Alcool en entreprise : 6 questions pour comprendre et agir

L’alcool au travail : un sujet complexe et encore largement tabou. Face à un collègue en difficulté, ou face à des situations professionnelles qui mélangent les genres, comment réagir ? Comment orienter l’entreprise vers des pratiques plus responsables ?

On vous propose un tour du sujet en 6 questions-clé.

  1. Quels sont les enjeux ?
  2. Que dit la loi sur l’alcool au travail ?
  3. Quelle est la responsabilité de l’employeur ?
  4. Que faire face à un collègue dépendant à l’alcool ?
  5. Comment sensibiliser la direction et les managers ?
  6. Dépistage, prévention, formation… quels leviers d’action ?

Vous êtes prêts ? C’est parti !

Quels sont les enjeux ?

La consommation des Français ne diminue pas, à l’inverse des autres pays mondiaux qui affichent des chiffres en baisse.

L’alcool cause en France 41 000 décès par an et reste la 2ème cause évitable de mortalité après le tabac, responsable de 30 000 cancers. Mais qu’en est-il en entreprise ?

Le lieu de travail est à double tranchant : facteur de protection pour une majorité, il peut devenir un facteur d’accélération des conduites addictives pour d’autres. Des conditions de travail difficiles (stress, relations conflictuelles, métiers pénibles…), une disponibilité des produits en milieu professionnel ou des pratiques liées à la culture d’entreprise peuvent provoquer une hausse des consommations à risques.

Peu d’études récentes se sont penchées sur les liens entre conduites addictives et activité professionnelle. La dernière conséquente remonte à 2014 avec une enquête BVA réalisée pour la MILDECA auprès de 605 dirigeants, encadrants et personnels RH.

On apprenait alors que 91% des dirigeants déclaraient que les salariés de leur entreprise consommaient au moins un produit psychoactif et 85% des dirigeants se disaient “préoccupés” par cette consommation. 90% des médecins du travail avaient également été sollicités par des DRH pour des problèmes d’alcool.

Un effet du télétravail sur l’alcool ?

D’après les chiffres de Santé Publique France, les phases de confinement ne montrent pas d’effet COVID notable sur la consommation d’alcool. Elle s’oriente même logiquement à la baisse chez les jeunes et les étudiants, avec la fermeture des bars et les restrictions de déplacement. Une population semble rester à l’écart de cette tendance : les télétravailleurs, dont la consommation pourrait au contraire avoir augmenté pendant la période d’après cette étude de L’UCLouvain. Un constat que partagent de nombreux professionnels de la santé au travail, confrontés à l’isolement et l’anxiété des salariés, et qui ont dù imaginer de nouvelles approches de prévention à distance en 2022.

hans-vivek-FCeczYTFDJQ-unsplash-scaled-e1606300527947-2Photo by Hans Vivek on Unsplash

 

Que dit la loi sur l’alcool au travail ?

La loi française est plutôt stricte concernant l’alcool en entreprise. L’article R4228-20 du Code du Travail précise que seuls le vin, la bière, le cidre et le poiré sont autorisés sur le lieu de travail. L’entreprise peut choisir d’encadrer davantage la pratique dans le règlement intérieur, une note de service ou une charte : autoriser l’alcool uniquement au restaurant d’entreprise ou lors d’occasions particulières comme des pots de départs ou séminaires, ou même l’interdire complètement, pour des raisons de sécurité notamment.

L’article R. 4228-21 du Code du travail ajoute qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse. Si l’entreprise ne respecte pas cette interdiction, elle s’expose à une amende de 3750€ par employé concerné.

Enfin, concernant les fameux pots d’entreprise, il n’existe pas de réglementation générale. Les règles applicables varient suivant les lieux et les modes d’organisation, comme l’explique dans le détail cette fiche pratique du site Addict’Aide.

Cadre santé

Quelle est la responsabilité de l’employeur ?

En matière d’alcool comme sur d’autres sujets, l’entreprise doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail).

D’après l’OMS, “15 à 25% des accidents du travail seraient dus à l’alcool ou d’autres substances psychoactives” (“Alcohol and the workplace”, 2012). Si un accident grave se produit, sur un poste à risque par exemple (conduite d’engins, travail en hauteur…), l’employeur peut être poursuivi pour faute inexcusable et sa responsabilité pénale engagée, en cas de mise en danger d’autrui ou de non-assistance à personne en danger.

