L'Opéra de Paris "à genoux", Stéphane Lissner quittera la direction plus tôt que prévu

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L'Opéra de Paris "à genoux", Stéphane Lissner quittera la direction plus tôt que prévu

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Stéphane Lissner quittera son poste de directeur de l'Opéra national de Paris à la fin de l'année 2020, six mois plus tôt que prévu
Stéphane Lissner quittera son poste de directeur de l'Opéra national de Paris à la fin de l'année 2020, six mois plus tôt que prévu
© AFP - FRANCOIS GUILLOT

Dans une interview donnée au Monde, Stéphane Lissner annonce qu'il quittera la direction de l'Opéra de Paris plus tôt que prévu. Inquiet pour la solidité de l'institution qui accuse un déficit de 40 millions d'euros, il veut laisser les pleins pouvoirs à son successeur pour relancer l'activité.

Il devait partir en juillet 2021 mais ce sera finalement à la fin d'année 2020 que Stéphane Lissner quittera ses fonctions de directeur de l'Opéra national de Paris, poste qu'il occupe depuis 2014. Un départ anticipé afin de laisser les pleins pouvoirs à Alexander Neef, son successeur. Dans une interview sans concession accordée au journal Le Monde, il justifie cette décision par le fait de devoir agir rapidement pour sauver l'Opéra de Paris. Une institution "à genoux" en raison de la succession des événements de ces dernières années ayant causé de nombreuses annulations. 

Attentats de Paris, grève contre la loi travail El Khomri, gilets jaunes, le mouvement social contre la réforme des retraites, plus longue grève de l'histoire de l'Opéra et pour finir, la crise du Covid-19. Fermé depuis le 9 mars dernier, l'Opéra de Paris a dû annuler 156 représentations jusqu'au 15 juillet. Cumulées avec les représentations annulées pendant la grève contre la réforme des retraites, l'institution lyrique accuse des pertes estimées à 45 millions d'euros. 

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"Fin 2020, il est probable que l'Opéra de Paris n’aura plus de fonds de roulement, déclare Stéphane Lissner au journal Le Monde. L’urgence de la situation économique va exiger des prises de décision drastiques et immédiates, qui auront un impact social important. Elles ne doivent et ne peuvent être prises que par ceux qui auront les rênes de la maison dans le futur, en l’occurrence, mon successeur, Alexander Neef, et son directeur adjoint, Martin Ajdari. C’est pourquoi, à partir de janvier 2021, j’ai choisi de m’effacer afin qu’il n’y ait plus qu’un seul patron à bord".

Alexander Neef, 46 ans est l'actuel directeur de la Canadian Opera Company de Toronto. Il est censé prendre ses fonctions à Paris en août 2021. Quant à Stéphane Lissner, il part prendre la direction du Théâtre San Carlo de Naples. En attendant la réouverture des salles, il a décidé d'anticiper des travaux prévus entre juillet et octobre 2021 dans les deux salles. Bastille sera fermée jusqu'au 15 novembre et reprendra avec trois productions en alternance : le ballet La Bayadère et les opéras La Traviata (mise en scène Simon Stone, direction de James Gaffigan) et Carmen (mise en scène de Calixto Bieito, direction de Domingo Hindoyan).

Quant au Palais Garnier, il sera en travaux jusqu'au mois de décembre prochain. Néanmoins, à partir du 15 septembre, deux à trois concerts par semaine seront donnés en version orchestre de chambre, présentés devant le rideau de fer. Stéphane Lissner le confirme, sa Tétralogie de Wagner est définitivement annulée. Elle devait être son dernier coup d'éclat avant de quitter Paris. 

Le directeur se confie également sur le bilan de ces années passées à la tête de l'Opéra. Stéphane Lisser affirme que les soutien qu'il a exprimé vis-à-vis des grévistes de l'Opéra en décembre 2019, lui a été beaucoup reproché. Mais il critique "une poignée d'individus" qu'il tient pour responsable des annulations des représentations pendant la grève contre les réformes des retraites, alors que "la RATP et la SNCF avaient repris le travail, que l'Opéra de Paris avait ouvert des discussions pour trouver des solutions, et l'Etat donné des signes encourageants". Un constat qui lui fait dire : "la maison est abîmée". 

Visiblement éreinté par un dialogue social compliqué à l'Opéra, Stéphane Lissner en profite pour pointer du doigt des "organisations braquées contre toute forme de gouvernance, qui, en croyant défendre le salarié, mettent en péril l’outil de travail". Il tient tout de même à les différencier des "syndicats responsables qui travaillent dans une confrontation constructive". 

"J’avais toujours conservé une réelle empathie et une solidarité envers les salariés et les intermittents, poursuit-il. Mais ce chantage continuel au lever de rideau, le fait de devoir attendre jusqu’à une demi-heure avant un spectacle pour savoir s’il sera joué ou non, tout cela n’a plus rien à voir avec notre métier. Sans parler du mépris affiché pour les artistes et le public, qui représente quand même 900 000 personnes et 75 millions d’euros de billetterie, soit plus d’un tiers du financement de ce théâtre. Aujourd’hui, il n’y a même plus de spectacles !"

Stéphane Lissner évoque également le dispositif de solidarité mis en place envers les artistes concernés par les annulations liées au Covid. Tous les chanteurs ont été payés "entre 25% et 30% de leur cachet" indique-t-il. Ainsi que "1000 euros par représentation prévue". Enfin il revient sur ses regrets de ne pas avoir été prolongé à la tête de l'Opéra de Paris. "Je l'ai dit, j'étais prêt à rester trois ans de plus mais on m'a balloté pendant un an en soufflant le chaud et le froid (Françoise Nyssen m'a dit deux fois oui, deux fois non). Je suis un esprit libre. J'ai décidé seul et en responsabilité. Cela dérange peut-être, mais je ne déroge pas" conclut-il. 

La chronique d'Antoine Pecqueur
3 min
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