ou la sécurité publique ou nationale [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308, point 92 ainsi que jurisprudence citée].

68

Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 103 de ses conclusions, l’application d’une telle dérogation ne peut être fondée uniquement sur les antécédents pénaux du ressortissant concerné d’un pays tiers. Elle ne saurait découler, le cas échéant, que d’une appréciation concrète de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce, à la lumière du principe de proportionnalité, des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect et, entre autres, de l’intérêt supérieur de l’enfant mineur, citoyen de l’Union. Ainsi, peuvent, notamment, être pris en considération, par l’autorité nationale compétente, la gravité des infractions commises et le degré de sévérité de ces condamnations ainsi que le délai entre la date de leur prononcé et la date à laquelle cette autorité statue. Lorsque la relation de dépendance entre ledit ressortissant d’un pays tiers et un citoyen de l’Union mineur découle du fait que le premier est le parent du second, il y a également lieu de prendre en compte l’âge, l’état de santé ainsi que la situation familiale et économique de ce citoyen de l’Union mineur [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille – Ressources insuffisantes), C‑451/19 et C‑532/19, EU:C:2022:354, point 53 ainsi que jurisprudence citée].

69

Partant, lorsqu’une relation de dépendance, telle que décrite au point 61 du présent arrêt, est établie entre le ressortissant concerné d’un pays tiers et le membre de sa famille, citoyen de l’Union, l’État membre concerné ne peut interdire l’entrée et le séjour sur le territoire de l’Union de ce ressortissant pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale qu’après avoir tenu compte de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, le cas échéant, de l’intérêt supérieur de son enfant mineur, citoyen de l’Union.

70

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 20 TFUE s’oppose à ce qu’un État membre adopte une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant de cet État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sans avoir, au préalable, examiné s’il existe, entre ces personnes, une relation de dépendance qui contraindrait, dans les faits, ce citoyen de l’Union à quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble, pour accompagner ce membre de sa famille, et, dans l’affirmative, si les motifs pour lesquels cette décision est adoptée autorisent à déroger au droit de séjour dérivé de ce ressortissant d’un pays tiers.

– Sur la directive 2008/115

71

En premier lieu, il convient d’examiner si une décision d’interdiction d’entrée sur l’ensemble du territoire de l’Union prise, par un État membre, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers relève du champ d’application de la directive 2008/115, lorsque, comme en l’occurrence, cette décision intervient après que ce ressortissant a quitté le territoire de cet État membre, sans qu’aucune décision de retour le concernant n’ait été adoptée.

72

À cet égard, premièrement, il ressort du considérant 2 de la directive 2008/115 que cette dernière poursuit la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement fondée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité. Ainsi qu’il résulte tant de son intitulé que de son article 1er, cette directive établit à cette fin des « normes et procédures communes » qui doivent être appliquées par chaque État membre au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier [arrêt du 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308, point 100 ainsi que jurisprudence citée].

73

Sous réserve des exceptions prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115, lesquelles ne paraissent pas être applicables dans une situation telle que celle en cause au principal, cette directive s’applique à tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre. Par ailleurs, dès lors qu’un ressortissant d’un pays tiers relève du champ d’application de ladite directive, il doit, en principe, être soumis aux normes et aux procédures communes prévues par celle-ci en vue de son retour, et cela tant que son séjour n’a pas été, le cas échéant, régularisé [arrêt du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique), C‑69/21, EU:C:2022:913, point 52 et jurisprudence citée].

74

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115 prévoit, quant à lui, que, une fois le caractère irrégulier du séjour établi, tout ressortissant d’un pays tiers doit, sans préjudice des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 5 de cet article et dans le strict respect des exigences fixées à l’article 5 de cette directive, faire l’objet d’une décision de retour, laquelle doit identifier, parmi les pays tiers visés à l’article 3, point 3, de ladite directive, celui vers lequel il doit être éloigné [arrêt du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique), C‑69/21, EU:C:2022:913, point 53 et jurisprudence citée].

75

Il ressort toutefois de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115 qu’il y a lieu de permettre à un ressortissant d’un pays tiers, qui séjourne de manière irrégulière sur le territoire d’un État membre tout en disposant d’un droit de séjour dans un autre État membre, de se rendre dans ce dernier plutôt que d’adopter, d’emblée, à son égard, une décision de retour, à moins que l’ordre public ou la sécurité nationale ne l’exigent [arrêt du 24 février 2021, M e.a. (Transfert vers un État membre), C‑673/19, EU:C:2021:127, point 35].

