Ouvrir une maison de retraite quand des centaines ferment
Au moment où de nombreuses petites résidences pour aînés ferment leurs portes au Québec, une famille nouvellement installée dans les Laurentides relance une RPA qui a fait faillite il y a un an.
Tanya Garneau, propriétaire de la résidence Manoir Lausois à Notre-Dame-du-Laus, dans les Laurentides
Photo : Radio-Canada / Laurie Trudel
Lorsqu’elle est passée chez le notaire, le 28 juin, pour devenir officiellement la nouvelle propriétaire d’une petite RPA à Notre-Dame-du-Laus, Tanya Garneau a posé sa signature avec une dose d’audace.
Lorsque la résidence a fermé l’an dernier, c’est le maire de la municipalité qui m’a approchée pour que je m’implique dans la relance
, raconte-t-elle.
Il faut dire que la propriétaire précédente venait d’annoncer aux résidents et à leurs familles qu’elle fermait avec un préavis de quelques semaines.
Je vais m’acharner pour garder ça en vie, je ne peux pas accepter ça, qu’on déménage des aînés qui ont construit le village, qui ont participé à la vie sociale et économique
, affirmait alors le maire David Cyr.
David Cyr, maire de Notre-Dame-du-Laus, a participé à la relance de la RPA de sa municipalité.
Photo : Radio-Canada / Laurie Trudel
C’est ainsi que Mme Garneau s’est retrouvée en 2022 l’administratrice provisoire de la résidence, rémunérée par le CISSS des Laurentides. Petit à petit, quelques résidents sont revenus. En avril dernier, l’établissement de santé a finalement octroyé une nouvelle certification de RPA au Manoir Lausois.
Vous savez, j’offre des services de gestion et de comptabilité depuis 20 ans, et une bonne gestion, ça s’applique partout, peu importe la business
, constate Mme Garneau.
Cela dit, à court terme, la nouvelle propriétaire devra attirer de nouveaux résidents afin d’augmenter ses revenus.
Actuellement, nous avons 12 résidents et nous pourrions en avoir jusqu’à 50 en acceptant des couples
, précise-t-elle. Elle se dit convaincue de pouvoir attirer des aînés de la région de Gatineau et de Mont-Laurier.
Louise Lachapelle, une des 12 résidentes de la RPA Manoir Lausois, se dit heureuse d'être revenue dans sa communauté.
Photo : Radio-Canada / Laurie Trudel
Par ailleurs, l’accès à la main-d’œuvre compétente ne la préoccupe pas.
Ici, la plupart des employés sont revenus et on peut compter sur une équipe d’une douzaine de personnes
, affirme la propriétaire.
L’état du bâtiment ne présenterait pas de problèmes. La résidence est dotée de gicleurs, d’une génératrice et de la climatisation.
Comme l’explique celui qui demeure le principal créancier de l’immeuble, Robert Turpin, c’est un immeuble qui vaut plus de 3 millions de dollars et qui a été maintenu en excellent état
. Il se dit convaincu que la nouvelle propriétaire saura gérer la résidence avec succès.
M. Turpin persiste à croire cependant qu’il aurait fallu trouver une solution à l’été 2022 pour éviter le départ précipité
d’une vingtaine de résidents. Il a également eu à faire valoir ses droits dans le cadre de la faillite de 3,3 millions de dollars de la propriétaire précédente afin de récupérer son immeuble, que certains auraient voulu obtenir pour une bouchée de pain
.
Perte de 300 places dans les Laurentides en 2 ans
Depuis quelques années, on enregistre un peu partout au Québec de nombreuses fermetures de petites résidences pour aînés, de moins de 100 résidents.
Par exemple, le CISSS des Laurentides a enregistré la fermeture de huit résidences entre avril 2022 et mars 2023, ce qui représente 102 places. L’année précédente, une dizaine de RPA ont fermé leurs portes, ce qui a retiré plus de 200 places à des aînés.
Lors de l’étude des crédits au mois de mai 2023, la perte de 2100 places dans les petites RPA l’an dernier a fait l’objet de nombreux échanges entre la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, et les députés de l'opposition.
Le Manoir Lausois, une des 1490 RPA au Québec
Photo : Radio-Canada
Pour la Fédération québécoise des municipalités (FQM), il s’agit d’un dossier prioritaire.
La FQM est préoccupée par la situation précaire des RPA en région, car elle entraîne notamment un déracinement de nos aînés vers les grandes villes, explique la porte-parole Marie-Ève Dion. Plusieurs de nos élus siègent sur les conseils d’administration de RPA et essaient d’assurer leur pérennité.
À l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), on réclame un moratoire pour prévenir les évictions en RPA.
Au lieu de convertir les anciennes RPA en logements standards, il serait possible de réutiliser les RPA existantes pour créer des logements abordables et adaptés aux besoins des aînés
, estime le président Paul-René Roy.
Le reportage de Laurie Trudel.
S’installer en région
Lorsqu’ils se sont installés à Notre-Dame-du-Laus il y a deux ans, Tanya Garneau et son conjoint ont choisi la région parce que le prix des terres était très abordable, la moitié du prix en Montérégie
, dit-elle.
Le couple a lancé une scierie et dispose d’une terre fourragère. Il tenait aussi à inculquer le sens du travail à ses cinq enfants.
Comme le dit Mme Garneau, entrer travailler dans une RPA, c’est pas comme entrer travailler chez Revenu Québec!
.
On sait que ce ne sera pas facile du tout, mais je ne prends pas ma retraite dans deux ans et ce n’est pas pour faire un coup d’argent.
Avec la collaboration de Laurie Trudel
