La toxoplasmose s’invite dans le choix des traitements psychotropes

Le lien entre toxoplasmose et maladies psychiatriques de type schizophrénie et troubles bipolaires se resserre. Deux nouvelles études allant dans ce sens viennent en effet de paraître. La seconde suggère en outre que le choix des médicaments psychotropes pourrait être guidé par le statut du patient vis-à-vis de cette infection.

La schizophrénie et les troubles bipolaires seraient-ils imputables à la toxoplasmose ? Au moins en partie à en croire les travaux conduits ces dernières années sur les liens entre le parasite responsable de cette infection et les troubles psychiatriques en question. 

Aujourd’hui, une équipe Inserm confirme et étaye ces données grâce à deux nouvelles études : 

  • L’une montre que la toxoplasmose est presque trois fois plus fréquente chez les personnes atteintes de schizophrénie, troubles bipolaires ou encore troubles obsessionnels compulsifs.
  • La seconde indique que, chez les patients infectés, l’utilisation de médicaments psychotropes présentant un effet anti-toxoplasmique réduit davantage la fréquence des épisodes dépressifs que les psychotropes sans effet sur le parasite.

Un lien entre infection et maladies psychiatriques

Selon l’analyse d’une cinquantaine d’études sur les troubles psychiatriques conduite par les chercheurs, si la toxoplasmose concerne près de 43% de la population française, elle peut être détectée chez 60 à 90% des patients atteints de schizophrénie ou de troubles bipolaires ! Une surreprésentation de l’infection a également été observée chez les patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs, mais pas chez ceux souffrant de dépression sévère. 

« Ce résultat confirme ce qui a été montré par de précédents travaux et resserre le lien entre infection et maladie psychiatrique. Les analyses génétiques ont montré que les gènes de susceptibilité associés à ces maladies sont impliqués dans le système immunitaire et non dans des fonctions cérébrales : tout porte donc à croire que des facteurs infectieux ou inflammatoires sont impliqués dans l’étiologie de ces maladies psychiatriques. Des chercheurs estiment même que 13 à 30% des cas de schizophrénie pourraient être imputables à la toxoplasmose », confie Guillaume Fond*, coauteur de ces deux études et coordonnateur du réseau des Centres experts schizophrénie de France, sous l’égide de la Fondation FondaMental.

La toxoplasmose aggrave les symptômes

De plus, les travaux des chercheurs indiquent que lutter contre la toxoplasmose en même temps que la maladie psychiatrique améliore les symptômes de cette dernière. Il s’avère en effet, que certains médicaments utilisés pour traiter la schizophrénie et les troubles bipolaires présentent une activité anti-toxoplasmique in vitro. « Cette activité est plus ou moins forte selon les molécules et s’explique par l’induction d’une anomalie du flagelle du parasite, qui l’immobilise et entraine sa mort. Dans la schizophrénie, les phénothiazines et l’haloperidol ont par exemple cet effet, tout comme le valproate, indiqué dans les troubles bipolaires », précise Guillaume Fond. En comparant l’efficacité de médicaments avec ou sans effet anti-toxoplasmique, les chercheurs ont constaté que l’utilisation du valproate réduit davantage la fréquence des épisodes dépressifs des patients souffrant de troubles bipolaires quand ils sont séropositifs pour la toxoplasmose. « Pour la schizophrénie, la puissance statistique de notre étude n’était pas suffisante, car presque tous les patients étaient séropositifs », précise le chercheur. Les auteurs souhaitent confirmer ces résultats par une étude complémentaire chez des patients schizophrènes. Les dix centres experts de la schizophrénie français y participeront. 

En attendant, les chercheurs estiment que ces données sont déjà suffisamment parlantes pour systématiser le dépistage de la toxoplasmose chez les patients présentant un trouble psychiatrique. « Des études longitudinales permettront alors de démontrer définitivement si utiliser un traitement avec activité anti-toxoplasmique améliore le pronostic de ces patients », conclut Guillaume Fond. 

Comment Toxoplasma gondii pourrait-il induire une schizophrénie ? 
L’association paraît plausible ! Après avoir circulé dans l’organisme, le parasite Toxoplasma gondii peut rester dans un état quiescent prolongé dans des cellules du cerveau au niveau de l’amygdale et du noyau accumbens impliqués dans le circuit dopaminergique, lui-même associé à des maladies psychiatriques comme la schizophrénie. Ce phénomène est susceptible d’induire une inflammation chronique, en particulier chez des sujets génétiquement prédisposés, disposant d’un système immunitaire moins efficace. Cette inflammation favoriserait alors la survenue de maladies psychiatriques, notamment la schizophrénie, en association avec d’autres facteurs de risque comme la consommation de cannabis par exemple. Les rechutes pourraient même être éventuellement liées à la réactivation du parasite dans le cerveau. Une hypothèse à confirmer… 

Note

*unité 955 Inserm/Université Paris Est Créteil Val de Marne, Institut Mondor de recherche biomédicale, Créteil 

Sources :

A.L. Sutterland et coll. Beyond the association. Toxoplasma gondii in schizophrenia, bipolar disorder, and addiction : systematic review and meta-analysis. Acta Psychiatr Scand, édition en ligne du 15 avril 2015 
G. Fond et coll. Treatment with anti-toxoplasmic activity (TATA) for toxoplasma positive patients with bipolar disorders or schizophrenia : A crosssectional study. J Psychiatr Res, vol 63, pp. 58–64, avril 2015.