76

Enfin, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115, les États membres doivent adopter une décision d’interdiction d’entrée lorsque le ressortissant d’un pays tiers, qui a fait l’objet d’une décision de retour, n’a pas respecté son obligation de retour ou lorsqu’aucun délai pour un départ volontaire ne lui a été accordé, ce qui peut être le cas, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de cette directive, lorsque la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale [arrêt du 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308, point 86]. Dans les autres cas, il découle de cet article 11, paragraphe 1, que les États membres peuvent assortir les décisions de retour d’une telle interdiction d’entrée.

77

Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une interdiction d’entrée constitue un moyen destiné à accroître l’efficacité de la politique de l’Union en matière de retour, en garantissant que, pendant une certaine période après l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers dont le séjour est irrégulier, celui-ci ne pourra plus légalement revenir sur le territoire des États membres [arrêt du 17 septembre 2020, JZ (Peine d’emprisonnement en cas d’interdiction d’entrée), C‑806/18, EU:C:2020:724, point 32].

78

Deuxièmement, la circonstance que, comme en l’occurrence, un ressortissant d’un pays tiers fasse l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sans avoir, au préalable, été le destinataire d’une décision de retour n’implique pas nécessairement que cette décision d’interdiction d’entrée échappe au champ d’application de la directive 2008/115.

79

Certes, il découle de l’article 3, point 6, et de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115 que, en principe, l’adoption d’une décision d’interdiction d’entrée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers ne se conçoit pas sans qu’une décision de retour ait été adoptée à l’égard de ce ressortissant.

80

Toutefois, en l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la décision par laquelle la Hongrie a interdit à M.D. d’entrer sur le territoire de l’Union, au motif que son comportement était constitutif d’une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale de cet État membre, a été adoptée dans le prolongement de la décision par laquelle ledit État membre lui a retiré, pour un motif identique, son droit de séjour sur le territoire du même État membre.

81

Or, il ressort du libellé même de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115 que, dans un tel cas, l’État membre dans lequel séjourne irrégulièrement le ressortissant d’un pays tiers est tenu d’adopter une décision de retour à son égard, même lorsque ce dernier dispose d’un droit de séjour dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2018, E, C‑240/17, EU:C:2018:8, point 48).

82

À cet égard, il est sans pertinence que, comme le gouvernement hongrois l’a fait valoir, l’absence d’une telle décision de retour s’explique, en l’occurrence, par la complexité du processus décisionnel instauré par la réglementation nationale. En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations qui découlent pour lui du droit de l’Union [arrêts du 8 septembre 2010, Carmen Media Group, C‑46/08, EU:C:2010:505, point 69, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 19 ainsi que jurisprudence citée].

83

Dès lors, il serait contraire à l’objectif et à l’économie générale de la directive 2008/115 de considérer qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union adoptée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers pour un motif de sauvegarde de la sécurité nationale échappe au champ d’application de cette directive, en raison du fait que ce ressortissant d’un pays tiers n’a pas fait l’objet, au préalable, d’une décision de retour.

84

Considérer, dans un tel cas, que la directive 2008/115 ne s’applique pas à cette décision d’interdiction d’entrée priverait indûment ledit ressortissant d’un pays tiers des garanties substantielles et procédurales que les États membres sont tenus de respecter, en vertu de cette directive, lorsqu’ils envisagent d’adopter une telle décision d’interdiction d’entrée.

85

Une telle conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 3 juin 2021, Westerwaldkreis (C‑546/19, EU:C:2021:432), dès lors que la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était distincte de celle en cause au principal. En effet, la décision d’interdiction d’entrée en cause dans ledit arrêt avait été maintenue, alors même que la décision de retour, que cette décision d’interdiction d’entrée accompagnait, avait été retirée.

86

Troisièmement, la circonstance que, à la date à laquelle une décision d’interdiction d’entrée et de séjour a été adoptée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, ce dernier ne se trouvait plus en séjour irrégulier sur le territoire de l’État membre ayant adopté cette décision ne suffit pas non plus à exclure cette décision du champ d’application de la directive 2008/115.

87

En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 77 du présent arrêt, une telle décision d’interdiction a pour objet d’empêcher le ressortissant concerné d’un pays tiers de revenir sur le territoire de l’Union après qu’il a quitté celui-ci. D’autre part, si l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2008/115 permet qu’une décision de retour et une décision d’interdiction d’entrée soient adoptées concomitamment, cette disposition ne l’impose nullement. Partant, il ne suffit pas qu’une décision d’interdiction d’entrée soit adoptée après le départ du ressortissant d’un pays tiers du territoire d’un État membre pour que cette décision d’interdiction échappe automatiquement au champ d’application de cette directive.

