(Sao Paulo) L’ex-chef de l’État brésilien Luiz Inacio Lula s’est affiché en leader de l’opposition au Brésil mercredi avec un discours virulent contre le président Jair Bolsonaro, sans toutefois déclarer sa candidature pour la présidentielle de 2022, lors de son premier discours depuis qu’il a recouvré ses droits politiques.

« Je voudrais que le peuple brésilien ne suive aucune des décisions imbéciles prises par le président de la République et son ministère de la Santé », a lancé Luiz Inacio Lula da Silva, 75 ans, lors d’une conférence de presse, alors que le coronavirus a fait plus de 268 000 morts au Brésil.

Un retour tonitruant sur l’arène politique pour l’ex-président de gauche (2003-2010), qui s’était fait plutôt discret depuis sa sortie de prison, fin 2019.

Mais tout a changé lundi, quand un juge de la Cour suprême a annulé l’ensemble des condamnations de Lula pour vice de forme, le rendant à nouveau éligible pour affronter Jair Bolsonaro à la présidentielle l’an prochain.

Toujours aussi combatif, la voix rauque parfois étranglée par l’émotion, l’icône de la gauche s’est dit « victime du pire mensonge judiciaire en 500 ans » au Brésil. « Pour la première fois, la vérité a prévalu », a-t-il lancé.

« N’ayez pas peur »

« N’ayez pas peur de moi, je suis radical parce que je veux attaquer les problèmes du pays à la racine, pour construire un monde plus juste, plus humain », a-t-il poursuivi, une réponse à ceux qui craignent qu’un duel au sommet entre l’ancien métallo et le dirigeant d’extrême droite n’accentue les profondes divisions dans la société brésilienne.

Mais Lula a assuré que, pour le moment, il n’avait « pas la tête à la candidature de 2022 ».

« Je crois que ce serait penser petit de parler de 2022 aujourd’hui. C’est le moment de parler des vaccins contre la COVID-19, du chômage », a-t-il ajouté, tout en n’écartant pas la possibilité d’alliance pour un « front uni » contre Bolsonaro.

Durant ses deux mandats (2003-2010), Lula est parvenu à mettre en place d’ambitieux programmes sociaux qui ont sorti des millions de Brésiliens de la misère à la faveur d’un boom économique, mais son image a été fortement ternie ces dernières années par les scandales de corruption.

Deux sondages récents ont montré que Lula était encore le candidat le mieux placé pour battre le président d’extrême droite en 2022.  

Même si l’ex-président n’a pas annoncé officiellement qu’il allait briguer un troisième mandat, il a fait « un discours de candidat », « donnant le coup d’envoi de sa campagne » en « tapant fort sur Bolsonaro », explique à l’AFP l’analyste politique Creomar de Souza, du cabinet de consultants Dharma.

« La campagne a commencé »

« La Terre est ronde et Bolsonaro croit qu’elle est plate », a persiflé Lula.  

« Sans toute cette folie qui a gagné le pays, beaucoup de morts auraient pu être évitées », a-t-il ajouté, fustigeant notamment le fait que le Brésil manque de doses de vaccins contre la COVID-19 parce que gouvernement n’a pas noué les accords nécessaires avec les laboratoires pharmaceutiques.

« Il aurait fallu créer un comité de crise, impliquer des scientifiques, mais à la place, on a eu un président qui parlait de petite grippe et de chloroquine », a-t-il lancé, en allusion à l’hydroxychloroquine, médicament controversé dont Jair Bolsonaro n’a cessé de vanter les mérites, même si de nombreuses études ont montré qu’il était inefficace contre la COVID-19.

Lors d’une cérémonie officielle de promulgation d’une loi autorisant des dépenses supplémentaires pour l’acquisition de vaccins, Jair Bolsonaro a adopté un discours plus modéré que d’habitude, utilisant même un masque de protection, alors qu’il se présentait la plupart du temps à visage découvert.

« Faisons confiance au gouvernement, au ministère de la Santé », qui travaillent avec « sérieux et responsabilité », a déclaré le chef de l’État, dont la gestion chaotique de la pandémie est fortement critiquée par les spécialistes en santé publique.

La Bourse de Sao Paulo, qui avait chuté de près de 4 % lundi, après l’annonce de l’annulation des condamnations de Lula, était en légère hausse (+0,4 %) peu avant la clôture.

Pour l’analyste économique André Perfeito, du cabinet de consultants Necton, « la campagne a déjà commencé » et le discours de Lula devrait « pousser Bolsonaro vers le populisme, au détriment des réformes d’austérité » promises par le ministre de l’Économie ultralibérale Paulo Guedes.