Femme artiste : muse ou génie ?

Peintre ©Getty - Guido Mieth
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Comment l'émancipation des femmes artistes depuis le XIXe siècle permet-elle une remise en cause de la symbolique masculine? On en parle avec la philosophe Geneviève Fraisse, qui publie "La Suite de l'Histoire" (Seuil, septembre 2019).

Avec
  • Geneviève Fraisse Philosophe de la pensée féministe, directrice de recherche émérite au CNRS

Au lendemain du verdict très attendu du procès d'Harvey Weinstein aux Etats-Unis, pour une affaire que Geneviève Fraisse définissait elle-même en 2017 comme n'étant pas "un dérapage" mais comme "faisant partie du système", la philosophe de la pensée féministe revient avec nous sur l'évolution des mentalités en lien avec l'histoire de l'émancipation des femmes artistes depuis le XIXe siècle. 

Dans La Suite de l'Histoire, publié au Seuil en septembre dernier, elle voit dans la lutte des femmes pour l'émancipation artistique une remise en question fondamentale des normes esthétiques masculines, qu'elle appelle "dérèglement des représentations". 

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Je me situe moins du point de vue de la justice que du point de vue de l’écriture de l’Histoire. (…) Ça me paraît plus subversif.        
(Geneviève Fraisse)

J’ai voulu rendre visibles les femmes, alors qu’on les a invisibilisées dans l’Histoire. Mais ça n’est pas suffisant, ça va plus loin : l’art plus que l’économie, plus que la politique va ébranler les représentations, amener un dérèglement des représentations.        
(Geneviève Fraisse)

Pour elle, ces artistes se sont réapproprié les récits masculins sur les femmes dans le même temps qu'elles se réappropriaient leur corps. Et puisque Geneviève Fraisse se réclame d'un héritage foucaldien de la "provenance", elle commence par remonter à Platon et sa conception du "double Eros", ainsi que Kant et Rousseau pour leur exclusion systémique des femmes de l'art. 

En outre, elle retrace l'évolution historique des artistes féminines et leur lutte difficile pour l'émancipation, de Colette, George Sand ou Joséphine Baker à Frida Kahlo, Cindy Sherman ou encore Louise Bourgeois. Des artistes à la fois collectives et individuelles, uniques et multiples, dans ce que Geneviève Fraisse revendique comme une "lignée" de femmes artistes servant de repères utiles pour questionner la manière dont l’art peut, plus encore que la politique ou l'économie, s’attaquer à la question de fond : la symbolique masculine.

On est extrêmement superficiels dans la question de l’homme et de l’œuvre. Or c’est une fusée à plusieurs étages : il faut rentrer dans les contenus.  (...) On reproche encore aujourd’hui aux femmes de mélanger la femme et l’œuvre, mais pas aux hommes.    
(Geneviève Fraisse)

Cofondatrice de la revue Les Révoltes logiques avec Jacques Rancière en 1975, un temps déléguée interministérielle aux Droits des femmes puis députée européenne, Geneviève Fraisse a publié de nombreux ouvrages sur la pensée féministe incluant Du Consentement (Seuil, 2007, réédité en 2017), La sexuation du monde, réflexions sur l’émancipation (Presses de Sciences Po, 2016) et très récemment Féminisme et philosophie (2020, Folio Essais).
 

La Grande table
28 min

Extraits sonores :

  • France 24, 24/02/2020, "Harvey Weinstein reconnu coupable"
  • Annette Messager, "Les Matins de France Culture", 24 février 2017
  • Madonna lors de sa remise de prix aux Billboard Women in Music, 2016

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