88

Il convient, dès lors, de considérer qu’une décision d’interdiction d’entrée, telle que celle en cause au principal, doit être regardée comme une interdiction d’entrée, au sens de l’article 11 de la directive 2008/115, et que son adoption est soumise au respect des garanties prévues par cette directive.

89

En second lieu, l’article 5 de la directive 2008/115, qui constitue une règle générale s’imposant aux États membres dès qu’ils mettent en œuvre cette directive [arrêt du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique), C‑69/21, EU:C:2022:913, point 55], oblige ceux-ci à tenir dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dès lors, une telle obligation s’impose également à eux lorsqu’ils envisagent d’adopter une décision d’interdiction d’entrée, au sens de l’article 11 de ladite directive.

90

Il convient également de préciser que, en vertu de cet article 5, les États membres sont tenus de prendre dûment en compte l’intérêt supérieur de l’enfant avant d’adopter une décision d’interdiction d’entrée, même lorsque le destinataire de cette décision est non pas un mineur, mais le père de celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2021, État belge (Retour du parent d’un mineur), C‑112/20, EU:C:2021:197, point 43].

91

Partant, ledit article 5 s’oppose à ce qu’une décision d’interdiction d’entrée, au sens de l’article 11 de la directive 2008/115, soit adoptée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers sans qu’aient été pris en compte, au préalable, son état de santé ainsi que, le cas échéant, sa vie familiale et l’intérêt supérieur de son enfant mineur.

92

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux première et deuxième questions comme suit :

l’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre adopte une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant de cet État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sans avoir, au préalable, examiné s’il existe, entre ces personnes, une relation de dépendance qui contraindrait, dans les faits, ce citoyen de l’Union à quitter ce territoire, pris dans son ensemble, pour accompagner ce membre de sa famille et, dans l’affirmative, si les motifs pour lesquels cette décision est adoptée permettent de déroger au droit de séjour dérivé de ce ressortissant d’un pays tiers ;

l’article 5 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un pays tiers, qui aurait dû être le destinataire d’une décision de retour, fasse l’objet, dans le prolongement immédiat de la décision lui ayant retiré, pour des motifs liés à la sécurité nationale, son droit de séjour sur le territoire de l’État membre concerné, d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, adoptée pour des motifs identiques, sans qu’aient été pris en compte, au préalable, son état de santé ainsi que, le cas échéant, sa vie familiale et l’intérêt supérieur de son enfant mineur.

Sur la troisième question

93

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20 TFUE et les articles 5 et 13 de la directive 2008/115, lus en combinaison avec les articles 20 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale est saisie d’un recours contre une décision d’interdiction d’entrée, adoptée en vertu d’une réglementation nationale incompatible avec cet article 5, cette juridiction peut se fonder sur une réglementation nationale antérieure ou est tenue d’appliquer directement ledit article 5.

94

En premier lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales contre l’État soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte [arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 103, ainsi que du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, point 17 et jurisprudence citée].

95

Une disposition du droit de l’Union est, d’une part, inconditionnelle lorsqu’elle énonce une obligation qui n’est assortie d’aucune condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte soit des institutions de l’Union, soit des États membres et, d’autre part, suffisamment précise pour être invoquée par un justiciable et appliquée par le juge lorsqu’elle énonce une obligation dans des termes non équivoques. En outre, même si une directive laisse aux États membres une certaine marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent les modalités de sa mise en œuvre, une disposition de cette directive peut être considérée comme ayant un caractère inconditionnel et précis dès lors qu’elle met à la charge des États membres, dans des termes non équivoques, une obligation de résultat précise et qui n’est assortie d’aucune condition quant à l’application de la règle qu’elle énonce [arrêts du 19 janvier 1982, Becker, 8/81, EU:C:1982:7, point 25, et du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, points 18 et 19 ainsi que jurisprudence citée].

96

En l’occurrence, la question posée par la juridiction de renvoi repose sur la prémisse selon laquelle le législateur hongrois a méconnu les garanties prévues à l’article 5 de la directive 2008/115 en n’exigeant pas de l’autorité nationale compétente qu’elle tienne dûment compte de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers ainsi que, le cas échéant, de sa vie familiale et de l’intérêt supérieur de son enfant avant d’adopter, à l’égard de ce ressortissant, une interdiction d’entrée pour des motifs liés à la sécurité nationale.

