Movember sensibilise aux cancers masculins : "Les hommes se sentent seuls et culpabilisent"

  • Movember sensibilise aux cancers masculins. DR
    Movember sensibilise aux cancers masculins. DR
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Après Octobre rose sur le cancer du sein, Movember prend le relais de la sensibilisation au dépistage des cancers masculins cette fois. Le cancer de la prostate est, de loin, le plus fréquent avec 50 000 nouveaux cas par an, devant les cancers des testicules et de la verge. Urologue à la clinique Saint-Jean, à Saint-Jean-de-Védas, Bruno Segui rappelle des messages clés.

On sort d'Octobre rose, on entre dans Movember : ce mois de sensibilisation au cancer de la prostate est le pendant, pour les hommes, au mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein ?

C'est le mois de sensibilisation aux cancers masculins, sur une très bonne idée née en Australie en 2003 : partant du principe qu'on ne sensibilise pas aux cancers masculins et que les hommes ne prennent pas en charge leur santé comme les femmes, deux frères ont lancé le mouvement, relayé par une trentaine de copains. C'est arrivé en France il y a dix ans. Dans nos pratiques, on voit encore que ce sont les femmes qui amènent leur mari dans nos consultations, mais les choses sont en train de changer pour les jeunes générations. Les cancers masculins, c'est 50 000 nouveaux cancers de la prostate chaque année, 2 500 cancers des testicules et 500 cancers de la verge.

Bruno Segui est urologue à la clinique Saint-Jean à Saint-Jean de Védas.
Bruno Segui est urologue à la clinique Saint-Jean à Saint-Jean de Védas. Midi Libre - MICHAEL ESDOURRUBAILH

Quels sont les messages principaux à faire passer ?

Pour la prostate, l'association française d'urologie conseille de faire des dosages de PSA à partir de 50 ans, si on n'a pas d'antécédents, ou de 40 ans si on a des antécédents dans la famille. Pour le cancer des testicules, qui apparaît chez l'homme jeune, entre 20 ans et 40 ans, il ne faut pas hésiter à consulter un urologue en cas de grosseur suspecte.

On voit encore un dosage trop fréquent du PSA

Le dosage du taux d'antigène prostatique spécifique, cette hormone communément appelée PSA, a fait l'objet d'interprétations contradictoires, que dire, très clairement, sur le sujet ?

On est, en France, dans une situation de quasi-dépistage du cancer de la prostate, en respectant les seuils des âges précédemment évoqués. Mais on voit encore trop de dosages trop fréquents du PSA, il faut s'en tenir aux recommandations de l'urologue, en fonction du taux observé lors du premier dosage : ce peut être tous les cinq ans, si, à l'âge de 50 ans, on est dans la tranche des 10 % des taux les plus élevés de sa moyenne d'âge, ou tous les deux ans, si on est dans les 10 % des moins élevés. C'est en fonction de son facteur de risque personnalisé. Et le dosage du PSA n'a d'intérêt que chez un homme qui a 10 ou 15 ans d'espérance de vie. La prescription doit être raisonnable.

Un chiffre seul ne veut pas dire grand-chose

Et quel est le chiffre qui doit alerter ?

Je n'en donne pas car le chiffre seul ne veut pas dire grand-chose.

Ces recommandations ont permis de faire de très grands progrès : aujourd'hui, à peine 3 % des hommes ont un cancer métastasé, contre 70 % il y a quelques années...

Dans les années 90, je voyais plus d'un homme sur deux avec un cancer métastasé... Le cancer, c'est sournois. Les hommes s'inquiètent quand ils n'arrivent pas à bien uriner. C'est souvent un adénome, c'est bénin, et si c'est un cancer, c'est que ce sera souvent trop tard pour entreprendre un traitement. Mais on voit encore des hommes de 70 ans arriver avec un PSA à 200 ! Le cancer de la prostate, c'est environ 8000 décès par an, beaucoup sont évitables.

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En matière de traitements, quels sont les progrès ?

Il y a eu des progrès à tous les niveaux, on dose mieux le PSA et on détecte plus précocement, on fait des biopsies plus ciblées, et une fois le diagnostic arrêté, 30 % à 40 % des patients ne seront pas traités, 30 % auront une radiothérapie, 30 % seront opérés, de plus en plus au robot : 60 % des interventions contre 10 % dans les années 2000, c'est 90 % aux Etats-Unis. Avec le robot, il y a moins de saignements, d'infections, de douleurs. Mais sur la conservation de la continence et de l'érection, c'est le chirurgien qui fait la différence. Les hommes veulent être opérés par un robot, mais le robot, c'est le cerveau du chirurgien qui le guide...

Que faire pour prévenir le cancer de la prostate ?

La prévention primaire, ce serait la castration de l'homme à la puberté ! Pas grand-chose, même si on sait qu'un régime riche en graisses et la sédentarité semblent augmenter le risque de développer un cancer. On sait que les hommes exposés à la chlordécone, un pesticide utilisé jusque dans les années 90 dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe ont un risque plus élevé de cancer. Les Américains travaillent sur un vaccin, il n'est pas au point.

Il y a quelques jours, le rugbyman Philippe Sella est venu parler, sans tabous, de son cancer à l'occasion d'une soirée de sensibilisation à la clinique Saint-Jean, c'est important que des personnalités donnent de la visibilité à la maladie ?

Philippe Sella est un sportif de haut niveau, resté hyperactif, puissant... c'est important pour une maladie qui touche les hommes dans leur virilité. La virilité, ce n'est pas que la sexualité, c'est aussi le courage et la dignité. C'est important pour des hommes qui se sentent parfois seuls, ou culpabilisent.

Et aussi : journée d'information à la clinique Beau Soleil le 14 novembre

Dans le cadre de Movember, les équipes de chirurgie urologique de l’Institut Mutualiste Montpelliérain - Beau Soleil (groupe Aesio Santé) organise une journée de sensibilisation du grand public au cancer de la prostate le 14 novembre 2022, de 10 h 30 à 14 h 30, à la Cité des Ainés, 190 rue de la Taillade à Montpellier, gratuit sur inscription. Objectif : évoquer l’intérêt du dépistage, la prévention et les actualités en termes de traitement et de prises en charge innovantes. Ces conférences sont ouvertes à tous.

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