Coronavirus : les grandes institutions culturelles à genoux
Le Louvre, Versailles, Orsay, le Centre des monuments nationaux… Toutes les grandes institutions culturelles françaises accusent des pertes en dizaines de millions d'euros. Elles appellent à l'aide l'Etat actionnaire pour préserver l'avenir.
Par Martine Robert
Si le secteur privé de la culture attend avec impatience l'affectation du plan d'aide de 2 milliards annoncé par le Premier ministre Jean Castex , du côté du secteur public, on compte fermement sur les subventions pour amortir le choc de la crise sanitaire. Il est une poignée d'établissements parisiens pour qui les pertes accumulées sont abyssales, car les vacanciers, français comme étrangers, boudent la capitale. Le Comité régional du tourisme d'Ile-de-France, a ainsi constaté au premier semestre un nombre de touristes en baisse de plus de 14 millions, soit un manque à gagner de 6,4 milliards d'euros.
Pour Laurence des Cars, présidente du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie, pas de retour à la normale envisagé avant 2022, et « l'été 2021 sera un bon test sur le retour de la clientèle internationale », dit-elle. « On a tous compris que la situation sanitaire va rester compliquée longtemps et que les jauges réduites sont appelées à durer », reconnait-on au ministère de la Culture.
Pas de retour à la normale avant 2022
Orsay, comme Le Louvre, Versailles et d'autres lieux culturels emblématiques sont très touchés par l'absence de touristes étrangers, lesquels représentent habituellement 60 % de la fréquentation du premier et 80 % pour les deux autres. A Orsay, en juillet et août, la fréquentation a chuté de 70 % par rapport à la normale. « On a franchi le cap des 100.000 visiteurs avec James Tissot, ce qui est néanmoins loin d'être négligeable et confirme le rôle moteur des expositions dans la venue de la clientèle nationale », remarque la patronne du musée.
Lire aussi :
Passation de pouvoir accélérée à l'Opéra de Paris sur fond de gouffre financier
Les musées de New York rouvrent mais à 25 % de leur capacité d'accueil
En 2019, l'autofinancement de l'établissement était à hauteur de 65 %, un record ! Les 3,7 millions de visiteurs à Orsay et le million à l'Orangerie, avaient généré 22 millions d'euros de billetterie. Cette année, où la perte de ses recettes propres devrait s'élever à 28 millions, Laurence des Cars a obtenu une subvention de l'Etat de 10 millions et renégocie une nouvelle enveloppe pour 2021.
Combler la perte des visiteurs étrangers
Le Louvre, qui enregistrait déjà 40 millions d'euros de manque à gagner à la fin du confinement, envisage une ardoise bien plus lourde aujourd'hui. L'institution a accueilli 220.000 visiteurs en juillet et 330.000 en août, en baisse respectivement de 75 % et 60 % par rapport à 2019. Les Français représentaient 80 % des flux et la direction s'inquiète de ce qui va se passer en septembre.
A l'Opéra de Paris , les visites du palais Garnier traditionnellement très prisées, ont chuté des trois-quarts cet été tandis que le CMN note un effondrement de la fréquentation de ses grands sites parisiens de 70 à 80 %. Au total, sa centaine de monuments accusent une perte qui sera proche des 60 millions de recettes, et son président Philippe Bélaval, malgré 20 millions d'économies, a également lancé un appel à l'aide pour boucher un trou de 40 millions. Catherine Pégard, à la tête du château de Versailles, a, de son côté, demandé un soutien exceptionnel de 20 à 25 millions d'euros pour 2021 et de 25 à 30 millions pour 2022. Seul le Louvre est dans une situation atypique, bénéficiant du fonds de dotation du Louvre Abu Dhabi .
Projets au long cours
Ces institutions majeures pour la France, craignent pour le futur, car elles sont engagées dans des projets au long cours. Le Louvre est engagé dans la rénovation des appartements du roi, dans l'ouverture d'un espace famille appelé le Studio, et dans la refonte du jardin des Tuileries. Le Grand Versailles doit refaire notamment les appartements du roi, dans le cadre de la phase II - à 130 millions d'euros - de son schéma directeur.
Quant au projet Orsay Grand Ouvert, soutenu heureusement par un mécénat américain de 20 millions d'euros, il consiste à un réaménagement sur cinq ans, afin de restituer toute la gare d'Orsay aux collections et au public. Sont prévus un centre éducatif de 650 mètres carrés et une nouvelle aile de présentation qui abritera notamment la donation Hays, tandis que la documentation et la bibliothèque seront transférées quai Voltaire afin de constituer un centre de ressources et de recherche à vocation internationale.
D'où un redimensionnement des expositions, de l'accueil du public, etc. Pour Laurence des Cars, « il n'est pas question de sacrifier des projets à la crise sanitaire », tout en admettant qu'il faudra adapter l'offre en conséquence. Mais, souligne la patronne d'Orsay optimiste, « tous nos partenariats avec des musées internationaux et régionaux ont été confirmés. Rien n'a été annulé, tout a pu être reporté ».
Lire aussi :
Le monde de la culture attend de voir ses 2 milliards d'euros
Passation de pouvoir accélérée à l'Opéra de Paris sur fonds de gouffre financier
Le Louvre a une chance de reconquérir le public français
Les défis urbains et ruraux du Centre des Monuments Nationaux
Comment la musique classique tente de sauver son été
Le festival 1.001 Notes en Limousin, rescapé du coronavirus
Ces festivals de musique classique qui se maintiennent coûte que coûte
La Philharmonie, partition magistrale
Opéra de Paris, 350 bougies et autant de défis
La grogne monte chez les producteurs de spectacles
Coronavirus : le spectacle vivant craint la destruction de 26.000 emplois
Les milliards perdus de l'annulation des festivals
Quelle relance pour la culture après le Covid ?
Coronavirus : les acteurs de la billetterie submergés par les annulations
Coronavirus : les festivals, un modèle à réinventer
Les festivals annulés font de Rock en Seine leur vitrine
Coronavirus : une facture de 600 millions d'euros pour le spectacle vivant
Le ministère de la Culture chiffre les dégâts du confinement
Martine Robert