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Vie de bureau

Les doutes sur le vaccin Johnson & Johnson jettent un nouveau froid sur la vaccination en entreprise

REPORTAGE VIDEO – L’annonce d’une "pause" dans l’utilisation du vaccin Janssen élaboré par le groupe américain et prévu en France ces prochains jours a cueilli à froid les professionnels de la médecine du travail. Dans ce centre de vaccination des salariés géré par SEST, comme ailleurs, le démarrage était déjà poussif.

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Le centre de vaccination des salariés du SEST, à Issy-les-Moulineaux, le 13 avril 2021.

Le centre de vaccination des salariés du SEST, à Issy-les-Moulineaux, le 13 avril 2021.

Isabelle de Foucaud/Challenges

Peu avant 15 heures, ce mardi 13 avril, une alerte actu sur son téléphone voile soudain la bonne humeur de Denys Brunel. Le président du SEST (Service aux Entreprises pour la Santé au Travail) -une association qui fournit un service de médecine au travail à 6.000 entreprises en Île-de-France couvrant 105.000 salariés- vient d’apprendre que les autorités sanitaires américaines ont décidé de faire une "pause" dans l’utilisation du vaccin développé par Johnson & Johnson afin d’enquêter sur six cas de personnes ayant développé des cas graves de caillots sanguins aux Etats-Unis. "Après la suspension d’AstraZeneca, nous espérons que cette interruption du vaccin Janssen, qui était attendu de pied ferme en France, ne va pas casser l’envie de se faire vacciner", réagit-il, à chaud, en arpentant les couloirs du centre de vaccination des salariés que le SEST a ouvert il y a six semaines dans ses locaux, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Depuis le 25 février, en effet, la médecine du travail est officiellement autorisée à vacciner.

Cet après-midi-là, une dizaine de personnes ont rendez-vous pour se faire administrer leur première dose de vaccin anti-Covid au cinquième étage de ce bâtiment moderne, tout en vitres. Bureau d’accueil, salle d’attente, salle de vaccination puis salle de repos post-injection… Dès le hall d’entrée, le circuit de vaccination est soigneusement fléché. Si le centre n’est ouvert qu’une journée par semaine, le mardi, l’organisation des équipes du SEST est déjà parfaitement rôdée. Pour autant, l’inquiétude du maître des lieux est loin d’être exagérée: les déboires du vaccin élaboré par le groupe américain ne vont certainement pas arranger le démarrage poussif de la campagne de vaccination en entreprise. A ce stade, les médecins du travail ont réalisé près de 26.400 injections (25.300 premières doses et 1.100 deuxièmes doses) contre le Covid-19 sur des salariés âgés de plus de 50 ans avec comorbidités, hors professions de santé, selon les données du secrétariat d'Etat chargé de la santé au travail publiées mercredi 14 avril. A titre de comparaison, selon le ministère de la Santé, plus de 11 millions de personnes avaient reçu au moins une injection (soit 16,5% de la population totale et 21% de la population majeure) et 3,8 millions de personnes avaient reçu deux injections (soit 5,7% de la population totale et 7,3% de la population majeure) le 12 avril...

Méfiance envers le vaccin d'AstraZeneca

Comme les médecins de ville ou les pharmacies, les professionnels de la santé au travail n’ont tout d’abord pas échappé à la pénurie de vaccins. "Nous avons dû annuler deux journées de vaccination dans notre centre [ouvert actuellement chaque mardi, NDLR] car aucune dose n’avait pu nous être livrée", témoigne Denys Brunel, qui visait un rythme de croisière de 100 vaccinations par journée et tourne plutôt autour d’une trentaine en moyenne. Mais surtout, la méfiance envers le vaccin d’AstraZeneca depuis sa suspension temporaire dans plusieurs pays d’Europe, dont la France mi-mars, suivie d'un abandon pur et simple par le Danemark le 14 avril, rend la tâche encore plus difficile. "Nombre de salariés ont annulé leur rendez-vous dans la foulée", regrette le président du SEST. Et lorsqu’ils appellent pour se renseigner, beaucoup renoncent à prendre un rendez-vous car ils ne veulent pas du vaccin d’AstraZeneca.

