A épidémie mondiale, solidarité mondiale !

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Réunion de sensibilisation à la COVID-19 animée par l'association haïtienne AHCD en mai 2020

La pandémie du coronavirus s'est abattue sur toute la planète. La crise sanitaire et le confinement qui lui a vite succédé ont plongé les populations du monde entier dans la précarité et la pauvreté. Partout, le monde associatif s'est mobilisé. Les organisations partenaires du Secours populaire, en première ligne de ce combat, ont fait preuve d'une détermination et d'une inventivité extraordinaires. 

« Notre alternative est de mourir du virus ou de mourir de faim ». Ce cri d’alerte, lancé par l’association équatorienne C-Condem, met en exergue que la crise sanitaire ne fait que révéler, dans de nombreux pays déjà fragilisés, la pauvreté et la précarité de ses populations. Que cette crise en entraîne d’autres, plus profondes, plus périlleuses encore : chômage de masse, insécurité alimentaire, faillite de l’éducation. La centaine d’associations partenaires du Secours populaire ont fait preuve, dès le début de la pandémie, d’une énergie et d’une inventivité extraordinaires. En un contexte mondial où les politiques gouvernementales ont au mieux été insuffisantes et ont au pire failli, la solidarité populaire a joué plus que jamais et de manière vitale son irremplaçable rôle.

Des crises en cascade

La sentence de C-Condem est à prendre au pied de la lettre. Au premier trimestre 2020, 40% de la population active équatorienne se retrouve au chômage. Les communautés de cueilleurs artisanaux, de pêcheurs et de petits commerçants des zones côtières n’ont pas pu travailler durant cinquante jours et ont fait face à une véritable crise de la faim. L’association Zanaka de Madagascar témoigne quant à elle que la totalité de la population malgache est touchée par la crise. Les prix des produits de première nécessité ont flambé et, parallèlement, la plupart des malgaches ont perdu leur emploi. Les villageois sont confinés, sans revenus, avec une aide insuffisante ou sans aide du tout. La dénutrition est la conséquence directe de cette situation chaotique et les enfants en sont les premières victimes. La fermeture des écoles déclenche une carence supplémentaire : une carence éducative. De nombreux villageois connaissent l’angoisse du jour-même et souffrent de dépression nerveuse. Ce récit malgache fait figure d’exemple ; il témoigne d’une réalité vécue dans de trop nombreux pays. Dans ceux-ci, la crise économique due au confinement et incarnée par un chômage de masse est amplifiée par le fait que les diasporas, installées dans des pays également confinés et touchés par la crise, ne peuvent plus adresser aux familles restées au pays l’aide financière qu’elles adressent habituellement. 

Une solidarité aux visages multiples

Face à cette crise sanitaire sans précédent, la solidarité s’est organisée dans l’urgence. Sur le front de la santé bien sûr, mais aussi de la sécurité alimentaire, l’accès à l’éducation et le soutien psychologique, des actions tous azimuts se déploient aussitôt. Le soutien du Secours populaire est alors crucial, ainsi que la nécessité de demeurer présent, sur le long terme, auprès des partenaires pour construire des lendemains plus sereins.

Des hôpitaux insuffisamment équipés et des professionnels de santé débordés face à la pandémie : dans les témoignages des partenaires du SPF, à quelque endroit du monde, saille ce constat sans appel. Aussi, de nombreuses actions consistent en l’équipement d’établissements de santé en matériel médical. Au Bangladesh par exemple, un projet impulsé par GK Savar consiste en la mise en place d’hôpitaux de campagne, la formation et l’équipement de personnels de santé, la distribution de tests et de matériel de protection.

De nombreuses actions de prévention sanitaire ont été impulsées. Ainsi, au Mozambique, l’association AMPDC a constitué et formé 40 comités de santé pour sensibiliser les communautés à la Covid-19. Ceux-ci ont pu distribuer du matériel de prévention (savons, seaux avec robinet pour le nettoyage des mains et masques) aux femmes et aux écoles tandis qu’une vaste campagne de prévention par voie radiophonique a été mise en place. Au Salvador, c’est directement au domicile des familles que les membres de l’association Provida se sont rendus afin de délivrer des colis alimentaires en même temps que les conseils sanitaires de base. Pourvoir en nourriture et en produits d’hygiène des milliers de famille : cet acte élémentaire, ce geste universel et vital, a occupé tous les partenaires du Secours populaire, aux quatre coins de la planète, durant les mois de confinement qui ont mis tant de familles dans le désarroi et la pauvreté.

