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« Personne ne peut échapper à la pollution de l’air »

Un homme et son chien sont assis sur un banc situé sur une colline surplombant Calgary. Une épaisse fumée de feu de forêt s'abat sur la ville.

Plusieurs villes canadiennes ont vécu d'intenses épisodes de smog au début de l'été 2023 en raison de feux de forêt.

Photo : Radio-Canada / James Young

Les nombreux épisodes de smog causés par les feux de forêt ont rappelé aux Canadiens que personne n’est à l’abri de la pollution atmosphérique. En fait, une étude australienne montre qu’il n’existe presque plus d’endroits au monde où l'air n'est pas pollué. Explications.

Selon cette analyse (Nouvelle fenêtre), seulement 0,18 % de la surface terrestre et seulement 0,001 % de la population mondiale est exposée à des niveaux de particules fines (PM2,5) qui sont sous les seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit des concentrations annuelles moyennes de 5 microgrammes par mètre cube (μg/m³) ou des concentrations moyennes quotidiennes de 10 μg/m³.

Presque personne n’est à l’abri de la pollution de l’air, a déclaré Yuming Guo, auteur principal de l’étude et professeur à l’Université Monash, dans un communiqué de presse.

Cela ne surprend pas des experts comme Michael Brauer, qui étudie les effets de la pollution de l’air sur la santé. Il y a peu de personnes qui peuvent dire qu’elles ne subissent pas de pollution de l’air. C’est partout à travers le monde, dit ce professeur de l’École de santé publique et des populations de l’Université de la Colombie-Britannique.

Les endroits où la pollution atmosphérique est la plus élevée

En juin, Montréal, New York, Toronto se sont hissées au sommet des villes les plus polluées du monde. Les concentrations de PM2,5 ont largement dépassé les concentrations recommandées par l’OMS (10 μg/m³) ainsi que les moyennes des mois de juin et de juillet des années précédentes.

Qu’est-ce les PM2,5?

Ces particules d’air mesurent 2,5 microns ou moins de largeur (30 fois plus petit qu’un cheveu humain). L’exposition à ces particules augmente les problèmes respiratoires, ainsi que le risque d’accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque.

L’ozone (O3) et les PM2,5 sont les principaux composants du smog et deux des polluants atmosphériques les plus répandus. Parmi les autres polluants atmosphériques : le dioxyde d’azote (NO₂), le dioxyde de soufre (SO₂) et le monoxyde de carbone (CO).

Au plus fort des épisodes de smog, ces particules à Montréal (115 μg/m³), à Toronto (72,6 μg/m³) et à New York (122,2 μg/m³) ont atteint des concentrations plus élevées que dans certaines villes réputées pour avoir la pire qualité de l’air. Par exemple, à Jakarta, les concentrations de PM2,5 n’ont jamais dépassé 73 μg/m³ depuis le début juin. Dubaï a connu trois journées à plus de 100 μg/m³ depuis le début juin, tandis que les concentrations de PM2,5 à Dehli n’ont pas dépassé 65 μg/m³.

Si l'intensité de la fumée a incommodé une grande partie des Canadiens, il faut rappeler que ce niveau de pollution atmosphérique est vécu au quotidien par des millions de personnes, particulièrement en Asie et en Afrique.

Lorsqu’on compare différentes villes à travers le monde, la disparité est frappante, souligne Christa Hasenkopf, directrice des Air Quality Programs (Nouvelle fenêtre) de l’Energy Policy Institute de l’Université de Chicago.

Selon l’OMS (Nouvelle fenêtre), les concentrations de PM2,5 de 17 % des villes de pays à revenu élevé sont inférieures aux lignes directrices de l'organisme. À l’opposé, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la qualité de l’air dans moins de 1 % des villes est conforme aux seuils recommandés.

Lahore, au Pakistan, a connu en juin une vingtaine de jours avec des concentrations de PM2,5 de plus de 100 μg/m³. Le 24 juin, les concentrations de PM2,5 étaient deux fois plus élevées à Hotan, en Chine (342 μg/m³), qu’à Montréal.