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Confronté à une personne ivre au travail, l’employeur peut procéder à un contrôle d’alcoolémie (si cela est inscrit dans le règlement intérieur), puis sanctionner le salarié. En cas de malaise ou d’agressivité manifeste, il est conseillé de faire appel aux secouristes (SAMU, pompiers), et/ou de prévenir un proche, en mesure de raccompagner la personne chez elle. A plus long terme, il faut s’assurer de maintenir le dialogue et prendre contact avec les services de santé au travail et les centres spécialisés, pour prendre le relai.

Au-delà de ces cas graves, l’employeur est invité à mettre en place des actions de prévention régulières pour réduire le risque sur la santé des employés.

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Que faire face à un collègue dépendant à l’alcool ?

Une personne alcoolique ou alcoolo-dépendante dans un service, et c’est parfois toute une équipe qui bascule dans un enfer professionnel : problèmes relationnels, désorganisation du service, gêne, surcharge de travail, peur de la “dénonciation”…

C’est pourquoi il est important d’être attentif aux signaux faibles (somnolence, baisse d’attention, manque de motivation) et forts (odeurs, absences répétées, agressivité verbale, comportements désinhibés) qui peuvent survenir..

Face à un.e collègue en difficulté, le site Aide-alcool recense plusieurs conseils utiles, pour maintenir le lien et garder la distance nécessaire à votre propre santé psychique :

  • lui exprimer factuellement les difficultés que vous rencontrez, et qui sont liées à sa consommation excessive d’alcool (sans forcément la mentionner !). La personne osera alors peut-être aborder d’elle-même le sujet avec vous.
  • éviter de résoudre systématiquement les conséquences et de couvrir la personne, car le problème ne manquera pas de se reproduire
  • exprimer votre inquiétude à votre collègue en tentant de parler en “Je” pour éviter de stigmatiser la personne
  • orienter vers une personne compétente : addictologue, médecin du travail, centre spécialisé…

Dans tous les cas, ne restez pas seul.e face au problème, parlez-en à votre manager ou au médecin du travail par exemple, pour mieux évaluer la situation.

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Comment sensibiliser la Direction et les Managers ?

Dans certains secteurs (BTP, hôtellerie, transports, arts du spectacle…), l’alcool au travail est un problème identifié de longue date. Pendant ce temps, d’autres entreprises préfèrent la politique de l’autruche. Pour des raisons essentiellement culturelles, l’alcool au travail reste un sujet tabou, malgré le coût financier (arrêts de travail, baisse de performance…), humain, et le risque juridique pour l’employeur.

Pourtant, une infirmière, un préventeur, une représentante du personnel confrontée au problème ne peut rien seule ; l’engagement de toute l’entreprise, et notamment des managers de proximité, permet seule la vigilance nécessaire.

En réaction, l’entreprise EDF a choisi de rédiger un guide pratique très complet à l’attention de ses managers (téléchargeable ici) pour les sensibiliser sur leur rôle spécifique.

Pour briser le silence qui entoure le sujet de l’alcool, une campagne nationale comme le Dry January (Mois sans Alcool) ouvre également des perspectives intéressantes en matière de prévention. Elle permet d’aborder le sujet librement en entreprise, de manière ludique, positive, non stigmatisante et dans une approche également collective, sous forme de challenge. De quoi séduire une Direction parfois frileuse à se lancer.

📖 En savoir + : comment organiser « le Dry January (Mois Sans Alcool) dans son entreprise » ?

 

Dépistage, prévention, formation : quels leviers d’actions ?

Pour conclure, le levier d’action le plus efficace et à moindre coût sur le long terme pour l’entreprise reste la prévention. N’attendez pas qu’une situation se dégrade ou apparaisse pour agir.

Un règlement intérieur, un protocole en cas de problème, des procédures de sanction peuvent s’avérer utiles, mais ne remplaceront jamais un dialogue et une politique de prévention consistante.

Pour faire le point, pourquoi ne pas commencer par faire votre propre diagnostic ? Le site Addict’aide recense 20 questions pratiques pour auto-évaluer votre politique de prévention.
Vous pourrez ainsi rapidement identifier vos marges de progression.

La création d’un comité de pilotage ou d’un groupe de prévention alcool ou addictions au travail au sein de l’entreprise, comme le recommande le Ministère du travail, est également une bonne manière de démarrer, en y associant les membres du CSE et les acteurs de santé au travail. L’adaptation du document unique (DUER) peut également être l’occasion de vous interroger collectivement sur les risques professionnels liés à l’alcool au sein de votre entreprise.

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