Une autre conséquence du confinement, qui elle aussi creusa plus encore les inégalités, fut la fermeture des écoles. Nombre de partenaires du SPF se sont attachés à ce que des milliers d’enfants puissent poursuivre leur scolarité. Ainsi, l’association géorgienne Educare a fourni à de nombreux lycéens pauvres des ordinateurs portables, des logiciels éducatifs et une connexion internet. Alors, ces élèves purent suivre les cours en télé-enseignement et ne pas décrocher de leurs études quand l’enseignement, dans un pays confiné, ne se dispense plus qu’à distance.

Un père et sa fille libanais venant de recevoir un colis de l’association DPNA – Avril 2020
 
Consultation médicale avec l’association bangladaise GK Savar – Mai 2020

A situation de crise inédite, solidarités inédites

Dès le début du confinement, les partenaires du Secours populaire ont compris qu’il allait falloir secourir des populations qui parvenaient, avant la catastrophe, à subvenir de manière automne à leurs besoins mais qui ne parviendraient plus, dorénavant, à gagner leurs habituels revenus précaires. Ces populations ce sont les travailleurs de l’économie informelle et artisanale qui vivent des revenus quotidiens de leur travail. On pourrait penser de prime abord que cette situation ne concerne que les pays en voie de développement mais l’action conduite par l’association belge Aseb s’inscrit en faux : de nombreux étudiants, ne pouvant plus exercer de petits boulots, n’auraient pu se nourrir sans aide alimentaire.

Le confinement a nécessité, pour les associations partenaires du Secours populaire, de réinventer leur pratique de la solidarité, notamment en raison de l’obligation de fermer leurs locaux. Face à la recrudescence des états anxieux, dépressifs, liés à la peur du lendemain et au sentiment d’isolement, ont été mis en place de nombreux accompagnements psychologiques « à distance » qui ont complété la solidarité « concrète ». En Grèce par exemple, SPG a mis en place une plateforme téléphonique afin de pouvoir recevoir les appels à l’aide. Parallèlement, les équipes de l’association se sont déplacées dans les banlieues défavorisées ou dans les camps d’accueil des migrants pour porter de l’aide alimentaire ou pour aider aux déplacements (notamment chez le médecin ou à la maternité ou à l’hôpital). Les numéros gratuits grâce auxquels les personnes ont pu converser avec des psychologues, diététiciens, sophrologues, etc. ont fait florès dans de nombreux pays, ainsi que les groupes WhatsApp ou les partages de connexion internet pour que nul ne se retrouve isolé.

Face à l’étendue des besoins, les partenaires du Secours populaire ont concentré leur action sur les populations les plus fragiles. Au Mali, l’Amscid a porté une attention particulière aux réfugiés internes qui, en raison de la crise sécuritaire, ont quitté le centre du pays et se trouvent dans des camps de déplacés à Bamako. L’association guadeloupéenne Soleil d’Or, en Dominique, a soutenu les personnes âgées Kalinagos, derniers indiens caraïbes particulièrement vulnérables durant la pandémie. C’est vers la communauté des Roms que la Fondation Ensemble, en Bulgarie, s’est tournée tandis qu’au Mexique, les équipes de Naaxwiin ont soutenu les communautés indigènes Mixe fortement marginalisées… Les enfants victimes de violences, souvent accrues durant le confinement, ont bénéficié d’une attention particulière, notamment de l’association portugaise IAC. Ainsi, à hauteur d’homme, dans le respect des besoins et de la dignité et au plus près des plus vulnérables, s’est déployée la solidarité populaire.

Au Mexique, les femmes aidées par l’association Naaxwiin participent à la solidarité en fabriquant des masques – Avril 2020

« Ce dont le monde a besoin plus que tout, c’est de solidarité »

Mustafa Barghouti, président de l’association palestinienne PMRS, rappelle ainsi le rôle irremplaçable et la valeur cardinale de la solidarité. Elle devrait être, confie-t-il, la feuille de route de l’humanité. « Le corona virus a affecté toute l’humanité. Aussi, ce que nous devons accomplir, c’est la solidarité, pour tout le monde et partout dans le monde. PMRS s’est engagé dans le combat contre la pandémie depuis le début et nous tenons à remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont soutenus dans ce combat, et en particulier le Secours populaire. Et nous exprimons notre solidarité au peuple de France, aux peuples d’Europe et du monde entier. Ce que cette épidémie et cette expérience doivent nous enseigner, c’est que ce dont le monde a besoin, ce n’est pas de guerres ou d’attaques ou d’armes. Ce dont le monde a besoin plus que tout, c’est de solidarité. »