97

À cet égard, il convient de relever que, en ce que l’article 5 de la directive 2008/115 oblige les États membres à prendre dûment en compte ces éléments lorsqu’ils mettent en œuvre cette directive, cet article 5 est suffisamment précis et inconditionnel pour être considéré comme étant doté d’un effet direct. Ledit article peut donc être invoqué par un particulier et appliqué par les autorités administratives ainsi que par les juridictions des États membres.

98

En particulier, lorsqu’un État membre dépasse son pouvoir d’appréciation en adoptant une réglementation qui ne garantit pas que l’autorité nationale compétente prendra dûment en considération l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers ainsi que, le cas échéant, sa vie familiale et l’intérêt supérieur de son enfant, ce ressortissant doit pouvoir invoquer directement l’article 5 de ladite directive contre une telle réglementation [voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, point 30].

99

En second lieu, il convient de rappeler que, afin de garantir l’effectivité de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, le principe de primauté impose, notamment, aux juridictions nationales d’interpréter, dans toute la mesure du possible, leur droit interne de manière conforme au droit de l’Union. Cela étant, l’obligation d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites et ne peut notamment pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national [arrêts du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, EU:C:2005:386, point 47, et du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée].

100

Il convient également de rappeler que le principe de primauté impose au juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union l’obligation, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences de droit de l’Union, d’assurer le plein effet des exigences de ce droit dans le litige dont il est saisi en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute réglementation ou pratique nationale, même postérieure, qui est contraire à une disposition du droit de l’Union qui est d’effet direct, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette réglementation ou pratique nationale par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel [arrêts du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 58 et 61, ainsi que du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, point 37 et jurisprudence citée].

101

Partant, lorsque l’article 5 de la directive 2008/115 est invoqué par un particulier devant un juge national contre un État membre qui en a fait une transposition incorrecte, il incombe à ce juge d’assurer la pleine efficacité de cette disposition du droit de l’Union dotée d’effet direct et, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme à cet article 5, de laisser inappliquées, de sa propre autorité, les dispositions nationales qui seraient incompatibles avec ledit article 5.

102

En vue d’assurer la pleine efficacité de l’obligation de prendre dûment en compte l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers ainsi que, le cas échéant, sa vie familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant, il incombe, dès lors, au juge national saisi d’un recours contre une décision d’interdiction d’entrée, adoptée sur le fondement d’une réglementation nationale qui ne peut être interprétée de manière conforme aux exigences découlant de l’article 5 de la directive 2008/115, d’examiner s’il peut écarter uniquement la partie de cette réglementation dont découlerait l’impossibilité de tenir dûment compte de ces exigences. À défaut, le juge national serait tenu de laisser inappliquée l’intégralité de ladite réglementation et de fonder directement sa décision sur cet article 5.

103

En revanche, l’effet direct reconnu à l’article 5 de la directive 2008/115 ne saurait imposer à une juridiction nationale ayant écarté une réglementation nationale contraire à cet article 5, l’obligation d’appliquer une réglementation nationale antérieure, qui accorderait des garanties supplémentaires à celles découlant dudit article 5.

104

Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 5 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale est saisie d’un recours contre une décision d’interdiction d’entrée, adoptée en vertu d’une réglementation nationale incompatible avec cet article 5 et ne pouvant pas faire l’objet d’une interprétation conforme, cette juridiction doit laisser inappliquée cette réglementation dans la mesure où elle méconnaît ledit article et, lorsque cela s’avère nécessaire pour assurer la pleine efficacité de ce dernier, appliquer directement le même article au litige dont elle est saisie.

Sur la quatrième question

105

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités administratives d’un État membre refusent d’appliquer une décision de justice définitive ordonnant le sursis à l’exécution d’une décision d’interdiction d’entrée, au motif que cette dernière décision a déjà fait l’objet d’un signalement dans le SIS.

106

En l’occurrence, il ressort, plus particulièrement, du dossier dont la Cour dispose que, le 31 mars 2021, la juridiction de renvoi a ordonné le sursis à l’exécution de la décision d’interdiction d’entrée et de séjour en cause au principal, en raison tant de l’intention de cette juridiction de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle que des conséquences défavorables, pour M.D. ainsi que pour son enfant mineur et sa compagne, de l’exécution de cette décision d’interdiction.