Parmi les 50 villes ayant la pire qualité de l’air en 2022, 39 sont en Inde, selon le site IQAir (Nouvelle fenêtre). Sept villes ont eu des concentrations annuelles de plus de 90 μg/m³ en 2022; quatre sont en Inde, deux au Pakistan et une en Chine. En comparaison, la moyenne annuelle dans les plus grandes villes du Canada en 2022 était de 8,5 μg/m³.

Si l'Inde est l'un des pays ayant la pire qualité de l'air, ce pays est dépassé par le Tchad, l'Irak et le Pakistan.

Des mois entiers sans bonne qualité d’air

En outre, l’étude australienne révèle qu'à l'échelle mondiale, les niveaux de pollution d’air ont dépassé les normes de l’OMS pendant plus de 250 jours en 2019.

En Asie, les niveaux dépassent les normes de l’OMS 90 % des jours de l’année.

Dans une trentaine de pays - dont la Chine, l’Égypte, l’Inde, le Bangladesh et les Émirats arabes unis - la pollution atmosphérique est au-dessus des seuils fixés par l’OMS au moins 300 jours de l’année. À Singapour, c’est plus de 360 jours par année où la pollution atmosphérique est au-dessus des limites recommandées. Au Canada, c’est 22 jours par an.

Des améliorations dans les pays industrialisés

Généralement, la qualité de l’air au Canada est meilleure que dans plusieurs pays à travers le monde.

En fait, les chercheurs ont observé une diminution des concentrations de polluants atmosphériques en Europe et en Amérique du Nord, et une augmentation en Asie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Les pays qui connaissent une croissance industrielle et démographique rapide, comme l’Inde, ont des taux de pollution de l’air très élevés, explique Mme Hasenkopf.

Les pays qui ont imposé des mesures pour réduire la pollution atmosphérique ont une meilleure qualité de l’air, ajoute-t-elle. Par exemple, aux États-Unis, depuis l’adoption du Clean Air Act en 1970, la pollution de l’air a diminué de 62 %.

En Chine, même s’il s'agit toujours de l'un des pays ayant la pire qualité de l’air, la situation s’est nettement améliorée depuis 2014, lorsque le gouvernement avait déclaré la guerre contre la pollution de l’air. En quelques années, la pollution atmosphérique a diminué d’environ 30 %.

C’est étonnant ce que la Chine a réussi à faire. Il a fallu des décennies aux États-Unis pour accomplir ce que la Chine a accompli en quelques années, dit Christa Hasenkopf.

Selon Stéphane Buteau, les efforts du Canada au cours des dernières décennies ont porté leurs fruits, notamment dans le corridor Windsor-Québec. Ça coïncide avec des technologies qui s'améliorent et qui font en sorte qu'on rejette moins de polluants dans l'atmosphère, dit ce professeur adjoint au Département de santé environnementale et santé au travail de l’Université de Montréal et conseiller scientifique spécialisé au sein de l’Équipe scientifique sur l’air de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Des Pékinois masqués.

Des Pékinois portent un masque respiratoire alors qu'un épais manteau de smog recouvre la capitale chinoise.

Photo : Reuters / Thomas Peter

Des normes assez strictes?

Toutefois, ces experts avertissent que les Canadiens ne devraient pas penser que la qualité de leur air est entièrement propre.

Compte tenu de nouvelles données probantes sur les effets sur la santé, en 2021, l’OMS a révisé à la baisse sa ligne directrice à des concentrations de PM2,5 annuelles de 5 μg/m3. Pour sa part, le Canada continue de recommander 8 μg/m3.

Même en utilisant une cible de 10 μg/m3, les chercheurs australiens estime que moins de 2 % de la population mondiale serait exposée à de l’air pollué.

