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Tour de France : Christian Prudhomme sermonne les maires écolos

Tour de France 2020dossier
Dans un discours très offensif, mercredi à Grenoble en présence d'Eric Piolle, le directeur de la course a pointé le danger des «communautarismes» et affirmé que «grâce au Tour», les chômeurs de certaines régions «relèvent la tête».
par Pierre Carrey, sur la route du Tour
publié le 17 septembre 2020 à 19h46

Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, explose en public : «Le Tour de France est une épreuve qui fédère, qui rassemble. Ne cassez pas ce qui rassemble ! Il y a tant de communautés, de communautarismes, de gens qui se séparent ! [Il brandit le bras au ciel.] Le Tour, c'est tellement plus que la plus grande course cycliste du monde. Le Tour, c'est notre pays !»

«On doit tous s’améliorer»

Une vidéo mise en ligne ce jeudi sur le site du Dauphiné libéré montre une scène étonnante et d'une colère assez rare pour ce genre de circonstances, captée au départ de la 17e étape du Tour de France, mercredi, place de l'hôtel de ville à Grenoble (Isère). Certains élus locaux rassemblés dans le «village départ», sont – sans être directement nommés – attaqués publiquement par l'organisateur d'un événement qu'ils ont pourtant invité (et financé). Principal visé : le maire Eric Piolle qui, comme d'autres élus écologistes, émet des critiques sur «la place des femmes» et le volet «environnemental» de l'épreuve cycliste. Ce jour-là, Piolle vient de prendre la parole au micro pour réitérer sa position connue depuis 2014 : «Il faut que ça bouge.» Prudhomme écoute le maire de Grenoble puis il dégaine.

De retour sur la course après son contrôle positif au Covid et huit jours de mise à l'écart, l'organisateur commence par défendre son bilan écologique : «Peut-être n'avançons-nous pas assez vite dans certains domaines mais nous travaillons. Savez-vous qu'au mont Aigoual [dans le Gard, arrivée de la 6e étape le 3 septembre, ndlr], par exemple, nous avons installé des filets anti-divagation des gens ? Que tout est fait en collaboration ? Parce que nous parlons aux gens… Et je pense que toute solution est toujours possible, partout !» Prudhomme poursuit : «On doit tous s'améliorer : la ville de Grenoble, nous, le Tour de France, ASO [Amaury sport organisation, propriétaire de l'épreuve], vous individuellement et collectivement…»

Déballage médiatique

Le directeur du Tour expose ensuite ce qui semble être la raison de son courroux : le déballage médiatique. «Seule la discussion sans parler dans les médias en premier peut aider, dit-il. C'est juste du bon sens.» Les Verts ont en effet multiplié les objections sur certains aspects de l'événement, par voie de presse, depuis que la maire PS de Rennes, Nathalie Appéré, a refusé en août, sous l'influence de ses alliés EE-LV, d'accueillir le grand départ du Tour de France 2021. Poursuivant le débat, de nombreux édiles verts ont exigé des garanties sociales et environnementales de la part d'ASO, notamment Pierre Hurmic à Bordeaux. Léonore Moncond'huy (Poitiers) et Grégory Doucet (Lyon) ont certes assisté au passage du Tour dans leur ville, mais la candidature avait été décidée par leurs prédécesseurs à la mairie. Les deux élus ont eux aussi appelé le Tour de France à évoluer. C'est la première fois depuis la création de l'épreuve en 1903 que des femmes et hommes politiques de cette envergure contestent le modèle de la course.

Christian Prudhomme affirme que le Tour de France remplit un rôle social : «On sera samedi en Haute-Saône, à la Planche des Belles Filles : 35% de chômeurs en fond de vallées, des gens qui baissaient la tête et qui la relèvent. […] Grâce au Tour, ils relèvent la tête. Parce qu'ils voient leur village, Plancher-les-Mines dans la Haute-Saône, qui est montré dans le monde entier. Et ils sont fiers !» Le patron du Tour ajoute : «Je suis sûr que dans ce magnifique département de l'Isère, je suis sûr qu'à Grenoble, dans la métro[pole], dans la ville, les gens sont fiers. Et ils le sont encore plus dans nos territoires ruraux !» Prudhomme conclut sur un ton très grave : «Mais ce qui nous rassemble, ce qui nous unit, c'est juste du bon sens. Taper sur ce qui nous unit n'est pas une erreur, c'est une faute !» A son côté sur l'estrade, Eric Piolle applaudit poliment.

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