107

Sous le bénéfice de cette précision liminaire, il importe de relever, en premier lieu, que, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour contester, notamment, la régularité de la décision d’interdiction d’entrée dont il fait l’objet. En vertu du paragraphe 2 de cet article, l’autorité ou l’instance compétente saisie d’un tel recours doit pouvoir suspendre temporairement l’exécution d’une telle décision d’interdiction d’entrée, à moins qu’une suspension de cette dernière ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale.

108

Partant, si l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2008/115 n’impose pas qu’un recours contre une décision d’interdiction d’entrée ait un effet suspensif, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’un État membre ne prévoit pas une telle suspension de plein droit, l’autorité ou l’instance compétente pour examiner ce recours doit disposer de la possibilité de suspendre l’exécution de cette décision (voir, en ce sens, ordonnance du 5 mai 2021, CPAS de Liège, C‑641/20, non publiée, EU:C:2021:374, point 22).

109

Or, il serait contraire à l’effet utile de cette disposition qu’une autorité administrative soit autorisée à refuser d’appliquer une décision par laquelle une juridiction, saisie d’un recours contre une décision d’interdiction d’entrée, a ordonné le sursis à l’exécution de cette dernière décision (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, points 55 à 59 et 66). Du reste, le droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la Charte et concrétisé à l’article 13 de la directive 2008/115, serait illusoire si l’ordre juridique d’un État membre permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 52, et du 19 décembre 2019, Deutsche Umwelthilfe, C‑752/18, EU:C:2019:1114, point 35 et 36).

110

La circonstance que la décision d’interdiction d’entrée et de séjour en cause au principal a déjà fait l’objet d’un signalement dans le SIS par l’État membre concerné ne saurait infirmer la conclusion énoncée au point précédent du présent arrêt. En effet, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 1987/2006, cet État membre est libre d’effacer des données introduites dans le SIS, à la suite, notamment, d’une décision juridictionnelle ordonnant le sursis à l’exécution de cette décision d’interdiction d’entrée ayant justifié ce signalement.

111

En outre, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la pleine efficacité du droit de l’Union exige que le juge saisi d’un litige régi par ce droit puisse accorder des mesures provisoires afin de garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir, lorsqu’il décide de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle. Partant, l’effectivité du système instauré à l’article 267 TFUE serait compromise si l’autorité s’attachant à de telles mesures provisoires pouvait être méconnue, notamment, par une autorité publique relevant de l’État membre dans lequel ces mesures ont été adoptées [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination), C‑487/19, EU:C:2021:798, point 142].

112

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 13 de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités administratives d’un État membre refusent d’appliquer une décision de justice définitive ordonnant le sursis à l’exécution d’une décision d’interdiction d’entrée, au motif que cette dernière décision a déjà fait l’objet d’un signalement dans le SIS.

Sur les dépens

113

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à ce qu’un État membre adopte une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union européenne à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant de cet État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sans avoir, au préalable, examiné s’il existe, entre ces personnes, une relation de dépendance qui contraindrait, dans les faits, ce citoyen de l’Union à quitter ce territoire, pris dans son ensemble, pour accompagner ce membre de sa famille et, dans l’affirmative, si les motifs pour lesquels cette décision est adoptée permettent de déroger au droit de séjour dérivé de ce ressortissant d’un pays tiers.

 

2)

L’article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un pays tiers, qui aurait dû être le destinataire d’une décision de retour, fasse l’objet, dans le prolongement immédiat de la décision lui ayant retiré, pour des motifs liés à la sécurité nationale, son droit de séjour sur le territoire de l’État membre concerné, d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union européenne, adoptée pour des motifs identiques, sans qu’aient été pris en compte, au préalable, son état de santé ainsi que, le cas échéant, sa vie familiale et l’intérêt supérieur de son enfant mineur.

 

3)

L’article 5 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que :

lorsqu’une juridiction nationale est saisie d’un recours contre une décision d’interdiction d’entrée, adoptée en vertu d’une réglementation nationale incompatible avec cet article 5 et ne pouvant pas faire l’objet d’une interprétation conforme, cette juridiction doit laisser inappliquée cette réglementation dans la mesure où elle méconnaît ledit article et, lorsque cela s’avère nécessaire pour assurer la pleine efficacité de ce dernier, appliquer directement le même article au litige dont elle est saisie.

 

4)

L’article 13 de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle les autorités administratives d’un État membre refusent d’appliquer une décision de justice définitive ordonnant le sursis à l’exécution d’une décision d’interdiction d’entrée, au motif que cette dernière décision a déjà fait l’objet d’un signalement dans le système d’information Schengen.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.

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