Robert Hossein: "Je crois en Dieu, car je crois en l'homme"

Interrogé par notre consœur lorsqu'il était de passage à Hyères en mars 2013, l'acteur posait un regard distancié sur la société et l'actualité en homme libre.

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Propos Recueillis Par Gisèle Koson-dray Publié le 31/12/2020 à 13:33, mis à jour le 31/12/2020 à 14:04
Robert Hossein lors du festival du Cirque de Monte-Carlo en 2012. Photo Eric Dulière.

Vous attendez un homme religieux, à qui il ne manquerait que la soutane… Et, miracle, vous prenez place à côté d'un homme libre, qui n'a de cesse de défendre le sort des autres. Toujours élégant et sobre.

En présentant dernièrement à Hyères le film consacré à sa représentation à Lourdes d'Une femme nommée Marie, l'homme de cinéma, de théâtre et de lettres, Robert Hossein, veut mettre à la portée de tous l'action universelle de partager "avant qu'il ne soit trop tard".

Son regard plein de toute une vie de rencontres et de questions laisse parfois s'échapper une larme: "J'ai vu tant de souffrances et de douleurs…"

Il a beau afficher un impressionnant parcours, il n'en est pas moins humain, et subtilement fragile.

Un homme nommé Jésus, Une femme nommée Marie, des pièces qui pourraient signer votre religiosité? Êtes-vous croyant?

Je dirais plutôt que je crois en Dieu, car je crois en l'homme. Dans ces pièces, l'histoire religieuse se met au service d'une vision du monde. Ce qui me donne envie de vous dire: Dieu, j'y crois tellement, qu'il finira bien par exister! J'ai été baptisé à 40 ans, et j'ai laissé le choix à mes enfants de pratiquer la religion qui les intéresse. Croire, ce n'est pas important, c'est d'avoir quelque chose là [en posant la main sur le cœur]. Et puis j'ai connu des gens athées qui étaient bien plus proches de Dieu que des croyants, vous comprenez ?

Le théâtre et le cinéma peuvent-ils être au service de la religion?

Je ne sais pas. En revanche, ce dont je suis sûr c'est qu'ils aident à réfléchir. Il y a tant de misères et de malentendus dans ce monde. Je tiens par-dessus tout à dire que j'ai un respect absolu de toutes les religions, de toutes les races et de toutes les nationalités. Le partage me semble être la chose la plus essentielle. Ce n'est pas de la morale, mais plutôt la seule façon de trouver le répit. J'ai la chance de faire un métier extraordinaire, qui me permet de dire aux gens: "Engageons-nous les uns les autres à vivre et à partager".

Pourtant vous n'excluez pas un certain mysticisme?

Certaines coïncidences sont troublantes. Lorsque j'ai été président du festival de Gavarnie, j'ai dit à ma femme: "Si on passait par Lourdes". J'aperçois alors la Basilique, et je ressens comme un malaise. Revenu à moi, je me suis dit: "C'est là que je dois faire quelque chose". Il y a six millions de pèlerins par an à Lourdes, et on n'a jamais fait un spectacle sur ce parvis. Il m'a fallu deux ans pour réaliser Marie. La représentation unique sur le parvis a réuni plus de 25 000 personnes. Et le 13 avril, ce parvis portera mon nom. C'est émouvant. Je suis honoré d'avoir pu partager cette aventure avec des centaines de personnes et des milliers de spectateurs (1).

Alors que les églises se vident, la manifestation contre le mariage pour tous a rassemblé des milliers de personnes. Qu'en pensez-vous?

Oh, j'ai des tas d'amis homosexuels, et s'ils veulent s'aimer et se marier, qu'on leur donne le droit. Je ne suis pas moraliste, ni juge. Je suis plus circonspect sur l'adoption. Mais j'aimerais bien que ces gens manifestent pour tous ceux qui crèvent de faim.

Et l'argent, Depardieu, et la finance?

Je vous réponds partage. Lorsqu'on fait un film, on devrait pouvoir payer les gens en fonction du succès du film: ainsi tout le monde pourrait mieux vivre de cet art. Cela décrisperait les producteurs, les acteurs, les techniciens. De plus, c'est logique. Quant à Depardieu, le procès qu'on lui fait est injuste: il a déjà tellement payé d'impôts. L'important, ce n'est pas l'argent, mais ce qu'il permet. Avec ma femme, nous avons tout vendu pour monter mes spectacles. J'étais prêt à faire la manche quand j'ai vu ces milliers de malades à Lourdes. Mais quel bonheur de partager ces moments avec des centaines de personnes. C'est magnifique. Ça n'a pas de prix!

Votre plus cher souhait aujourd'hui?

Que les jeunes exercent un métier qu'ils ont choisi. Je crois qu'aujourd'hui les trois-quarts de l'humanité vivent mal d'un métier qu'ils n'ont jamais choisi. Je souhaite transmettre et redonner l'espoir. En exerçant une activité qu'ils aiment les gens ont l'impression d'exister. Une chose est sûre, on a plus le sentiment d'exister quand on tient compte de la vie des autres. La réussite sociale est éphémère. C'est tellement important de se mettre au service d'autre chose que de soi-même.

Êtes-vous un homme heureux?

Oui, je crois, j'ai encore plein de projets mais le temps presse. Je n'ai pas les moyens de les réaliser, qu'importe! Vous savez le génie, c'est dix-huit heures de travail par jour. Le talent, c'est d'en trouver aux autres… Et puis, je prends en référence mon père qui disait toujours: "Je suis né pauvre avec une cervelle de riche". Il vaut mieux ça, non?


1. Retransmis sur France 3, en août 2010, le spectacle avait réuni deux millions de téléspectateurs.

Né le 30 décembre 1927 à Paris, de son vrai nom Robert Hosseinoff, d'un père musicien et d'une mère comédienne, d'origine russe.

Marié depuis 37 ans à la comédienne Candice Patou dont il a eu trois fils.

Robert Hossein a tourné dans plus d'une centaine de films, cinquante pièces de théâtre, une dizaine de grands spectacles (Les Misérables, Ben Hur, Un homme nommé Jésus, Une femme nommée Marie).Il est par ailleurstrès proche de nombreux artistes comme Jean-Paul Belmondo, Roger Hanin, Pierre Mondy, Frédéric Dard...

En 1946, il signe son premier filmLes voyous. En 1955, il réaliseLes salauds vont en enfer, en 1956 Toi le veninavec Marina Vlady. En 1964, il débute dans la série Angélique Marquise des Anges,avec Michèle Mercier, en jouant le rôle de Joffrey de Peyrac.

En 1965, Tonnerre de Dieuavec Jean Gabin, en 1971, Le casse, en 1980 Les uns, les autres avec Claude Lelouch, en 1981 Le professionnelavec Belmondo, en 1982 LesMisérables.

Dans les années 1970, il dirige le théâtre populaire de Reims, puis le théâtre Marigny jusqu'en 2008.

En 2007, il monte Ben Hur, et en 2010 Une femme nommée Marie qui sont d'énormes succès populaires.

"J'ai connu des athées bien plus proches de Dieu que certains croyants "

"Se mettre au service d'autre chose que de soi-même"

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