Denys Brunel, président du SEST, et Marie Sannchez, directrice du développement. Crédit: Isabelle de Foucaud/Challenges

Or, il s’agit du seul que propose l’association actuellement. "Entre la conservation dans des super-réfrigérateurs et l’administration des doses dans les six heures, la logistique nécessaire pour les vaccins à ARN messager de Pfizer ou Moderna est trop complexe à ce stade", explique Marie Sanchez, directrice du développement du SEST. C’est dire si les espoirs étaient tournés sur le vaccin de Johnson & Johnson qui devait arriver cette semaine en France, à hauteur de 206.400 doses la semaine du 12 avril et de 358.000 doses la semaine du 26 avril, selon une communication de la DGS datée du 11 avril. Las, à peine deux heures après la "pause" imposée outre-Atlantique, Johnson & Johnson a annoncé avoir "pris la décision de retarder le déploiement" de son vaccin en Europe.

Une infirmière du SEST dans la salle d'injection du centre de vaccination, le 13 avril 2021. Crédit: Isabelle de Foucaud/ Challenges

Vaccination élargie à tous les plus de 55 ans

Pas de quoi ébranler néanmoins ce salarié de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), âgé de 62 ans, venu se faire vacciner ce mardi. "J’ai réservé un créneau dès que mon employeur nous a informés de la possibilité de nous faire vacciner ici", explique-t-il. Et sa deuxième injection est d’ores et déjà calée le 6 juillet, ajoute celui-ci, installé dans la salle de vaccination, où il est reçu par deux infirmières. Celles-ci sont autorisées à prescrire et pratiquer l’injection sans la présence obligatoire d’un médecin, depuis le 26 mars. "Les patients répondent au préalable à un questionnaire médical complet afin que nous puissions identifier d’éventuels risques qui pourraient empêcher la vaccination, comme des allergies ou d’autres problèmes de santé", détaille l’une d’elles. Non loin de là, au premier étage, le docteur Roberta Tomassetti, l’une des trois médecins référents du SEST, veille tout de même au grain. "Je reste disponible pour intervenir en cas de problème ou pour répondre aux questions des patients." Plus d’une fois a-t-elle dû en "rassurer" ces dernières semaines, confie-t-elle.

Le matériel de vaccination au centre du SEST, le 13 avril Crédit : Isabelle de Foucaud/Challenges

La vaccination en entreprise va-t-elle passer à la vitesse supérieure, après les annonces d’Olivier Véran, le 11 avril, promettant d’élargir la campagne à toutes les personnes de 55 ans et plus? Sur Twitter, Laurent Pietraszewski, le secrétaire d’Etat chargé de la Santé au travail s’est empressé de le rappeler: "Les salariés répondant à ces critères en font partie." Les nouvelles étapes du déploiement de la campagne de vaccination avec une ouverture progressive aux classes d'âge plus jeunes "seront réalisées avec les vaccins que recommandera la HAS", a précisé à l'AFP le secrétariat d'Etat chargé de la santé au travail, sans s'avancer sur le type de vaccin. S’il ne s’attend pas à un miracle, Denys Brunel espère bien que la demande va augmenter. "Avant, seules les personnes de plus de 55 ans avec comorbidités avaient accès au vaccin, et ce ne sont pas les profils les plus fréquents au sein des entreprises", relève-t-il. Dans les starting-blocks, le SEST se tient prêt à élargir les plages de vaccination.

Le docteur Roberta Tomassetti, l’une des trois médecins référents du SEST, supervise le bon déroulement de la vaccination des salariés au centre. Crédit: Isabelle de Foucaud/Challenges

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