Les normes de l’OMS sont beaucoup plus sévères que celles utilisées par la plupart des pays, mais elles sont importantes, dit Christa Hasenkopf, parce qu’elles sont basées sur la science. De plus, la littérature scientifique n’a déterminé aucun seuil minimal sécuritaire des PM2,5, précise-t-elle.

M. Brauer abonde dans le même sens. En fait, son équipe et lui (Nouvelle fenêtre) ont montré dans une étude que le risque de mortalité augmente lorsqu'on atteint des concentrations de seulement 2,5 μg/m3.

Nous ne devrions pas penser à déterminer un niveau soi-disant sécuritaire. Nous devrions plutôt essayer de réduire au minimum ces polluants.

Une citation de Michael Brauer, Université de la Colombie-Britannique

M. Buteau ajoute que la pollution atmosphérique est omniprésente. Il faut garder en tête que, même si l’indice de la qualité de l'air est au vert ou au jaune, il y a quand même des gens qui peuvent être incommodés. Et ça peut contribuer au développement de maladies chroniques à long terme.

Des reculs constatés

De la fumée s'échappe d'une industrie au loin.

Un camion circule dans les sables bitumineux près de Fort McMurray.

Photo : La Presse canadienne / Jason Franson

Dans certaines régions du pays, la qualité de l’air s’est dégradée. C’est notamment le cas dans les zones pétrolières en Alberta.

En 2021, l'Alberta a émis le plus de PM2,5. Entre 1990 et 2021, toutes les provinces et tous les territoires, à l'exception de l'Alberta, ont diminué leurs émissions de PM2,5. En Alberta, elles ont augmenté de 21 %.

Et si la technologie et certaines réglementations ont aidé à réduire les polluants émis par les voitures, l'augmentation du nombre de véhicules sur les routes vient contrecarrer ces efforts, déplore M. Buteau. Le transport continue d’être le secteur qui produit le plus de pollution atmosphérique au Canada.

De plus, les trois experts avertissent que les progrès au Canada commencent à s’effriter en raison des changements climatiques. Certains polluants commencent à augmenter avec les changements climatiques. On peut penser à l'ozone qui est un polluant qui est intimement lié à la température et au climat, ajoute M. Buteau.

Les feux de forêt, qui augmentent en fréquence et en intensité, sont la cause principale du recul au Canada et aux États-Unis, affirment ces experts.

D'ailleurs, une étude publiée en 2022  (Nouvelle fenêtre)estime que le nombre de personnes aux États-Unis exposées au moins un jour par an à des niveaux malsains d’air en raison de fumée d'incendies de forêt est 27 fois plus élevé qu’il y a 10 ans.

Le gouvernement canadien anticipe que les superficies brûlées au Canada doubleront d’ici la fin du siècle.

Les niveaux de PM2,5 observés en juin 2023 sont parmi les pires depuis plusieurs années dans plusieurs villes canadiennes à cause des incendies de forêt.

Vancouver a aussi connu un épisode de smog intense en septembre 2020, en raison de la fumée d'incendies de forêt aux États-Unis. En octobre 2022, Vancouver s'est classée 4e parmi les villes du monde ayant la pire qualité de l'air, à cause des feux de forêt en Colombie-Britannique et à Washington. Les mois de juillet et d'août 2021 ont été difficiles dans les provinces de l'Ouest en raison des incendies.

Les niveaux de polluants observés au début de l’été en Amérique du Nord ne sont qu’un aperçu de ce qui est à venir, craignent ces experts.

Nous sommes à un point où la qualité de l’air ne s’améliorera probablement plus.

Une citation de Michael Brauer, Université de la Colombie-Britannique

Si le Canada ne veut pas voir les concentrations de polluants atmosphériques augmenter, il doit réduire ses autres sources de pollution de l’air, ajoute M. Brauer. Il faut agir sur les émissions des voitures, améliorer le transport en commun et éliminer les poêles à bois dans les villes.

Nous devons nous préparer pour subir les contrecoups. La qualité de l’air intérieur et extérieur doit devenir un sujet d’actualité, croit Mme Hasenkopf.

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