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Mathématiques: les inégalités entre filles et garçons se sont-elles aggravées avec la réforme du lycée?

Fac, bac, le chantierdossier
Deux semaines après la polémique sur la part de filles dans l’apprentissage des maths, Jean-Michel Blanquer a évoqué un renforcement de cette matière dans le tronc commun en première et terminale.
par Emma Donada
publié le 7 février 2022 à 17h25
Question posée sur Twitter, le 26 janvier 2022,

Bonjour,

Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a jugé dimanche sur CNews qu’il fallait «probablement faire évoluer» le cours d’«enseignement scientifique» de deux heures, au tronc commun en première et terminale, afin qu’il comporte «plus de mathématiques», «pour la culture générale mathématique de l’ensemble des élèves».

Plusieurs sociétés savantes et associations de mathématiques avaient dénoncé dans un communiqué publié le 25 janvier «l’aggravation des inégalités filles-garçons en mathématiques au lycée». Ce constat a été relayé par plusieurs médias, dont Libération en infographie. «Alors que la part des filles en terminale S progressait régulièrement depuis 1994, la part des filles dans l’enseignement de spécialité mathématiques en terminale est redescendue au-dessous du niveau de 1994, chutant de près de 8 points après deux ans de mise en place de la réforme», déplorent-elles, études officielles à l’appui.

Dans le détail, en 2019 (dernière année de terminale avec l’ancienne répartition en filière), il y avait 47,5 % de filles en terminale S contre, deux ans plus tard, 39,8 % de filles en spécialité maths (1). Le taux de filles en filières mathématiques était d’environ 40 % en 1994.

Invité le 26 janvier sur BFMTV, Jean-Michel Blanquer avait mis en cause la pertinence de cette comparaison. «Dans l’ex-série S, vous aviez beaucoup de gens par exemple qui faisaient médecine ensuite. Quand vous voulez faire médecine aujourd’hui, très souvent ce que vous faites, c’est que vous faites physiques et sciences de la vie et de la terre et puis vous rajoutez maths complémentaires [en option, ndlr], c’est-à-dire trois heures», explique le ministre. En effet, une partie des élèves qui choisissaient la filière scientifique ne s’est pas reportée sur la spé maths. Il n’est donc pas possible de tirer ces conclusions sur la part de filles en filières dites scientifiques.

Cependant, la proportion de filles parmi les élèves qui suivent un enseignement offrant autant d’heures de maths que l’ex-série S (six heures sans la spécialisation, qui offrait deux heures de plus) a bien diminué, comme le pointent les associations. En effet, depuis 2019, les élèves de première ne choisissent plus entre la filière L, S ou ES, mais entre trois spécialités (en plus d’un tronc commun de matières). En terminale, le choix se restreint à deux spécialités. Les adolescents souhaitant pratiquer des mathématiques au même niveau horaire que celui de l’ancienne filière scientifique (sans les options) doivent prendre la spécialité «mathématiques», soit six heures hebdomadaires.

Pour les élèves de terminale qui souhaitent continuer des cours de maths sans en faire leur spécialité, il est effectivement possible de prendre «mathématiques complémentaires», l’option à laquelle fait référence Jean-Michel Blanquer, qui correspond à trois heures d’enseignement. «Les élèves qui choisissent l’option mathématiques complémentaires sont principalement des élèves qui se dirigent vers des études d’économie ou de médecine et non des études scientifiques», observe Sébastien Planchenault, président de l’association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public de la maternelle à l’université (Apmep), cosignataire du communiqué. Cette option regroupe donc des élèves aux profils différents dont une partie aurait vraisemblablement choisi la filière ES et l’autre S (et dans une moindre mesure L), avec le bac ancienne formule. A noter qu’en 2021, on compte une majorité de filles dans cette option, soit 62,6 %.

«La proposition de Blanquer ne répond pas à nos demandes»

«Il ne faut pas oublier qu’avec l’ancien lycée, une fille qui avait fait ES ou L avec l’option mathématiques pouvait malgré tout pouvoir suivre des études de mathématiques dans le supérieur, ce qui n’est maintenant plus possible vu que seuls les élèves ayant choisi la spécialité en première et en terminale le peuvent. Donc globalement cela diminue largement le potentiel des filles pouvant suivre des études de mathématiques et de sciences», estime Sébastien Planchenault.

D’après une note de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, de mai 2021, «50 % des filles choisissent d’arrêter les mathématiques en enseignement de spécialité entre la première et la terminale contre 30 % des garçons». Quant à la proposition de Jean-Michel Blanquer de mettre davantage de maths dans le cours d’«enseignement scientifique» actuellement dans le tronc commun, «elle ne répond pas à nos demandes, estime Sébastien Planchenault. On veut un ajout des mathématiques propres de deux heures dans le tronc commun pour répondre aux aspirations de tous les élèves et pour la culture générale».

(1) Par ailleurs, il y a seulement 31,4 % de filles parmi les élèves qui suivent l’option mathématiques expertes, destinée à compléter la spé maths.

Pour aller plus loin :

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